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unalex. Jurisprudence Décision CH-500
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unalex. Jurisprudence

Décision CH-500  



Tribunal Fédéral (CH) 29.05.2012 - 5A_682/2011
Art. 1 Convention de Lugano 2007 – unalexChamp d’application ratione materiae –unalexMatières exclues du champ d'application du Règlement « Bruxelles I bis » –unalexLes faillites, concordats et autres procédures analogues –unalexEn particulier : actions révocatoires formées par le syndic de faillite

Tribunal Fédéral (CH) 29.05.2012 - 5A_682/2011, unalex CH-500



Les actions révocatoires concernant une faillite ne relevent pas du champ d'application de la Convention de Lugano de 2007, solution qui vaut aussi lorsque l'action émane d'un créancier cessionnaire des droits de la masse.


-  Texte de la décision 

Faits:

F. SA, société sise à X., a été déclarée en faillite le 3 octobre 2006 sur requête de A. ; son actionnaire et administrateur unique était G. Y. SA est une société sise aux Etats-Unis (Wyoming), dont l'actionnaire est H.

En 2002, B., C. et D., tous domiciliés dans le canton de Genève, ont investi 1.400.000 US$ dans les affaires de G., en constituant avec lui une nouvelle société dont la raison sociale était, en dernier lieu, I. Limited ; G. et les investisseurs genevois, tous actionnaires de la société, étaient liés par une convention de société simple.

Un litige survenu entre G. et les investisseurs genevois a donné lieu à une plainte pénale de ceux-ci, représentés par Me J., contre celui-là, représenté par Me E. ; des pourparlers ont abouti le 13 septembre 2005 à la signature d'un accord aux termes duquel G. s'est engagé à verser à ses trois associés la somme de 950.000 US$, moyennant le retrait de la plainte pénale.

Une somme de 960.000 US$ a été virée le 26 octobre 2005 du compte bancaire de F. SA sur un compte « Avoirs de clients » de Me E. ; la cause de ce versement était « I. ». Le surlendemain, cet avocat a viré la somme de 950.000 US$ sur un compte de l'Etude de Mes K., L. et J., en mentionnant la même cause de paiement.

Dans le cadre de la faillite de F. SA, l'Office des faillites de Genève a colloqué en 3e classe une créance de A. à hauteur de 1.519.347 CHF98 et inventorié une prétention révocatoire, à concurrence de 960.000 US$, à l'encontre de Me E., B., C. et D., dont il a offert la cession aux créanciers de la faillite. Selon l'estimation de l'office des faillites, aucun dividende n'était escompté pour les créanciers chirographaires.

Agissant en qualité de cessionnaire des droits de la masse en faillite, A. a assigné, le 3 octobre 2008, Me E., B., C. et D., en paiement de la somme de 960.000 US$ avec intérêts à 5 % dès le 26 octobre 2005.

Statuant le 24 juin 2010, le Tribunal de première instance de Genève a notamment déclaré recevable l'action révocatoire (ch. 1), révoqué le paiement de 960.000 US$ opéré le 26 octobre 2005 (ch. 2), condamné le défendeur E. à payer à A. la somme de 10.000 US$ (ch. 3), condamné les défendeurs B., C. et D., conjointement et solidairement, à payer à A. la somme de 950.000 US$ (ch. 4) et mis tous les dépens à la charge des défendeurs (ch. 5).

Par arrêt du 26 août 2011, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé les chiffres 2, 4 et 5 du dispositif de cette décision, en la confirmant pour le surplus, et condamné A. aux dépens de première instance et d'appel, comprenant une indemnité de procédure de 40.000 CHF à titre de participation aux honoraires d'avocat des défendeurs B., C. et D., et une indemnité de procédure de 15.000 CHF à titre de participation aux honoraires d'avocat de E.

Par acte du 30 septembre 2011, A. interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral ; elle conclut à ce que B., C. et D. soient condamnés à lui verser la somme de 950.000 US$ avec intérêts à 5 % dès le 26 octobre 2005, à ce que la condamnation de E. à lui verser la somme de 10.000 US$ soit confirmée, à ce que la condamnation de ce dernier aux dépens de première instance, y compris la participation aux honoraires d'avocat, soit confirmée et à ce que les intimés soient condamnés aux frais et dépens de la procédure fédérale.

Les intimés B., C. et D. concluent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité ; à titre éventuel, ils contestent la qualité pour agir de la recourante, proposant le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction. L'intimé E. conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable et au rejet des conclusions prises à son égard.

Par ordonnance du 17 janvier 2012, le Juge instructeur de la IIe Cour de droit civil a invité la recourante à verser jusqu'au 31 janvier 2012 la somme de 12.000 CHF à titre de sûretés en garantie des dépens. Cette caution a été versée dans le délai fixé.

Considérant en droit :

Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 LTF) ; la recourante, qui a été déboutée de ses conclusions par la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Sous réserve d'exceptions non pertinentes en l'occurrence (art. 74 al. 2 LTF), le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève à 30.000 CHF au moins (art. 74 al. 1 let. b LTF).

D'après la jurisprudence, lorsque l'action révocatoire tend au paiement d'une somme d'argent, la valeur litigieuse équivaut au montant réclamé (ATF 99 III 27 consid. 1) ; celui-ci étant exprimé en monnaie étrangère, il doit être converti en francs suisses selon le cours en vigueur au jour de l'ouverture d'action (arrêt 4A_274/2011 du 3 novembre 2011, publié in : SJ 2012 I 160). Vu les conclusions demeurées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF ; i.e. 950.000 US$) et le taux de change à la date déterminante (i.e. 3 octobre 2008), le seuil légal de 30.000 CHF est largement atteint (1.074.526 CHF).

En appel, l'intimé no. 4 a conclu à la confirmation du jugement de première instance en tant qu'il le concerne ; sa condamnation à payer à la recourante la somme de 10.000 US$ est ainsi définitive. Dans ces circonstances, la recourante ne justifie d'aucun intérêt à la confirmation de cette condamnation (art. 76 al. 1 let. b LTF).

En l'espèce, la cause présente un caractère international, dès lors que la recourante – demanderesse à l'action révocatoire – a son siège aux Etats-Unis (art. 1er al. 1 LDIP ; ATF 131 III 76 consid. 2.3). Comme l'a rappelé la cour cantonale, l'action révocatoire dans la faillite est soustraite au champ d'application de la Convention de Lugano (ATF 129 III 683 consid. 3.2 ; 131 III 227 consid. 4), solution qui vaut aussi lorsque l'action émane d'un créancier cessionnaire des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP (BRACONI, in : Commentaire romand, 2011, no. 13 ad art. 171 LDIP et la doctrine citée). La compétence à raison du lieu est ainsi réglée par l'art. 289 LP, aux termes duquel l'action est intentée au domicile du défendeur en Suisse, condition qui n'est pas contestée en l'espèce (cf. au sujet de la compétence locale : PETER, in : Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, no. 4 ; STAEHELIN, in : Basler Kommentar, SchKG II, 2e éd., 2010, no. 8 ad art. 289 LP, qui soumettent la question à l'art. 23 CC).

Même si ce point n'a aucune incidence sur le sort du litige, la référence à l'art. 171 LDIP – qui renvoie de toute façon aux art. 285 ss. LP – est inexacte ; cette norme ne vise en effet que l'action révocatoire exercée dans le cadre de la faillite ancillaire suisse (art. 166 ss. LDIP), alors que, en l'espèce, cette action s'inscrit dans une faillite principale ouverte en Suisse (cf. à ce sujet : BRACONI, ibidem, no. 5 et les citations).

La recourante se plaint d'établissement inexact – à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 III 268 consid. 1.2) – des faits en relation avec la bonne foi des intimés nos 1 à 3.

Comme on le verra plus loin (cf. infra, consid. 4.2), l'éventuel vice est sans incidence sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF).

La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé les art. 286 et 290 LP. En bref, elle fait valoir que le motif de révocation invoqué est objectif, de sorte qu'il est réalisé indépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi du bénéficiaire de l'acte ; de surcroît, les intimés ne sont pas des « tiers » dont la bonne foi devrait être prise en compte.

Après un rappel des principes généraux de la révocation, la Cour de justice a constaté que la recourante est l'unique cessionnaire de la masse en faillite de la société anonyme qui a versé la somme litigieuse à l'intimé no. 4, avocat de son actionnaire et administrateur unique. La société n'a reçu aucune contre-prestation de son actionnaire unique, ou d'un tiers, et l'intimé no. 4 a conservé 10.000 US$ pour lui-même, avant de transférer le solde (950.000 US$) à un confrère, représentant les intimés nos 1 à 3, lesquels ont fini par recevoir la somme à titre de paiement d'une dette personnelle de l'actionnaire unique à leur égard ; autrement dit, la société a acquitté, sans y être juridiquement tenue ni recevoir de contre-prestation, une dette privée de 950.000 US$ de son actionnaire unique envers les intimés nos 1 à 3, ainsi qu'une somme de 10.000 US$, destinée à l'avocat personnel de l'actionnaire unique. Ce paiement est dès lors révocable en vertu de l'art. 286 al. 1 LP.

L'autorité précédente a néanmoins débouté la recourante pour le motif suivant : Le « bénéficiaire direct » du paiement effectué par la société est l'actionnaire et administrateur unique de celle-ci, alors que les intimés sont des « tiers » au sens de l'art. 290 LP et doivent être traités comme des « successeurs singuliers successifs » du prénommé. Dans la chaîne des tiers, les derniers étaient les intimés nos 1 à 3, qui ne connaissaient pas la provenance initiale de la somme versée – c'est-à-dire le compte bancaire de la société faillie – et ne pouvaient même pas la connaître, car les fonds ont transité par les comptes bancaires de deux études d'avocats avant de parvenir chez eux ; d'ailleurs, la recourante n'allègue même pas que les intéressés connaissaient ou auraient dû connaître le caractère révocable du paiement de la société. Partant, ils sont de toute manière protégés dans leur acquisition, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de la bonne ou mauvaise foi de l'intimé no. 4, qui était le « premier maillon de la chaîne » de transmission des fonds finalement reçus par les intimés nos 1 à 3.

Aux termes de l'art. 286 al. 1 LP, sont révocables toute donation et toute disposition à titre gratuit, à l'exception des cadeaux usuels, si elles sont faites par le débiteur dans l'année qui précède la saisie ou la déclaration de faillite. En l'espèce, il n'est pas contesté que le paiement litigieux a été effectué dans le délai rétrograde prévu par la disposition précitée et que l'action a été introduite à temps (art. 292 ch. 2 LP). En outre, comme l'a démontré l'autorité précédente, les conditions posées à l'art. 286 al. 1 LP sont réalisées ; il n'y a pas lieu d'y revenir.

C'est avec raison que la recourante rappelle que les actes énumérés à l'art. 286 LP reposent sur des critères objectifs et sont ainsi révocables abstraction faite de la bonne ou mauvaise foi des protagonistes (arrêt 5A_555/2011 du 16 mars 2012 consid. 2.2.4, avec les références). La recourante soutient que ce principe s'applique aussi aux successeurs à titre universel ou singulier du bénéficiaire originaire « dans les cas où il n'existe pas de conditions subjectives, par exemple dans le cas de l'art. 286 [LP] » (PETER, ibidem, no. 15 in fine) ; partant, il n'y avait pas lieu de s'interroger sur l'éventuelle bonne foi des intimés, fussent-ils même des « tiers » au sens de l'art. 290 LP.

Cette opinion est contredite par GILLIÉRON, qui affirme que « la mauvaise foi imputée au successeur à titre particulier est un élément subjectif indépendant des conditions de révocabilité établies aux articles 286 à 288 LP » (Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. IV, 2003, no. 12 ad art. 290 LP) ; la Cour de céans s'est ralliée à ce dernier avis dans un arrêt du 7 février 2008 (5A_210/2007 consid. 5.2.1 in fine). Quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu d'approfondir la question, car le grief pris d'une violation de l'art. 290 LP apparaît fondé (cf. infra, consid. 4.2.2).

En vertu de l'art. 290 LP, l'action révocatoire est intentée contre les personnes qui ont traité avec le débiteur ou bénéficié d'avantages de sa part, et notamment contre les tiers de mauvaise foi ; elle ne porte pas atteinte aux droits des tiers de bonne foi. Par « tiers », au sens de cette disposition, il faut entendre le successeur à titre singulier (ayant cause) du premier acquéreur (ATF 130 III 235 consid. 6.1.1 ; 51 III 204 consid. 2 ; arrêt 5A_201/2007 précité).

L'intimé no. 4 n'est pas le « premier acquéreur », dès lors que les fonds litigieux – hormis la somme qu'il a conservée par devers lui – n'ont fait que transiter par son compte bancaire « Avoirs de clients ». Le même raisonnement s'applique pour le conseil des intimés nos 1 à 3, qui s'est simplement limité à encaisser la somme sur le compte de son étude, puis à la transférer à ses clients, même si elle lui a été versée par son confrère. Il s'ensuit que les deux prénommés – le premier pour ce qui excède la somme de 10.000 US$ – n'ont pas la légitimation passive au regard de l'art. 290 LP (ATF 30 II 154 consid. 5).

La juridiction précédente estime, sans motivation particulière, que le bénéficiaire du paiement révocable est « l'actionnaire et administrateur unique » de la société en faillite. Il est exact que ce paiement a eu pour effet de libérer l'intéressé de sa dette à l'égard des intimés nos 1 à 3. Il n'en demeure pas moins que la loi mentionne expressément tous ceux qui ont « bénéficié d'avantages » de la part du débiteur ; en d'autres termes, l'action peut être exercée d'une manière générale « contre tout tiers qui, directement ou indirectement, a acquis des valeurs sorties du patrimoine du débiteur par l'effet de l'acte attaqué et intervenu dans les conditions prévues aux art. 286 à 288 [LP] » (JAEGER, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III, 1920, no. 1 ad art. 290 LP) ; la doctrine est unanime (cf. notamment : GILLIÉRON, ibidem, no. 11 ; BRAND, Die Anfechtungsklage, in : RDS 62/1943 p. 218 ; GAUGLER, Die paulianische Anfechtung, vol. I, 1944, p. 161 ; SCHÜPBACH, Droit et action révocatoires, 1997, nos 49 ss. ad art. 290 LP, avec les références citées ; UMBACH-SPAHN, in : Kurzkommentar SchKG, 2009, no. 3 ad art. 290 LP) et la jurisprudence adopte la même position (ATF 135 III 265 consid. 3). Or, tel est le cas des intimés nos 1 à 3, qui ont été les bénéficiaires, par l'intermédiaire de leur mandataire, de la somme que la société débitrice a versée ; ils en étaient d'ailleurs contractuellement les destinataires à teneur de l'accord du 13 septembre 2005 (cf. supra, let. A) ; le fait qu'ils n'aient pas collaboré personnellement à l'opération est dépourvu de pertinence dans ce contexte (PETER, ibidem, no. 6 et les citations).

Vu ce qui précède, c'est à tort que l'autorité précédente a débouté la recourante pour le motif tiré de l'absence de légitimation passive ; par conséquent, les intimés nos 1 à 3 sont en principe tenus de restituer le montant perçu.

La recourante réclame un intérêt moratoire depuis le 26 octobre 2005, date à laquelle le paiement litigieux a été opéré ; le premier juge – dont la décision fait l'objet d'une procédure cantonale de révision qui a été suspendue jusqu'à droit connu sur le présent recours – a omis de se prononcer sur cette prétention, alors que la Cour de justice n'a pas eu à en connaître, puisqu'elle a intégralement rejeté l'action.

Le dies a quo invoqué à l'appui de ce moyen est erroné. La somme à restituer ne porte pas intérêt du jour de l'acte révocable, mais de celui où le demandeur a mis en demeure le bénéficiaire recherché (ATF 135 III 513 consid. 9.6.1, avec les références ; GILLIÉRON, ibidem, no. 20 et la jurisprudence citée) ; à défaut de mise en demeure antérieure, l'intérêt moratoire n'est ainsi dû qu'à partir du lendemain de la notification de la demande aux intimés (THÉVENOZ, in : Commentaire romand, CO I, 2003, no. 9 ad art. 104 CO ; WEBER, Berner Kommentar, VI/1/5, 2000, no. 40 ad art. 104 CO et les citations ; en faveur d'une généralisation de la règle de l'art. 105 al. 1 CO, qui prévoit le jour de la demande en justice : VON TUHR/ESCHER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol. II, 3e éd., 1974, para. 73 n. 23). Il appartiendra à l'autorité précédente de compléter ses constatations et de statuer à nouveau sur ce point (art. 107 al. 2 LTF).

Il n'y a pas lieu d'examiner en l'espèce si le taux de l'intérêt moratoire doit correspondre à celui dont les parties sont convenues dans l'acte révocable (cf. sur cette question : MORAND, Le taux de l'intérêt moratoire applicable aux créances libellées en monnaie étrangère payables en Suisse, in : RSDA 1992 p. 167 ss) ou à celui que prévoit le droit suisse en tant que loi régissant l'obligation révocatoire (cf. STAEHELIN, ibidem, no. 15b et les citations). La recourante ne se plaint pas d'une violation du droit étranger sur ce point (art. 96 LTF), et les intimés nos 1 à 3 ne prétendent pas que le taux serait inférieur à 5 %, de sorte que celui-ci doit être retenu (ATF 135 III 513 consid. 9.6.1).

Enfin, la recourante se plaint d'avoir été astreinte à verser des dépens à l'intimé no. 4 ; elle dénonce une application arbitraire de l'art. 176 al. 1 LPC/GE.

Le jugement de première instance ayant été rendu avant l'entrée en vigueur du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC), l'allocation des dépens en instance d'appel est réglée par l'ancien droit de procédure cantonal (art. 404 al. 1 CC). Sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas en considération ici (art. 95 let. c à e LTF), la violation du droit cantonal ne constitue pas un motif de recours ; le recourant peut cependant faire valoir que ce droit a été appliqué de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 138 V 67 consid. 2.2 et les arrêts cités ; cf. sur la définition de l'arbitraire : ATF 138 IV 13 consid. 5.1 et les citations).

Aux termes de l'art. 176 al. 1 LPC/GE, applicable en procédure d'appel (art. 313 LPC/GE ; BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, vol. II, 2007, no. 3 ad art. 313), tout jugement, même sur incident, doit condamner aux dépens la partie qui succombe (i.e. principe du résultat [« Erfolgsprinzip »] ; BERTOSSA ET AL., op. cit., no. 6 ad art. 176 et les arrêts cités).

En l'espèce, l'intimé no. 4 n'a pas formé appel du jugement de première instance, qui est ainsi définitif à son égard ; devant la Cour de justice, il a conclu à la confirmation de cette décision en tant qu'elle le concernait, « sachant qu'il s'en rapporte à justice pour le surplus ». De son côté, la recourante a conclu au rejet de l'appel déposé par les intimés nos 1 à 3 et, sur appel incident, à la condamnation de ceux-ci à payer un intérêt moratoire de 5 % dès le 26 octobre 2005 ; pour le surplus, elle a conclu à la confirmation du jugement entrepris en tant qu'il concernait l'intimé no. 4 (non visé par l'appel incident). Dans ces conditions, ce dernier n'a pas obtenu gain de cause vis-à-vis de la recourante qui, par là même, ne peut pas être qualifiée de partie ayant « succombé ». Cela étant, la condamnation de la recourante aux dépens de deuxième instance en faveur de l'intimé no. 4 apparaît arbitraire et doit, par conséquent, être annulée.

Les intimés nos 1 à 3 font valoir que, même si le Tribunal fédéral devait suivre l'argumentation de la recourante, il ne pourrait statuer au fond, mais devrait renvoyer la cause à la juridiction précédente pour qu'elle complète l'instruction. En effet, la recourante – à savoir pour elle son actionnaire H. – a été intégralement désintéressée grâce au produit de la réalisation des actifs de l'actionnaire et administrateur unique de la société débitrice, de sorte qu'elle a perdu la légitimation active.

Les intimés nos 1 à 3 l'ont emporté en instance cantonale, si bien qu'ils n'avaient pas d'intérêt à recourir au Tribunal fédéral ; ils peuvent néanmoins soulever des griefs propres dans leur réponse aux fins de prévenir l'issue victorieuse du recours de la partie adverse (cf. sur ce point : ATF 135 IV 56 consid. 4.2 et la jurisprudence citée). Il s'ensuit que le chef de conclusions (implicite) tendant au renvoi de la cause à la juridiction précédente pour complément d'instruction est en principe recevable.

Selon la jurisprudence citée par les intimés nos 1 à 3, le demandeur à l'action révocatoire perd sa qualité pour agir lorsque la créance constatée dans l'acte de défaut de biens a été éteinte (arrêt 5A_58/2009 du 28 septembre 2009, consid. 2.1, in : Praxis 2010 no. 115). Toutefois, cet arrêt concerne l'action révocatoire dans la saisie, situation qui n'est pas réalisée ici. Or, le créancier cessionnaire des droits de la masse qui a été entièrement désintéressé ne perd pas sa légitimation active ; ce sont les créanciers (colloqués) renvoyés perdants qui profitent alors du gain du procès conformément à l'art. 260 al. 2 LP ; il s'agit d'une question de répartition de l'actif qui ressortit à la compétence de l'office des faillites et n'intéresse pas le défendeur à l'action révocatoire (ATF 113 III 20 et la jurisprudence citée ; dans le même sens, pour l'action en contestation de l'état de collocation : ATF 115 III 68). L'instruction complémentaire que sollicitent les intéressés est donc sans incidence sur leur obligation de restituer ce qu'ils ont reçu en vertu de l'acte révocable.

En conclusion, le présent recours apparaît bien fondé dans la mesure de sa recevabilité, en ce sens que l'action révocatoire doit être admise sur le fond ; il appartiendra à la juridiction précédente de compléter ses constatations sur le point de départ de l'intérêt moratoire et de statuer à nouveau sur les dépens de la procédure d'appel entre la recourante et l'intimé no. 4, puis de fixer derechef les frais et dépens des instances cantonales. Les frais et dépens de la présente procédure sont mis à la charge des intimés, proportionnellement à l'enjeu du litige.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.





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