En fait
1. Par demande du 25 février 1993, N1 et N2 (anciennement : N ) ont ouvert action contre F et C. Les conclusions de la demande ont été modifiées, après opposition des défendeurs, par jugement du 23 octobre 1997. La teneur des conclusions modifiées est la suivante :
I. Constater qu' F par la revendication des inventions faisant l’objet des demandes de brevets suisses 3459/90 5 du 31 octobre 1990,01058/91 6 du 10 avril 1991, du brevet suisse CH 682909 délivré le 15 décembre 1993, de la demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 du 30 octobre 1991, des demandes nationales et européennes qui en découlent, en particulier de la demande de brevet suisse 2133/92 et de la demande de brevet européenne déposée sous No 91917946/91 A et publiée le 14 octobre 1992 sous No EP 507905 A1 a violé les obligations issues du contrat de travail qu'il avait conclu avec N.1 puis N, devenue N 2 S.A ;
II. Constater que NA 1. en sa qualité d'employeur est la seule propriétaire – subsidiairement que N 1. et N 2 en leurs qualités d'employeurs sont les seules propriétaires – de tous les droits, en particulier ceux à la délivrance de brevets, pour les inventions faisant l’objet des brevets et demandes de brevets visés à la conclusion I ci-dessus ;
III. Constater
a/ que N 1, est la propriétaire exclusive – subsidiairement que N 1 et N 2 sont les propriétaires exclusives – de toutes
demandes de brevets d’F et / ou C fondées sur les demandes de brevets suisses 03459/90 5 et 01058/91 6 ou l’une d'entre elles, notamment de la demande de brevet suisse 2133/92 du 30 octobre 1992, de la demande de brevet PCT/CH91/00222 et des demandes nationales et européennes de brevets qui en découlent, notamment la demande de brevet européen publiée sous numéro EP 507905 A1 le 14 octobre 1992, et que les droits s'y rapportant, en particulier le droit à la délivrance du brevet européen, appartiennent exclusivement à N.1 en sa qualité d'employeur, subsidiairement à N 1 et N 2, sans que C et / ou F aient croit à la délivrance des brevets correspondant à ces demandes ;
b/ que N 1, est la propriétaire – subsidiairement que N.1 et N 2 sont les propriétaires des brevets qui sont et seront issus de la demande internationale PCT/CH91/00222, de la demande de brevet européenne EP 507905 A1 et des demandes de brevets suisses Nos 2133/92 et 2693/93 et des inventions revendiquées dans les brevets et demandes de brevets désignées à la conclusion IV a/ ci-dessous ;
IV. a/ Ordonner la cession et le transfert, principalement à N 1, subsidiairement à N 1 et N 2 des brevets obtenus ou à obtenir en suisse et/ou en d'autres pays sur la base de la demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 et / ou de la demande de brevet européenne EP No 507905 A1 pour les inventions visées par la conclusion III ci-dessus, savoir en particulier des brevets ci-après
Autriche AT 400291 B
Australie AU 650064 B2
Belgique BE 1006165 AF
Suisse CH 682909 A
Espagne ES 2085823 BA
France FR 2668451 B1
Japon JP 2118570
Grande Bretagne GB 2255494 B2
Italie IT 1250066 A
Luxembourg LU 88131 A
USA US 5472719 A
et des demandes de brevet ci-après
Canada No de publication CA 2072367 AA
(No de demande 2072367/91 A)
Allemagne No de publication DE 4192762 T
(No de demande 4192762/91 A)
Danemark No de publication DK 857/92 A
(No de demande 857/92 A)
Europe No de publication EP 507905 A1
(No de demande 91917946/91 A)
Pays Pas [sic] No de publication NL 9120010 A
(No de demande 9120010/91 A)
Portugal No de publication PT 99373 A
(No de demande 999373/91 A)
Suède No de publication SE 92.01946 A
(No de demande 9201946/92/A)
Suisse No de demande 2693/93 ;
b/ prononcer qu' F et C sont condamnés à céder et transférer principalement à N 1, subsidiairement à N 1 et N 2
tous les brevets mentionnés à la lit a/ ci-dessus, toutes les demandes de brevets mentionnées à la lit a/ ci-dessus et tous les brevets qui auront été délivrés, respectivement seront délivrés, sur la base des demandes, ainsi qu'à accomplir toutes opérations requises dans les pays concernés en vue du transfert et de l’enregistrement de ces brevets. et demandes de brevets en faveur de N 1, subsidiairement N 1 et N 2
Par réponse du 2 juillet 1993, les défendeurs ont conclu au rejet des conclusions de la demande.
2. Il ressort en bref ce qui suit des écritures des parties et des pièces au dossier :
a) N 1 remplit dans le groupe les tâches de recherches et de développements technologiques, d'assistance technique commerciale et administrative et de développement de concepts marketing. Cette société est notamment propriétaire du laboratoire de recherches Linor.
N 2 travaillant également en étroite collaboration avec le groupe, a pour but social la fabrication et la vente de produits alimentaires et diététiques. N 2 produit et diffuse des capsules de café comportant une portion unitaire de café moulu dont le café est extrait au moyen de machines qui, préalablement à l’extraction, réalisent un pré-mouillage à l’intérieur de la capsule puis une aération du café (système…).
La Société des produits N 1 est notamment titulaire de brevets suisses et européens dans le domaine des cartouches et appareils pour la confection de boissons.
b) F a été salarié du groupe du 1er juin 1975 au 31 juillet 1990. Il a d'abord travaillé pour N 1 puis a assumé, dès juillet 1986, la direction technique et celle de la recherche et du développement au sein de N2.
Les 31 octobre 1990,10 avril et 30 octobre 1991 et 30 octobre 1992, F, et C ont déposé trois demandes de brevet suisse Nos 3459/90 5, 1058/91 6 et 2133/92 6 et une demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 ayant pour objet une cartouche contenant une dose de substance pour la préparation d'un produit liquide, ainsi qu'une pièce collectrice pour cette cartouche. Le 15 décembre 1993, C s'est fait délivrer le brevet suisse CH 682909, sur la base de la demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 (demande suisse 2133/92 dans la phase nationale).
Un rapport d'expertise a été déposé le 2 novembre 1995 et complété les 7 mars et 10 juin 1997.
3. Le 19 juin 1998, F et C ont déposé une requête incidente tendant' à l’éconduction d'instance des demanderesses, s'agissant des éléments suivants de leurs conclusions :
Ad conclusion I :
« … de la demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 du 30 octobre 1991, des demandes nationales ... ».
Ad conclusion III, a/ :
« ... de la demande de brevet PCT/CH91/00222 et des demandes nationales ... »
Ad conclusion III, b/ :
« ... de la demande internationale PCT/CH91/00222, ... »
Ad conclusion IV, a/
« ... sur la base de la demande internationale de brevet PCT/CH91/00222 et/ou ...., savoir en particulier des brevets ci-après
Autriche AT 400291 B
Australie AU 650064 B2
Belgique BE 1006165 AF
Espagne ES 2085823 BA
France FR 2668451 B1
Japon JP 2118570
Grande Bretagne GB 2255494 B2
Italie IT 1250066 A
Luxembourg LU 88131 A
USA US 5472719 A
et des demandes de brevets ci-après
Canada Na de publication CA 2072367 AA
(No de demande 2072367/91 A)
Allemagne No de publication DE 4192762 T
(No de demande 4192762/91 A)
Danemark No de publication DK 857/92 A
(No de. demande 857/92 A).
(…)
Pays Pas [sic] No de publication NL 9120010 A
(No de demande 9120020/91 A) (sic ndr)
Portugal No de publication PT 99373-A
(No de demande 999373/91 A
Suède No de publication SE 9201946 A
(No de demande 9201946/92/A)
(...) »
Par mémoire du 10 septembre 1998, N 1 et N 2 ont conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la requête en déclinatoire partiel déposée par F et C
EN DROIT :
Faisant valoir qu'une action tendant à l’inscription de certains' brevets ne relève pas de la juridiction de leur domicile, les requérants soulèvent le déclinatoire partiel ratione loci.
Il sera procédé à l’examen du for en matière de litiges relatifs à des brevets délivrés et des demandes déposées, d'une part, dans les pays liés à la Suisse par la convention de Lugano (chiffre I) et, d'autre part, dans des Etats avec lesquels la Suisse n'est pas liée par ladite convention (chiffre II).
I. For en matière de litige relatifs à des brevets délivrés et des demandes de brevets déposées dans les pays liés à la Suisse par la Convention de Lugano.
Les défendeurs invoquent,la notion de litige "en matière d'inscription ou de validité des brevets" mentionnée à l’art. 16 chapitre 4 de la convention de Lugano, pour faire valoir l’incompétence du tribunal de céans dans le cas d'espèce.
Il y a donc lieu de déterminer si cette notion peut recouvrir le litige opposant N 1 et N 2 à F et C.
a) D'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, du 15 novembre 1993 (affaire Duijnstee c. Gorderbauer, RCDIP 1984 p. 361, c.22 à 25), il ressort notamment ce qui suit :
« …il importe d'observer que la compétence exclusive pour les litiges en matière d'inscription ou de validité attribuée aux juridictions des Etats contractants sur les territoires desquels le dépôt ou l’enregistrement du brevet a été demandé ou a été effectué, est justifiée par le fait que ces juridictions sont les mieux placées pour connaître des cas dans lesquels le litige porte lui-même sur la validité du brevet ou l’existence du dépôt ou de l’enregistrement.
En revanche, ainsi qu'il est expressément mentionné dans le rapport d'expert concernant la convention de Bruxelles (J.O., n° C 59, p. 36), pour « les autres actions, y compris les actions en contrefaçon, les règles générales de la convention sont applicables ». Cette indication confirme le caractère restrictif de la disposition de l’art. 16 chapitre 4.
Il s'ensuit que sont à considérer comme des litiges « en matière d'inscription ou de validité des brevets" les litiges dans lesquels l’attribution d'une compétence exclusive aux juges du lieu de délivrance du brevet est justifiée à la lumière des éléments susmentionnés, tels que les litiges portant sur la validité, l’existence ou la déchéance du brevet ou sur la revendication d'un droit de priorité au titre d'un dépôt antérieur.
Si, par contre, le litige ne porte pas lui-même sur la validité du brevet ou l’existence du dépôt ou de l’enregistrement, il faut estimer qu'aucune raison particulière ne plaide pour l’attribution d'une compétence exclusive aux juridictions de l’Etat contractant où le brevet a été demandé ou délivré et que, par conséquent, un tel litige ne relève pas de l’art. 16 chapitre 4. »
La solution qui s'est imposée dans le cadre de l’interprétation de l’art. 16 chapitre 4 de la convention de Bruxelles ne saurait être différente dans le cadre de la convention de Lugano, où le texte de l’art. 16 chapitre 4 de la convention de Bruxelles est repris sans changement. En effet, si les Etats contractants de la convention de Lugano membres de l’AELE ne sont pas formellement liés par les arrêts rendus par la Cour de justice des Communautés européennes, ils n'en considèrent pas moins "approprié que leurs tribunaux, en interprétant la Convention de Lugano, tiennent dûment compte des principes retenus dans la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes et des tribunaux des Etats membres des communautés européennes relatifs aux dispositions de la Convention de Bruxelles qui sont reproduites en substance dans la Convention de Lugano" (Déclaration des représentants des Gouvernements des Etats signataires dé la Convention de Lugano qui sont membres de l’Association européenne de libre-échange, citée in P. Mercier et B. Dutoit, op. cit., p. 21 ss).
Ainsi, la notion de litige en matière d'inscription ou de validité des brevets ne recouvre pas un différend entre un employé, auteur d'une invention pour laquelle un brevet a été demandé ou obtenu, et son employeur lorsque le litige porte sur leurs droits respectifs sur ce brevet découlant de leur relation de travail (P. Mercier et B. Dutoit, l’Europe judiciaire, les Conventions de Bruxelles et de Lugano, compétence internationale, reconnaissance et. exécution des jugement en Europe, 2ème éd., Paris 1996, p. 84 in fine).
b) En l’espèce, ni la validité des brevets ni la régularité de leur inscription dans les différents pays ne sont contestées par les parties. La solution du litige dépend en effet uniquement de la question de savoir si les titulaires des droits aux brevets sont N 1 et N 2 ou bien F et C, ce qui doit être établi sur la base des rapports juridiques ayant existé entre les intéressés. Il n'y a dès lors pas lieu d'appliquer la règle du for spécial figurant à l’art. 16 chapitre 4 de la convention de Lugano. Les défendeurs peuvent ainsi être recherchés au for de leur domicile ou à un for concurrent prévu par la convention.
II. For en matière dé litiges portant sur des brevets délivrés et des demandes de brevets déposées dans des Etats avec lesquels la Suisse n'est pas liée par la convention de Lugano.
Les défendeurs invoquent l’exception prévue à l’art. 109 al. 1er, 2ème phrase, LDIP, en matière d’"actions sur la validité ou l’inscription de droits de propriété intellectuelle à .l’étranger" pour faire valoir l’incompétence du tribunal de céans dans le cas d'espèce.
a) Le parallèle entre l’art. 109 LDIP et l’art. 16 chapitre 4 des conventions précitées a également été mis en évidence par les commentateurs de l’art. 109 LDIP (G. Jegher/A. Schnyder, in Kommentar Zum Schweizerischen Privatrecht, Internationales Privatrecht, Bâle 1996, pp. 710ss, spéc. p. 720).
Ainsi, pas plus que l’art. 16 chapitre 4 de la convention de Lugano, l’art. 109 LDIP n'exclut la compétence des tribunaux suisses pour connaître des actions tendant à la cession de demandes de brevets déposées à l’étranger ou de brevets délivrés à l’étranger.
b) En l’espèce, l’action peut donc être valablement portée devant le tribunal de céans (art. 109 al. 1er, 1ère phrase LDIP).
III. Au surplus, c'est à raison que les requérants ne contestent pas la compétence du tribunal de céans quant aux revendications des droits au brevet européen. En effet, lorsqu'un litige divise un employé et son employeur, le for est celui de l’Etat sur le territoire duquel l’employé exerce son activité principale, voire où se trouve l’établissement de l’employeur auquel l’employé est rattaché (art. 60 al. 1er, 2ème phrase de la convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, entrée en vigueur pour la Suisse le 7 octobre 1977). En outre, une étroite connexité entre la revendication de brevets ou demandes de brevets issus de la même demande internationale de brevet PCT qu'un brevet suisse justifie à l’évidence que les actions puissent être tranchées en Suisse à un for unique. Enfin, accepter les conclusions incidentes des requérants reviendrait à remettre en cause le jugement du 23 octobre 1997 par lequel le juge instructeur a rejeté l’opposition de ces mêmes requérants aux modifications de conclusions des demanderesses.
IV. En définitive, la requête de déclinatoire partiel doit être rejetée.
Les frais de la procédure incidente, arrêtés à 500 CHF, sont mis à la charge des requérants solidairement entre eux (art. 176 al. 1er Tciv).
Etant déboutés de leurs conclusions dans la procédure incidente, les requérants, solidairement entre eux, verseront aux intimées, solidairement entre elles, des dépens de l’incident (art. 92 al. 1er et 150 al. 2 CPC ; Poudret/Wurzburger/Haldy, Procédure civile vaudoise, p. 208, n.7.5 ad art. 92 CPC), qu'il convient d'arrêter à 1.500 CHF.
Par ces motifs,
I. La requête incidente en déclinatoire tendant à l’éconduction d'instance partielle des intimées NU et N Z déposée le 19 juin 1998 par IF. et C est rejetée.