Attendu que les parties ont déclaré à l’audience de plaidoiries du 10 septembre 1996, marquer respectivement leur accord sur le dépôt de toutes les conclusions de sorte qu'il devient superflu d'examiner si certaines de celles-ci sont tardives au regard des arts. 747 et suivants du code judiciaire ;
Attendu que l’appel principal, régulier en la forme et interjeté dans le délai légal, est recevable ;
Attendu que l’action originaire de l’actuelle intimée au principal, mue par citation du 27 novembre 1990, tendait à entendre l’appelante au principal condamnée à lui payer la somme de 22.500.000 FF titre d'indemnisation du préjudice subi ensuite de la rupture unilatérale fautive d'un contrat de concession de vente exclusive avenu entre parties le 12 décembre 1988 ;
Attendu que par jugement rendu par défaut le 31 janvier 1991, les premiers juges ont fait intégralement droit à cette demande ; que sur opposition de l’appelante, après s'être déclarés compétents ratione loci, les mêmes juges ont, aux termes du jugement déféré, condamné l’actuelle appelante à la somme définitive de 2.000.000 FF à titre d'indemnité de rupture, à la somme provisionnelle de 2.000.000 FF à titre d'indemnité complémentaire et ont désigné expert afin de fixer le préjudice subi ;
Attendu que par son appel principal, l’appelante fait essentiellement grief à la décision déférée de n'avoir pas accueilli le déclinatoire de compétence tiré de l’existence d'une clause attributive de juridiction contenue à la convention des parties ; qu'elle fait valoir en ordre subsidiaire qu'a' tort les premiers juges ont estimé l’action partiellement fondée et ont ordonné une expertise ;
Que par son appel incident, l’intimée réitère quant à elle l’intégralité de sa demande originaire tendant à obtenir paiement de la somme principale de 22.500.000 FF ;
Quant à la compétence.
Attendu que par une lettre rédigée en italien à Bologne le 12 décembre 1988, l’appelante a fait savoir à l’intimée : « nous vous confirmons les accords verbaux pris avec Monsieur M. M. » (représentant l’intimée) en ce qui concerne l’achat des produits.... et nous vous concédons en exclusivité la vente de ces produits dans les Pays de Belgique-Hollande-Luxembourg et Suisse à partir du 1 janvier 1989/../ Toutes éventuelles disputes qu'on ne pourra pas aplanir débonnairement seront de compétence de l’Autorité Judiciaire de PARMA » ;
Attendu que cette missive fut signée « pour récépissé » par Monsieur M. M.
Attendu que l’appelante reproche aux premiers juges de n'avoir pas fait application de cette clause attributive de compétence aux juridictions de Parme (Italie) ;
Attendu que pour faire échec à l’application de ladite clause, l’intimée fait valoir :
– que le contrat de concession exclusive de vente qui liait les parties résultait d'un contrat verbal avenu entre parties lors de l’exécution d'une première commande en septembre 1988, convention lors de laquelle aucune clause de prorogation de compétence ne fut prévue ;
– que la lettre de l’appelante du 12 décembre 1988 « ne saurait être interprétée que comme se situant dans le prolongement de la convention verbale qui existait nécessairement entre parties déjà depuis trois mois auparavant » ;
– que celle-ci ne constitue d'ailleurs qu'une lettre d'intention, un document unilatéral dont il n'est pas démontré qu'elle fut acceptée par l’intimée, un accusé de réception ne pouvant être interprété comme une acceptation pure et simple d'un contrat ;
Qu'elle estime dés lors qu'en application de l’art. 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lequel, en matière contractuelle attribue compétence au tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, les juges belges ont valablement pu se déclarer compétents ratione loci ;
Attendu qu'il ressort des termes-mêmes de la citation introductive d'instance rédigée à la requête de l’intimée, que l’acte juridique sur lequel se fonde la prétention de celle-ci est un contrat de concession exclusive de vente conclu le 12 décembre 1988 ;
Qu'il ne résulte d'aucune pièce des dossiers produits par les parties que ce contrat de concession aurait reçu une application antérieure à cette date ; qu'au contraire la lettre de confirmation des accords verbaux pris à cet égard indique que le contrat doit entrer en vigueur le 1 janvier 1989, soit postérieurement ; qu'en outre, en sa citation introductive d'instance, l’intimée a relaté qu'« après que cette convention » (du 12 décembre 1988) « ait commencé à être appliquée normalement entre parties, des difficultés apparurent /.../ », relation qui implique que le début d'exécution de la convention exclusive de vente se situe après le 12 décembre 1988 ;
Attendu que l’acceptation et l’exécution par l’appelante de deux commandes passées par l’intimée, en septembre et en octobre 1988, n'est pas susceptible de rapporter la preuve, à elle seule, de la conclusion d'un contrat de concession exclusive dés septembre 1988 ; qu'une concession implique en effet non seulement que le concédant vende ses produits au concessionnaire mais qu'il lui accorde en outre des droits exclusifs de revente, de sorte que des fournitures même répétées, en vue de la revente, ne créent pas une concession ;
Attendu qu'aux termes de l’art. 17, premier al. , de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, une convention attributive de juridiction doit être conclue « soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit, dans le commerce international, en une forme admise par les usages /.../ » ;
Que selon la Cour de justice européenne de Luxembourg, cet art. doit être interprété en ce sens qu'il est satisfait à la condition de forme qu'il édicte lorsqu'il est établi que l’attribution de juridiction a fait l’objet d'une convention verbale portant expressément sur ce point, qu'une confirmation écrite de cette convention émanant de l’une quelconque des parties a été reçue par l’autre et que cette dernière n'a formulé aucune objection (arrêt Berghoefer, 11 juillet 1985, 221/84, Rec., 2708 attendus 15 et 16) ;
Attendu que la lettre du 12 décembre 1988 aux termes de laquelle l’appelante confirmait les accords verbaux avenus entre parties quant à la conclusion d'un contrat de concession exclusive de vente, quant
ses modalités et quant à la convention attributive de juridiction, a été portée à la connaissance de l’intimée, ainsi qu'en atteste la signature, pour réception, du sieur M.
Que cette lettre n'a fait l’objet d'aucun commentaire, d'aucune protestation de l’intimée, qui a la qualité de commerçante et qui, par ce silence circonstancié, est dès lors présumée en avoir accepté les termes ;
Attendu qu'il résulte de ces constatations que l’attribution de juridiction aux tribunaux de Parme a fait l’objet d'une convention verbale portant expressément sur ce point et que la confirmation de cette convention verbale émanant de l’appelante a été reçue par l’intimée qui n'a formulé aucune objection en temps utile ;
Que c'est dés lors en violation des règles de preuve applicables en matière commerciale, au mépris de la foi due au document établi le 12 décembre 1988, et en violation des conditions de forme édictées par l’art. 17 de la Convention de Bruxelles que les premiers juges ont refusé de faire application de la clause attributive de juridiction et se sont déclarés compétents pour connaître du litige ;
Que la cour doit, dès lors, comme les premiers juges eussent de le faire, se déclarer incompétente pour connaître de l’action originaire ; que s'agissant d'un déclinatoire de la juridiction belge au profit d'une juridiction étrangère, il n'y a pas lieu renvoi ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
statuant contradictoirement,
Vu l’art. 24 de la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire,
Reçoit l’appel principal, le dit fondé,
Met à néant le jugement dont appel du tribunal de commerce du Tournai du 27 mai 2993 et réformant ;
Dit pour droit que le tribunal de commerce de Tournai était sans pouvoir de juridiction pour connaître de l’action originaire ;
Se déclare en conséquence incompétente ratione loci ;
Délaisse l’intimée à se pourvoir devant le juge italien ;