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Résumé de la décision Une société belge a effectué plusieurs livraisons à une société française. Suite au non paiement d’une facture consécutive à une livraison, la première intenta une action en paiement devant les juridictions belges contre l’acheteur, sur la base d’une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Liège (BE) prévue dans ses conditions générales de ventes, figurant au dos de précédentes factures payées par la société française. Cette dernière souleva l’exception d’incompétence du juge saisi. L’exception ayant été accueillie, la société belge fit appel.
La Cour d’appel de Liège (BE) affirme que les juridictions belges sont compétentes pour connaître du litige. Elle constate qu’en l’espèce la clause attributive de juridiction est conforme aux conditions de forme posées à l’art. 17 de la Convention de Bruxelles. En effet, à défaut d’une convention écrite ou d’une convention verbale confirmée par écrit, une telle clause est toutefois valable lorsque l'accord des parties s'inscrit dans un courant d'affaires continu gouverné par les conditions de vente de l'une d’elles. Etant donné qu’ils existent antérieurement trois factures qui ont été payées par l’acheteur et qui portaient au verso les conditions de vente du vendeur, la cour en déduit qu’il existe un courant d'affaires régi par ces conditions de vente de ce dernier.
Attendu que l'appelante poursuit pour une livraison de produits réalisée le 18 mars 1994 la récupération d'une facture du 1er avril 1994 adressée à l'intimé établi en France ;
Que les 6 novembre et 9 décembre 1993 ainsi que le 25 mars 1994 elle avait déjà facturé d'autres produits à l'intimé qui les a payés, et qu'au dos desdites factures figuraient les conditions générales de vente de l'appelante parmi lesquelles une clause attributive de juridiction aux tribunaux de Liège ;
Que la question se pose de savoir si, pour la vente litigieuse, les conditions générales de l'appelante, encore reproduites au dos de la facture qui ne paraît pas avoir été protestée, sont applicables ;
Attendu que partant de la constatation que les parties sont en relations commerciales depuis un certain temps, les juges en arrivent aisément à déduire que les conditions générales du vendeur sont bien connues de l'acheteur et partant qu'elles ont été acceptées et sont donc applicables aux nouvelles affaires que les parties viennent à traiter (cfr. Bosmans, « Chronique de jurisprudence, les conditions générales en matière contractuelle », J.T. 1981, p. 22, n° 23 ; Foriers, « La formation des contrats commerciaux », RDC 1983, p. 113 dernier §) ;
Qu'il importe toutefois de rechercher la volonté réelle des parties, la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale apportant un tempérament au jeu normal des conditions générales en ce que la clause de prorogation de juridiction doit être établie par une convention écrite ou par une convention verbale confirmée par écrit (Foriers, op. cit. p. 119) ;
Attendu que l'écrit n'étant en ce cas exigé qu'ad probationem, l'acceptation non écrite de la clause est admise lorsque l'accord des parties s'inscrit dans un courant d'affaires continu gouverné par les conditions d'une des parties (Foriers, op. cit. p. 120 et 121 ; voir aussi Bosmans, op. cit. p. 55, n° 70) ;
Attendu que de l'existence antérieure de trois factures qui ont été payées par l'intimé et qui portaient au verso les conditions de vente de l'appelante il est permis de conclure à un courant d'affaires régi par les conditions de cette dernière ;
Que la comparution de l'appelante devant les juridictions françaises pour la fourniture d'un produit « DEPON-S » dont la commercialisation sous cette forme est illicite en France n'emporte pas renonciation à la clause attributive de juridiction difficilement applicable dès lors que l' appelante était appelée à intervenir à la cause opposant l'intimé et les clients auxquels il avait revendu le produit ;
Que les juridictions belges sont dès lors compétentes pour connaître du litige ;
Attendu que l'intimé n'a pas payé la facture litigieuse mais qu'il ne prétend pas contredire l'appelante lorsque celle-ci affirme avoir envoyé plusieurs rappels sans recevoir la moindre protestation ;
Que la mention manuscrite portée sur la facture ne fait pas état d'une contestation mais vise à informer le conseil de l'appelante que le produit « DEPON-S » posant par ailleurs problème ne figure pas parmi les livraisons et donc à confirmer la présomption d'acceptation de ladite facture ;
Attendu que tout en insistant sur ce que la livraison a dû passer par un sieur Martel dont l'appelante n'a pas recueilli la signature lors de la fourniture des marchandises le 18 mars 1994, l'intimé n'ose pas prétendre qu'il n'aurait pas reçu les produits facturés ; qu'il est dès lors tenu du paiement ;
Attendu que l'action de l'appelante étant déclarée fondée, la demande de dommages et intérêts de l'intimé sur laquelle les premiers juges avaient omis de statuer ne peut être sanctionnée;
Par ce motifs,
(…)
Réforme la décision entreprise ;