PROCEDURE
A. Le 20 novembre 2002, le juge du district d’Entremont a rendu la décision suivante, sur la requête de mesures « pré-provisionnelles urgentes et provisionnelles » formée le 25 octobre 2002 par Les Elfes Verbier SA et son directeur, Philippe Stettler, contre Core Association à Genève
1. Ordre est donné à Core Association de suspendre les noms de domaines « leselfes.net » et « leselfes.org » et de refuser l’enregistrement respectivement le suspendre s’il a déjà eu lieu d’autres noms de domaine dans la mesure où elle constate (elle même ou sur l’intervention de tiers) que le contenu des sites Internet correspondants est semblable à celui de « leselfes.net » et « leselfes.org ».
2. Cette injonction déploiera ses effets jusqu’à droit connu dans la procédure de mesures provisionnelles dirigée par les instants contre Miguel Rojo Perez (père), Miguel Rojo Perez (fils), Carmen Rossi, John John, « hostmaster@acens.com » et « zoneedit.com », respectivement, si la décision de mesures provisionnelles est suivie d’un procès sur le fond, jusqu’à la liquidation de ce dernier.
3. Pour le surplus, la requête est rejetée.
4. Les frais du tribunal (300 CHF) sont supportés par Core Association.
5. Core Association payera 300 CHF à Les Elfes Verbier SA et Philippe Stettler, à titre de remboursement des avances. Pour le surplus, chaque partie supporte ses frais d’intervention.
B. Le 3 février 2003, le juge du district d’Entremont, statuant sur la requête de mesures « pré-provisionnelles urgentes et provisionnelles » déposée le 3 juin 2002 par Les Elfes Verbier SA et Philippe Stettler, contre les Hoirs de Carmen Rosa Rojo Rossi soit son père Miguel Rojo Perez, sa mère Carmen Rossi, son frère Miguel Rojo Perez domiciliés à Madrid, hostmaster@acens.com à Madrid, zoneedit.com aux Etats Unis et John John à Norfolk en Grande Bretagne, a prononcé :
1. II est pris acte du retrait de requête dans la mesure où elle est dirigée contre « hostmaster@acens.com » et « zoneedit.com ».
2. Ordre est donné à Core Association de suspendre les noms de domaines « leselfes.net » et « leselfes.org » et de refuser l’enregistrement respectivement de le suspendre s’il a déjà eu lieu d’autres noms de domaine dans la mesure où elle constate (elle même ou sur l’intervention de tiers) que le contenu des sites Internet correspondants est identique ou semblable à celui de « leselfes.net » et « leselfes.org ».
3. Interdiction est faite à Miguel Rojo Perez (père) et John John de créer ou de faire créer de nouveaux sites Internet dont le contenu est identique ou semblable à celui de « leselfes.net » et « leselfes.org », sous peine des sanctions de l’art. 292 CP :
Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni des arrêts ou de l’amende.
4. Pour le surplus, la requête est rejetée.
5. Un délai de trois mois est imparti à Philippe Stettler et Les Elfes Verbier SA pour ouvrir action au fond contre Miguel Rojo Perez (père) et John John. A défaut, les mesures provisionnelles tomberont de plein droit.
6. Le sort des frais et des dépens est renvoyé à fin de cause. Les frais (l’600 CHF) sont prélevés sur les avances de Philippe Stettler et de Les Elfes Verbier SA. Ils resteront définitivement à leur charge si l’action au fond n’est pas ouverte dans le délai imparti.
C. Par mémoire demande du ter mai 2003, Les Elfes Verbier SA et Philippe Stettler ont ouvert action contre Miguel Rojo Perez (père) et John John en prenant les conclusions suivantes :
4.1 La demande est admise.
4.2 Miguel ROYO PEREZ et John JOHN verseront, solidairement entre eux, un montant de Fr. 10’000 avec intérêts à 5% dès le 3 juin 2002, ou un montant à dire d’expert aux Elfes Verbier SA, à titre de dommages et intérêts.
4.3 Miguel ROYO PEREZ et John JOHN verseront, solidairement entre eux, un montant de Fr. 10’000. avec intérêts à 5% dès le 3 juin 2002, à Philippe STETTLER, à titre de tort moral.
4.4 Ordre est donné à Core Association de suspendre les noms de domaine « leselfes.net » et « leselfes.org » et de refuser l’enregistrement respectivement de le suspendre s’il a déjà eu lieu d’autres noms de domaine dans la mesure où elle constate (elle même ou sur l’intervention de tiers) que le contenu des sites Internet correspondants est identique ou semblable à celui de « leselfes.net » et « leselfes.org ».
4.5 Interdiction est faite à Miguel ROYO (père) et John JOHN de créer ou de faire créer de nouveaux sites Internet dont le contenu est identique ou semblable à celui de « leselfes.net » et « leselfes.org », sous peine des sanctions de l’art. 292 CP ainsi libellé :
Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni des arrêts ou de l’amende.
4.6 Une équitable indemnité est allouée aux demandeurs pour leurs frais d’intervention à titre de dépens, y compris pour les procédures de mesures provisionnelles, selon décompte LTar à produire.
4.7 Tous les frais de procédure et de décision sont mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux.
D. Par commission rogatoire du 30 mai 2003, le juge du district d’Entremont a communiqué la demande à Miguel Rojo Perez et l’a invité à fournir sa réponse dans un délai de vingt jours, à peine de défaut. L’ordonnance du juge a été notifiée en Espagne, le 15 décembre 2003. Miguel Rojo Perez ne s’étant toutefois pas exécuté dans le délai imparti, le juge lui a octroyé un dernier délai de dix jours, par commission rogatoire du 25 février 2004, pour déposer son mémoire réponse, à peine de jugement contumacial. La notification de cette seconde ordonnance est intervenue le 14 mai 2004.
E. Le 25 février 2004, le juge a imparti aux demandeurs un délai de dix jours pour chiffrer sommairement la valeur litigieuse des conclusions n°4.4 et 4.5 de leur mémoire demande. Par exploit du 8 mars 2004, ceux ci ont précisé qu’il était impossible de chiffrer la conclusion n°4.4 sans expertise mais que celle ci représentait un montant maximum de 1000 FF. Ils ont par ailleurs évalué la valeur litigieuse de la conclusion 4.5 comme suit : enregistrement du nom de domaine (par année) Fr. 18. ; hébergement (par année) Fr. 240. ; création du site Internet Fr. 5000. ; administration, mise à jour, maintenance (par année) Fr. 1000. Le 18 mars 2004, le juge du district d’Entremont a prononcé la disjonction des causes Les Elfes Verbier SA et Philippe Stettler c. Miguel Rojo Perez (ENT C1 03 10) et Les Elfes Verbier SA et Philippe Stettler c. John John (ENT C1 04 16).
G. Le 21 septembre 2004, la cause ENT C1 03 10 a été transmise au Tribunal cantonal pour examen des conditions du défaut et, le cas échéant, pour jugement contumacial.
SUR QUOI LE TRIBUNAL CANTONAL
I. Préliminairement
1. Le présent litige étant de nature internationale, il convient d’examiner si les autorités judiciaires suisses sont compétentes en raison du lieu. L’art. ler al. 2 LDIP réserve les traités internationaux en matière de compétence internationale, notamment la Convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 16 septembre 1988 (ci après : CL). Celle ci étant entrée en vigueur entre la Suisse et l’Espagne le ler novembre 1994, elle est applicable au cas d’espèce (art. 54 al. 1 CL).
a) Le principe institué par la CL en matière de for est que le défendeur, quelle que soit sa nationalité, doit être actionné à son domicile ; les sociétés et les personnes morales, à leur siège (art. 2 al. 1 CL). En matière délictuelle, l’art. 5 ch. 3 CL prévoit un for alternatif dans les termes suivants « Le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ».
Ce for, contrairement à l’art. 2 CL qui entraîne une attribution aux juridictions de l’Etat concerné, désigne directement le tribunal compétent territorialement (Donzallaz, La convention de Lugano, vol. III, Berne 1998, p. 346 n. 5057 ; Poudret, Les règles de compétence de la Convention de Lugano confrontées à celles du droit fédéral, en particulier à l’art. 59 de la Constitution, in L’espace judiciaire européen, Lausanne 1992, p. 59).
Par matière délictuelle ou quasi délictuelle on entend notamment les dommages découlant d’actes de concurrence déloyale ainsi que les atteintes aux droits de la personnalité (Donzallaz, op. cit., p. 351, n. 5073 ss ; Danthe, Le droit international privé suisse de la concurrence déloyale, Lausanne 1998, p. 229 ; Poudret, op. cit., p. 71). La notion de dommage, retenue par la convention, est plus large que celle prévue àl’art. 41 CO puisqu’elle concerne également la réparation du tort moral. II convient ainsi, au plan procédural, d’admettre que les actions en réparation du tort moral comme celles en réparation du dommage peuvent être introduites au for spécial prévu par l’art. 5 ch. 3 CL. II en va par ailleurs de même pour les actions en cessation (Donzallaz, op. cit., p. 362, n. 5100 et p. 368, n. 5117) et, en principe, en prévention du trouble (Gaudemet Tallon, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, compétence internationale, reconnaissance et exécution des jugements en Europe, 2ème éd., Paris 1996, p. 150, n. 198 et Donzallaz, op. cit., p. 368, n. 5117 lequel est plus réservé). Selon GaudemetTallon, on pourrait exiger, pour ces dernières, que la localisation de l’éventuel fait générateur ou celle du préjudice qui risque de survenir puisse être déterminée dès ce stade de prévention (Gaudemet Tallon, op. cit., p. 150, n. 198). Dans certains cas, il apparaît toutefois impossible d’admettre, au for de l’art. 5 ch. 3 CL, une action en prévention du trouble, notamment lorsque l’atteinte redoutée « entraînerait des dommages dans la quasi totalité de l’Europe ». En effet, si la simple menace d’un préjudice devait suffire pour fonder la compétence des tribunaux des lieux où le dommage pourrait peut être se produire, pratiquement tout tribunal européen serait à considérer comme compétent (Donzallaz, op. cit., p. 369, n. 5119 et les références citées).
Dans son arrêt Soc. Dumez France et a. c. Hessische Landesbank et a. du 11 janvier 1990 (aff. C 220/88 consid. 20), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a en outre indiqué que le lieu du fait dommageable à retenir était celui « où le fait causal, engageant la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, a produit directement ses effets dommageables à l’égard de celui qui en est la victime immédiate » (Danthe, op. cit., p. 231 ; Gaudemet Tallon, op. cit., p. 145, n. 192). II doit être déterminé en fonction des allégués de la demande (Donzallaz, op. cit., p. 374, n. 5136). En cas de délits à distance, soit lorsque l’événement lésionnaire et son résultat sont situés dans des états différents, le demandeur peut agir aussi bien à l’endroit où l’acte générateur a été commis qu’à celui où l’atteinte immédiate s’est produite (Donzallaz, op. cit., p. 375, n. 5138). Selon l’arrêt Antonio Marinari c. Lloyd’s Bank pic et Zubaidi Trading Company du 19 septembre 1995 (aff. C 364/93 consid. 21), l’art. 5 ch. 3 CL ne vise toutefois pas le lieu où la victime prétend avoir subi un préjudice patrimonial consécutif à un dommage initial survenu dans un autre Etat contractant (p. ex. la perte de gain consécutive à un accident de la route ; Danthe, op. cit., p. 232 et références citées). Les conséquences médiates ne rentrent en effet pas en considération pour déterminer l’autorité compétente en raison du lieu.
b) En l’espèce, Philippe Stettler allègue avoir été personnellement et moralement atteint par les affirmations de Miguel Rojo Perez. II demande l’allocation d’une indemnité à titre de tort moral ainsi qu’interdiction soit faite au défendeur de créer ou de faire créer des sites similaires au site « www.leselfes.net ». Dès lors que le demandeur est domicilié à Verbier, on doit considérer que les effets dommageables se sont produits à cet endroit. D’éventuelles atteintes ultérieures, en raison de la constitution de nouveaux sites Internet, produiraient par ailleurs leurs effets au même endroit. Le Tribunal cantonal est ainsi compétent ratione loci pour connaître de la demande de Philippe Stettler (art. 5 ch. 3 CL).
c) La société Les Elfes Verbier SA prétend avoir subi un dommage en raison de la création d’un site Internet par le défendeur. Cette action a en effet entraîné la fermeture de sa représentation en Espagne. Au vu des considérations juridiques qui précèdent, les conséquences patrimoniales subies par la société Les Elfes Verbier SA en Suisse (perte sur chiffre d’affaires) ne fondent pas un for. Seuls l’endroit où l’acte générateur a été commis (soit le lieu où les données contestées ont été rendues publiques par le biais du réseau Internet, probablement situé au domicile de Miguel Rojo Perez, ou le siège du fournisseur d’accès acens.com, en Espagne) et celui où l’atteinte immédiate s’est produite (le lieu où la société prétend avoir dû fermer sa représentation) peuvent être retenus. Ceux ci étant situés en Espagne, le Tribunal de céans n’est donc pas compétent en raison du lieu pour connaître de l’action des Elfes Verbier SA en réparation du dommage (art. 5 ch. 3 CL).
d) Au chiffre 4.4 de ses conclusions, la partie demanderesse réclame qu’ordre soit donné à Core Association de suspendre le nom de domaine leselfes.net et de refuser l’enregistrement respectivement de le suspendre s’il a déjà eu lieu d’autres noms de domaine dans la mesure où elle constate (elle même ou sur l’intervention d’un tiers) que le contenu des sites Internet correspondant est identique ou semblable à celui de leselfes.net. Cette conclusion est toutefois prise à l’encontre d’une association de gestion des noms de domaine qui n’est pas partie au procès. Elle doit donc être déclarée irrecevable (arrêt du Tribunal cantonal non publié du 28 novembre 2001, en la cause C. c. I., consid. 5b p. 14).
2. Philippe Stettler a conclu au versement d’un montant de 10’000 CHF à titre de tort moral. Par exploit du 25 février 2004, les conclusions n°4.4 et 4.5 ont par ailleurs été chiffrées respectivement à un maximum de 1000 CHF et à une somme de 6258 FF. On ne voit toutefois pas en quoi le fait d’interdire la création de sites similaires au site « www.leselfes.net » générerait des frais de maintenance, d’enregistrement de nom de domaine, d’hébergement, tel que l’ont précisé les demandeurs. Leur estimation, en tant qu’elle se rapporte au chiffre 4.5 de leurs conclusions, ne peut être suivie et la valeur litigieuse est donc arrêtée à 1l’000 CHF (art. 15 al. 1 et 16 al. 1 CPC). Ce montant fonde la compétence du Tribunal cantonal pour examiner si les conditions du défaut sont remplies et, le cas échéant, prononcer un jugement contumacial (art. 23 al. 1 let. b CPC en relation avec l’art. 46 OJ ; art. 101 al. 5 CPC ; RVJ 1994 p. 125 consid. 1 a et 1 b ; 1991 p. 394 consid. 1 d).
3. Miguel Rojo Perez a été sommé à deux reprises de déposer sa réponse, la deuxième fois avec mention expresse des conséquences du défaut (art. 97 ss CPC). II n’a pas donné suite à ces injonctions ; il est par conséquent défaillant (art. 99 s. CPC).
Avertis de la transmission du dossier à l’autorité de jugement, les demandeurs n’ont pas renoncé par écrit aux suites du défaut (art. 100 et 101 al. 5 CPC), II y a donc lieu de rendre un jugement contumacial.
4. Aux termes de l’art. 102 al. 1 CPC, en cas de jugement par défaut, les faits allégués et les conclusions de la partie non défaillante sont admis à moins qu’il ne résulte du dossier ou de la situation juridique que la prétention est manifestement irrecevable ou infondée. N’est pas manifestement irrecevable la demande qui, sur la base des faits allégués et dont l’inexactitude n’est pas établie par les actes du dossier, permet une construction juridique justifiant que les conclusions prises soient allouées. Le juge ne peut en effet pas être contraint par les règles de procédure à couvrir de son autorité une application inexacte du droit matériel (Ducrot, Le droit judiciaire privé valaisan, Martigny 2000, p. 420 ; RVJ 1995 p. 164 consid. 1 c ; 1992 p. 205 consid. 1 c et les réf. ).
II. Statuant en faits
5. La société Les Elfes SA, dirigée par Philippe Stettler, met sur pied des camps de vacances pour des jeunes gens de 8 à 18 ans à Verbier (ci après : Ecole Les Elfes).
Le 6 juillet 2001, alors que des élèves de l’Ecole Les Elfes faisaient du rafting sur le Rhône, un accident se produisit qui entraîna la noyade et le décès de la fille de Miguel Rojo Perez. Une enquête pénale fut alors ouverte par le Tribunal d’instruction pénale du Bas Valais à St Maurice.
Le 5 mai 2002, Miguel Rojo Perez créa un site Internet sous le nom de domaine « www.leselfes.net », contenant plus de 15 pages d’informations erronées au sujet de l’Ecole Les Elfes et de son directeur. On y expliquait par exemple que des radeaux artisanaux non homologués avaient été utilisés lors de la descente du Rhône et que Philippe Stettler, pourtant premier responsable de la sécurité des enfants, avait, malgré des conditions atmosphériques catastrophiques, maintenu cette descente, plus préoccupé à faire la fête que d’assumer sa tâche de directeur. Le rafting fatal y était en outre décrit comme une activité de survie dont les parents n’avaient pas été informés, alors que celle ci était inscrite dans la brochure qui leur avait été remise. L’enseignement dispensé par l’Ecole était enfin présenté comme déplorable.
Via son site Internet, le défendeur a contacté toutes les ambassades suisses à l’étranger, ainsi que les représentations, tour opérateurs et voyagistes dans lesquels Les Elfes Verbier SA possédait une représentation. Par courrier du 31 mai 2002, il fut mis en vain en demeure de fermer son site.
Les allégations de Miguel Rojo Perez ont personnellement et moralement affecté Philippe Stettler.
Considérant en droit
a) Les personnes physiques bénéficient de la protection de leur personnalité contre les atteintes émanant de tiers. La portée et la mise en œuvre de cette protection sont régies aux art. 28 ss CC.
Par personnalité, on entend notamment les droits de la personnalité sociale tel que le droit à l’honneur. La protection, accordée par les art. 28 ss CC, vise surtout l’estime professionnelle, économique et sociale (ATF 129 III 715). L’atteinte, au sens de ces dispositions, est réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelque façon un trouble aux biens de la personnalité d’autrui en violation des droits qui la protègent (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, p. 81 n. 550 ss ; Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, Sème éd., Bâle et Francfort sur le Main 1995, p. 139, n. 514 ; ATF 120 II 371). L’honneur peut être atteint de différentes manières, en particulier par des allégations vraies, fausses ou par des injures (Tercier, op. cit., p. 70, n. 481). Pour savoir si une déclaration est propre à diminuer la considération d’une personne, il faut se référer à des critères objectifs, du point de vue du « citoyen moyen » (ATF 128 IV 53). II suffit que celui ci soit induit à penser que le lésé manque de l’une ou l’autre des qualités qui constituent l’honneur (Tercier, op. cit., p. 70, n. 482).
Pour qu’il y ait protection, cette atteinte doit encore être illicite. Selon l’art. 28 al. 2 CC, une atteinte est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi. Les affirmations fausses qui portent atteinte aux droits de la personnalité sont, sauf rares exceptions, illicites (ATF 126 111305 ; Tercier, op. cit., p. 70, n. 484).
b) Les allégations figurant sur le site Internet « www.leselfes.net », créé par Miguel Rojo Perez, laissent apparaître Philippe Stettler comme un directeur irresponsable qui, par manque de conscience professionnelle, a fait courir des risques inconsidérés à des enfants qui lui avaient été confiés. II est également désigné comme le principal responsable de la mort de l’un d’entre eux. Ces affirmations, qui sont accessibles par tout internaute, en français, en anglais et en espagnol, portent atteinte à son honneur. Compte tenu des allégations des demandeurs, elles doivent être considérées comme fausses et, partant, illicites.
c) Lorsque l’illicéité de l’atteinte est constatée et n’est pas écartée par un motif justificatif, le lésé peut intenter les actions spécifiques prévues à l’art. 28a al. 1 CC pour assurer la protection de sa personnalité. Le demandeur peut notamment introduire une action préventive lorsque l’atteinte illicite est imminente. Le but est alors d’interdire à l’auteur le comportement qu’il se propose d’avoir afin d’éviter la réalisation d’une atteinte future (Tercier, op. cit., p. 125, n. 914). L’imminence suppose une menace sérieuse (Bucher, op. cit., p. 152, n. 571). Le demandeur doit établir que la personne recherchée s’apprête effectivement à porter prochainement une atteinte illicite à sa personnalité. Cette menace découle souvent du fait que le défendeur a déjà commis une atteinte qu’il pourrait à l’avenir vouloir répéter (Tercier, op. cit., p. 126, n. 918). L’imminence ne signifie pas nécessairement que l’atteinte doit se produire dans un avenir très proche. II suffit que la menace soit réelle (Tercier, op. cit., p. 126, n. 919). Le juge qui admet l’action peut y adjoindre l’interdiction sous la menace de sanctions pénales prévues par l’art. 292 CP (Tercier, op. cit., p. 132, n. 967).
Philippe Stettler a été atteint dans son honneur par les informations diffusées sur le site Internet www.leselfes.net. Au chiffre 4.5 des conclusions du mémoire demande, il est requis qu’interdiction soit faite à Miguel Rojo Perez de créer ou faire créer de nouveaux sites Internet dont le contenu serait identique ou semblable à celui de « leselfes.net » ou « leselfes.org » sous peine des sanctions prévues à l’art. 292 CP. II s’agit donc d’une action préventive. Eu égard au fait que Miguel Rojo Perez a créé un premier site Internet, lequel porte un regard très dégradant sur la personne de Philippe Stettler, et qu’il considère que le demandeur est responsable de la mort de sa fille, on doit admettre qu’il existe un risque sérieux que le défendeur crée d’autres sites similaires. Aussi, convient il de faire droit à la conclusion 4.5 de la demande.
d) La personne atteinte dans sa personnalité dispose enfin, selon l’art. 28a al. 3 CC, des actions en dommages intérêts et en réparation du tort moral. Selon l’art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Le tort moral peut être défini comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d’une atteinte à sa personnalité (Tercier, op. cit., p. 267, n. 2029). L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité du trouble et de ses répercussions (RVJ 1995 p. 121). Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge (ATF 129 IV 22 consid. 7.2 ; 125 111 269 consid. 2a). L’évaluation de l’indemnité pour tort moral échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites ; l’indemnité doit toutefois être équitable.
Vu la gravité des propos tenus à son égard, Philippe Stettler a été sérieusement atteint dans sa personnalité. Par ses allégations, Miguel Rojo Perez a jeté le discrédit et a sérieusement mis en péril la réputation professionnelle de Philippe Stettler. En conséquence, à titre de réparation du tort moral, le défendeur doit être condamné à lui verser un montant de 10’000 FF.
7. Le demandeur a droit à l’intérêt du capital qui lui est dû, à savoir à l’intérêt compensatoire. II s’agit également d’un élément du dommage qui permet à la victime d’être placée dans la situation où elle se trouverait si elle avait obtenu aussitôt satisfaction (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2ème éd., Berne 1982, p. 222 ; Spahr, L’intérêt moratoire, conséquence de la demeure, in RVJ 1990 p. 351 ss ; Rey, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, Sème éd., Zurich 2003, p. 40 s.). En vertu de l’art. 73 al. 1 CO, celui ci se monte à 5 % et son dies a quo correspond au jour de l’événement dommageable (RVJ 2003 p. 252 consid. 5d ; Perruchoud, Les intérêts en matière de responsabilité civile, Sierre et Genève 1994, p. 17 ; ATF 117 II 50).
Eu égard à ce qui précède, l’intérêt au taux de 5% sur 10’000 CHF devrait courir dès la mise en place du site illicite. En vertu du principe ne ultra petita, les intérêts ne seront toutefois octroyés que dès le 3 juin 2002, comme requis (art. 66 al. 5 CPC et RVJ 2004 p. 130).
8. En l’occurrence, Miguel Rojo Perez doit être considéré comme la partie qui succombe et supporter l’entier des frais (art. 252 al. 1 et 260 CPC).
a) Les frais comprennent les débours de l’autorité et l’émolument de justice (art. 2 al. 1 LTar). Selon l’art. 14 al. 1 LTar, pour les contestations civiles de nature pécuniaire d’une valeur de 8001 CHF à 20000 CHF, l’émolument est fixé entre 1000 CHF et 3000 FF. En cas de jugement par défaut, l’émolument est réduit proportionnellement (art. 12 al. 1 LTar). Eu égard notamment à la valeur litigieuse, au défaut du défendeur lors du premier échange d’écritures et à la difficulté de la cause, les frais de justice sont fixés à1750 CHF, montant qui comprend 1331 CHF 40 de débours (publication au BO : 331 CHF 40 ; frais de traduction 1000 CHF). S’y ajoutent la moitié des frais de la décision de mesures provisionnelles, soit 800 FF (le sort de l’autre moitié sera tranché avec la cause ENT C1 04 16). Miguel Rojo Perez versera à Philippe Stettler un montant de 2550 CHF à titre de restitution d’avances.
b) Les dépens, arrêtés globalement, comprennent l’indemnité à la partie pouvant y prétendre et ses frais d’avocat. Ceux ci comprennent les honoraires, auxquels s’ajoutent les débours justifiés. Selon l’art. 32 al. 1 LTar, les honoraires des avocats dans les contestations civiles de nature pécuniaire d’une valeur litigieuse de 10’001 CHF à 15’000 CHF sont fixés entre 2100 CHF et 3900 FF. Dans les autres contestations civiles de la compétence du juge de district comme instance unique, l’honoraire global est fixé entre 500 CHF et 3000 CHF (art. 34 al. 1 let. a LTar). Les dépens sont arrêtés entre le minimum et le maximum prévu par le tarif, d’après la nature et l’importance de la cause, ses difficultés, l’ampleur du travail, le temps utilement consacré et la situation financière de la partie (art. 26 al. 1 LTar). Ils sont en règle générale proportionnels à la valeur litigieuse (art. 26 al. 2 LTar). En cas de jugement par défaut, cet honoraire peut être réduit en conséquence (art. 28 al. 3 LTar).
En l’espèce, compte tenu de l’ampleur du travail, du temps utilement consacré à la rédaction de la requête de mesures provisionnelles et du mémoire demande et du fait que la procédure s’achève par un jugement contumacial, les dépens du conseil de Philippe Stettler sont arrêtés à 2000 FF (850 CHF pour la procédure principale ; 1150 CHF pour la procédure de mesures provisionnelles). Ce montant est mis à la charge du défendeur (art. 260 al. 1 CPC).
Par ces motifs.
PRONONCE
1. Miguel Rojo Perez versera à Philippe Stettler, à titre d’indemnité pour tort moral, un montant de 10’000 CHF avec intérêt à 5% dès le 3 juin 2002.
2. Interdiction est faite à Miguel Rojo Perez de créer ou de faire créer de nouveaux sites Internet dont le contenu est identique ou semblable à celui de « www.leselfes.net » ou « www.leselfes.org », sous peine des sanctions prévues à l’art. 292 CP :
Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni des arrêts ou de l’amende.
3. Les autres conclusions de la demande sont irrecevables.
4. Les frais de la présente procédure et de la procédure de mesures provisionnelles, par 2550 CHF, sont mis à la charge de Miguel Rojo Perez.