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Résumé de la décision Une société ayant son siège en Italie a obtenu un jugement du Tribunal de Bergame (IT) par lequel X, un particulier domicilié en Suisse, a été condamné à lui payer une certaine somme. Par la suite elle introduit une poursuite contre X devant l'office des poursuites et faillites de Martigny (CH) puis déposa une requête d'exéquatur et de mainlevée définitive auprès du Tribunal du district de Martigny (CH). Ce dernier accueillit la requête. X forma donc appel et un pourvoi en nullité contre cette décision.
Le Tribunal cantonal du Valais (CH) déclare l'appel irrecevable. Il rappelle que le système de la reconnaissance, de l'exequatur et de l'exécution (forcée) des jugements étrangers en Suisse repose sur la distinction opérée entre le jugement condamnant un débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à une autre prestation. Dans le premier cas, le créancier pourra choisir entre deux voies totalement distinctes. D'une part, dans le cadre d'une poursuite pour dette, et conformément aux arts. 80 et 81 Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), il pourra requérir la mainlevée définitive. Pour ces jugements, le magistrat chargé de la mainlevée prononcera l'exequatur de manière préalable. D'autre part, le créancier pourra requérir l'exequatur dans une procédure distincte et unilatérale, conformément aux arts. 26 et 31 et suivants de la Convention de Lugano. Lorsque le jugement étranger condamne à une autre prestation, l'obtention de la clause d'exéquatur est au contraire nécessaire. Le Tribunal constate qu'en l'espèce, la société italienne a choisi la voie de l'exequatur incorporée à la procédure de mainlevée définitive. Cette procédure relève exclusivement du droit national. Seul le pourvoi en nullité étant ouvert contre cette décision, l'appel est donc irrecevable.
Vu l'acte d'assignation délivré le 5 octobre 2001 par le Tribunal de Bergame, sur requête de la société Meccanica Brembana SpA, et notifié sur ordonnance du juge de district par la police cantonale valaisanne à X le 24 octobre 2001 ; la lettre que le recourant a adressée le 9 janvier 2002 au Tribunal de Bergame, dans laquelle il déclarait être certain de l'inutilité de défendre sa position devant un tribunal et ne pas vouloir comparaître à la séance fixée au 29 janvier 2002 ; le jugement rendu le 20 janvier 2003 par le Tribunal de Bergame et notifié par la police cantonale valaisanne à X le 24 avril 2003 à l'encontre duquel il n'a pas recouru ; la poursuite n. 222720 de l'office des poursuites et faillites de Martigny introduite le 17 juin 2003 par Meccanica Brembana SpA contre X, à laquelle ce dernier a fait opposition ; la requête d'exequatur et de mainlevée définitive déposée le 21 août 2003 par Meccanica Brembana SpA auprès du Tribunal du district de Martigny ; la détermination présentée le 18 septembre 2003 par le poursuivi au juge de mainlevée ; la décision rendue le 22 septembre 2003 par la juge suppléante I du district de Martigny et St-Maurice, notifiée aux parties le 22 octobre 2003, levant définitivement l'opposition au commandement de payer n. 222720 à concurrence de 82.289,45 CHF avec intérêt moratoire au taux de 5 % l'an dès le 2 avril 2003 sur 71.282,15 CHF ; l'appel (TCV C1 03.194) et le pourvoi en nullité (TCV C3 03.167) formés le 21 novembre 2003 par X contre cette décision ; les actes de la cause ;
Considérant
que la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 16 septembre 1988, réservée par l'art. 1 al. 2 de la loi fédérale sur le droit international privé, est entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1992 et pour l'Italie le 1er décembre 1992 ; que cette convention est applicable dans le cas d'espèce, le jugement dont l'exequatur est demandé ayant été rendu en janvier 2002 par un tribunal italien à la suite d'une demande introduite en octobre 2001 ;
que la convention de Lugano constitue un pas important vers la libre circulation des jugements en Europe (Knoepfler/Schweizer, Droit international privé suisse, n. 718) ; que, pour atteindre ce but, les Etats signataires ont été prêts à sacrifier une partie de leur « imperium » et ont admis le principe de la reconnaissance automatique des jugements étrangers sur le territoire de tous les Etats parties ; que ce mécanisme, basé sur la confiance mutuelle affichée en la justice des partenaires conventionnels, se devait toutefois de connaître certaines limites ; que, parmi les griefs susceptibles de faire obstacle à la reconnaissance et à l'exequatur, figurent les motifs exclusifs des art. 27 et 28 CL (Donzallaz, La Convention de Lugano, vol. II, n. 2761 ss) ;
que le but de la procédure d'exequatur est de déclarer exécutoire dans un Etat contractant une décision rendue dans un autre Etat contractant (art. 31 CL) ; qu'on accorde à ce dernier la clause dite d'exequatur, ce qui a pour conséquence d'assimiler la décision étrangère à une décision interne exécutoire ; que le système de la reconnaissance, de l'exequatur et de l'exécution (forcée) des jugements étrangers en Suisse repose sur la distinction opérée entre le jugement condamnant un débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à une autre prestation ; que, dans le premier cas, le créancier pourra, dans le cadre d'une poursuite pour dette, et conformément aux art. 80 et 81 LP, requérir la mainlevée définitive, en se fondant sur le jugement étranger ; que, pour ces jugements, le magistrat chargé de la mainlevée prononcera l'exequatur de manière préalable ; que l'opinion majoritaire accorde, en outre, au créancier la possibilité de requérir, sans passer par la poursuite préalable, l'exequatur dans une procédure distincte et unilatérale, conformément aux arts. 26 et 31 ss. CL (ATF 125 III 386 consid. 3a et références citées) ; que, dans plusieurs arrêts non publiés, le Tribunal fédéral s'est, incidemment, rallié à cette solution (cause 5P.494/1997,5P.15/1998 et 5P.253/2001) ; qu'autrement dit, pour les décisions étrangères portant condamnation à payer une somme d'argent, le créancier peut choisir entre deux voies totalement distinctes, l'une régie par la LP et les dispositions cantonales d'application, l'autre directement par la convention de Lugano ; qu'en revanche, la procédure d'exécution est différente lorsque le jugement étranger ne condamne pas au paiement d'une somme d'argent ; que, dans un tel cas, l'obtention de la clause d'exequatur du juge compétent est nécessaire (Donzallaz, op. cit., n. 2091 ss. et 3600 ; Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, SchKG 1, n. 29 ad art. 30a LP ; Dutoit, La Convention de Lugano, in FJS 158, n. 191 et 194 ; Kellerhals/Güngerich/Berger, Bernisches Zivilprozessrecht, n. 06.29 ; Observations de l'Office fédéral de la justice, in BISchK 1991 p. 188 ss. ; RSDIE 1997 p. 396 et 406 ; RVJ 1996 p. 225) ;
qu'eu égard aux considérations qui précèdent, l'art. 3 de la loi cantonale d'application de la convention de Lugano du 15 novembre 1991, qui prévoit que la décision du juge de district acceptant ou rejetant la requête en exécution peut être attaquée auprès du Tribunal cantonal par la voie de l'appel, ne vise pas le cas où le juge de mainlevée a statué de manière préalable sur la requête d'exequatur d'un jugement étranger dans le cadre d'une procédure de poursuite ; que, dans un tel cas, la demande d'exequatur ne donne pas lieu à une procédure spécifique, mais elle est tranchée comme une question préjudicielle de la mainlevée ; que la procédure de mainlevée doit donc se dérouler d'après les modalités habituelles telles que prévues par le droit cantonal et les dispositions de la convention de Lugano relatives à l'exécution (art. 31 ss) ne sont pas applicables ; que, pour le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire de considérer que le délai de recours contre un prononcé de mainlevée comprenant une décision relative à l'exequatur ne se déterminait pas selon la convention de Lugano mais d'après le droit cantonal (ATF 125 III 386 consid. 3a ; ATF n. p. du 20 novembre 2002 dans la cause 5P.275/2002 ; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, §19, n. 29 ; Observations de l'Office fédéral de la justice, in BISchK 1991 p. 190 ; Peter, LP et Convention de Lugano dix ans de jurisprudence, in JdT 2002 II p. 16) ;
que si l'appel est irrecevable ou mal fondé, il est statué sans débat ni échange d'écritures (art. 221 CPC) ;
qu'en l'espèce, en introduisant une poursuite contre X et en déposant le 21 août 2003 devant le Tribunal de Martigny une écriture dans laquelle elle demandait la mainlevée de l'opposition ainsi que la reconnaissance du jugement italien, Meccanica Brembana SpA a choisi la voie de l'exequatur incorporée à la procédure de mainlevée définitive ; que cette voie est exclusivement régie par la LP et ses dispositions d'application ; que, conformément à l'art. 30 ch. 2 LALP, seul le pourvoi en nullité est ouvert pour contester la décision de mainlevée litigieuse ; qu'en conséquence, l'appel déposé par X le 21 novembre 2003 est irrecevable ;
qu'eu égard à la nature et à difficulté ordinaire de la cause, à la valeur litigieuse, aux frais effectifs de chancellerie, à l'absence de débat ainsi qu'aux principes de la couverture des frais et de l'équivalence des prestations (art. 11 LTar), l'émolument de justice est arrêté à 750 CHF (art. 11, 14 al. 1 et 16 LTar) ; qu'en l'absence de débours (art, 2 al. 2 LTar), les frais de justice sont fixés à 750 CHF et mis à la charge de X qui succombe (art. 252 al. 1 CPC) ;
qu'il n'est pas alloué de dépens à la partie appelée, celle-ci n'ayant pas été invitée à se déterminer sur l'appel
Par ces motifs,
PRONONCE
1. L'appel déposé par X le 21 novembre 2003 est irrecevable.