Revu notre arrêt du 2 avril 1996 dont il y a lieu, pour la clarté du présent arrêt, de reprendre les préambules ;
Vu les pièces du dossier de la procédure, notamment le jugement rendu le 16.1.1992 par le Tribunal du Travail de Dinant, 1ère chambre ainsi que le dossier de la procédure constitué par cette juridiction ;
Vu l'appel introduit par le Fonds des accidents du travail formé par exploit de l'huissier D. Saussus le 15 avril 1993 et inscrit au greffe de la Cour, sub. RG 4540/93 ;
Vu la requête d'appel de Madame L.B. tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur B.B. ainsi que de Mademoiselle N.B., valant reprise de l'instance mue initialement à l'encontre de feu T.B., forme à l'encontre de toutes les parties, inscrite le 15.7.1993 sub. RG 4581/93 ;
Vu la requête d'appel de Madame L.B. tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur B.B. ainsi que de Mademoiselle N.B. formé à l’rencontre de Mademoiselle S.G. devenue majeure, inscrite sub. RG 4592/93 ;
Vu la citation en reprise d'instance forgée signifiée le 17 janvier 1995 par exploit de Maître Saussus à la requête du Fonds des accidents du travail à l'encontre de Monsieur B.B. d'une part, Mesdemoiselles S. et M.G. d'autre part, devenus majeurs, en leur qualité d'ayant droit respectivement de Monsieur B. et de Monsieur G.
Vu les conclusions prises par le Fonds des accidents du travail versées au dossier 4581 le 16 septembre 1994 et redéposées le 21 août 1995 ;
Vu les avis de fixations adressés le 13 novembre 1995 à la requête du FAT conformément à l'art. 751 du Code Judiciaire fixant la cause à l'audience du 5 mars 1996, date à laquelle les parties ont demandé remise ;
Vu les conclusions prises pour Madame B.B. et ses enfants N., et B.B. reçues au greffe de la Cour le 11 Janvier 1996 dans le délai légal ;
Vu les conclusions additionnelles d'appel prises par le FAT reçues au greffe le 5 mars 1996 ;
Vu les conclusions additionnelles prises par les consorts B.-B. déposées et visées à l'audience du 4 mars 1997 ;
Vu les deuxième conclusions additionnelles d'appel prises par le FAT reçues au greffe le 4 mars 1997 ;
Les consorts M.G. n'ont pas pris de conclusions écrites ;
Recevabilité des appels
Le jugement déféré a été rendu le 16 janvier 1992. Il a été signifié au FAT le 16 mars 1993.
L'appel, formé par le FAT à titre conservatoire, par exploit du 15 avril 1993, est recevable, l'intérêt du FAT à interjeter appel étant justifié comme dit ci-après.
Le jugement déféré a ensuite été signifié aux consorts B.-B. le 28 juin 1993. La requête d'appel formée par les consorts B.-B. à l'encontre de Madame M. et du FAT le 15 juillet 1993 est recevable.
La requête formée par les mêmes à l'encontre de Mademoiselle S.G. devenue majeure, le 6.8.1993, est également recevable (art. 50 para. 2 du Code Judiciaire)
Jonction
Les trois actes d'appel contestant un seul jugement, il y a lieu de les joindre.
Rappel des faits et procédures
Le 3.6.1986, Monsieur E.G. a été engagé au travail en qualité de chauffeur grummier pour le compte de l'entreprise B.
Le 5.6.1986 vers 19 hrs 30, il a été victime d'un accident mortel alors qu'il était occupé à charger un camion de l'entreprise avec la grue équipant celui-ci sur un chantier forestier exploité par la firme Braun situé à Nobressart au lieu dit « La Choque ». Il est apparu que la victime n'avait pas été déclarée à la sécurité sociale et que l'entreprise n'était pas assurée contre le risque d'accident du travail.
Procédure pénale
Monsieur T.B. a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel d'Arlon qui, par jugement défaut du 26 octobre 1989, l'a condamné à des peines d'amendes, pour :
1- Avoir omis de faire immatriculer auprès de l'ONSS notamment le travailleur G.
2- Avoir omis de souscrire une assurance contre les accidente du travail ;
3- A Avoir confié à un travailleur isolé un travail dangereux sans moyens d'alarme ;
Sur opposition, le Tribunal correctionnel, par jugement du 22 février 1990, a confirmé le jugement du 26 octobre 1989 pour l'essentiel.
Sur appel de Monsieur B., la 4ème chambre de la Cour d'appel de Liège, par arrêt du 26 juin 1990, a confirmé que les trois préventions étaient établies à l'égard du travailleur G.C.
Il résulte de la correspondance versée au dossier que le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par arrêt du 12 décembre 1990.
Indemnisation des ayant droits
L'association d'assurances contre les accidents-section industrielle du grand Duché de Luxembourg où l'entreprise B. avait son siège, après enquête de ses services, tenant compte de ce que Monsieur G. avait été au service de l'entreprise Braun afin d'effectuer des travaux exclusivement en Belgique, a estimé n'avoir pas à intervenir, par application des arts. 13/2a et 13/2b du règlement CEE 1408/71, le lieu de l'activité et subséquemment le lieu de survenance de l'accident déterminant la législation applicable, en l'espèce la loi belge. (Voir pièce 4 du dossier de Maître Dermagne). Monsieur B. ne justifie pas avoir contesté cette décision.
Le Fonds des accidents du travail a également procédé à une enquête à partir du 3.3.1987 et a admis que l'accident mortel du travail dont avait été victime monsieur G. » le 5.6.1986 tombait dans le champs d'application des dispositions prévues à l'art. 58 paras. 1 et 3° de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Il a en conséquence indemnisé les ayants droit de la victime notamment en payant les frais funéraires et les rentes trimestrielles.
Par lettre recommandée du 20.3.1989, le FAT mettait Monsieur B. en demeure de lui rembourser la somme de 957.309 BEF en application de l'art. 60 para. 1er prestations payées jusqu'à ce jour, et selon décompte provisoire joint.
Monsieur E. a refusé la proposition du FAT lequel, entre-temps, a continué à indemniser les ayant droit.
Madame M. confrontée à d'importantes difficultés financières spécialement à l'égard de la société hypothécaire comptoir d'escompte de Louvain, a demandé à recevoir le tiers en capital, demande à laquelle le FAT n'a pas fait droit au motif que Monsieur B. refusait la proposition du FAT et notamment, contestait les poursuites pénales comme indiqué ci-avant.
Madame M. a assigné le FAT en payement du tiers en capital devant le Tribunal du Travail de Dinant tandis que le FAT assignait Monsieur B. en remboursement des indemnités décaissées. Le jugement déféré sera rendu le 16 janvier 1992.
Le 18 mars 1992, Monsieur B. décède accidentellement à Léglise en Belgique, ce qui retardera l'appel qu’il avait donné instruction d'introduire.
Les filles de feu Monsieur G.S. et M. atteignent entre-temps leur majorité.
Le 12 janvier 1996, Mademoiselle N.B. et Monsieur B.B. déclarent renoncer purement et simplement à la succession de leur père.
Les actions introduites
Madame M., » par citation de l'Huissier de Justice Roland De Meerleer signifiée le 7 juin 1990, demande au Tribunal du Travail de Dinant de condamner le FAT au paiement en capital du tiers de la rente qui lui a été accordée en vertu de l'accident du travail mortel dont a été victime son mari, feu E.G., le 5 juin 1986 ;
Le Fonds des accidents du travail, par la citation de l'Huissier de Justice suppléant Roland Hartier, signifiée le 17 juillet 1990, tend à obtenir du Tribunal du Travail de Dinant :
à titre principal :
entendre dire pour droit que l'accident mortel dont a été victime feu E.G., le 5 juin 1986, est un accident du travail et fixer les modalités de réparation du dit accident en faveur des ayants droits soit la dame M. en son nom personnel et qualitate qua ;
entendre condamner le sieur B.T. à lui rembourser toutes les sommes qu'il a payées et qu'il serait amené à. payer aux ayants droits de la victime, soit à titre provisionnel celle de 957.309 BEF, majorée des intérêts à 8 % depuis le 20 avril 1989, un franc à titre de capital constitutif de la rente servie à la dame M. un franc à titre de cotisation d'affiliation d'office ;
à titre subsidiaire :
au cas où le Tribunal devait décider que l'accident du 5 juin 1986 ne constitue pas un accident du travail, entendre condamner la dame M. au remboursement des sommes reçues du FAT et de ce chef, l'entendre condamner à un franc à titre provisionnel ;
Le jugement déféré
Le tribunal, après avoir joint les causes, s'est déclaré compétent,
1. Statuant dans l'action mue par le FAT,
Il a déclaré l'action mue par le Fonds des Accidents du Travail contre la partie B.T. recevable et fondée et en conséquence a déclaré l'action non fondée envers la dame M..
Il a dit pour droit que feu E.G. est décédé, le 5 juin 1986, à Nobressart, des suites d'un accident du travail ;
Après avoir fixé la rémunération annuelle de base de la victime à titre provisionnel à la somme de 556.799 BEF, et dit pour droit, qu'à titre provisionnel, le Fonds des Accidents du Travail poursuivra le paiement des rentes revenant aux ayants droits de la victime sur cette base et ce tant que la rémunération annuelle de base n'aura pas été fixée définitivement ;
Il a condamné la partie B.T., à payer à titre provisionnel, au fonds des accidents du travail les sommes de ;
957.309 BEF et de 95.703 BEF, (majoration de 10 %), ainsi que les intérêts de retard à 8 % l'an calculés sur la somme de 957.309 BEF, depuis le 20 avril 1989 ;
Un franc, sur le capital constitutif de la rente servie à Madame M. ;
Un franc, à titre de cotisation d'affiliation d'office ;
2. Statuant sur l'action mue par la dame M. à l'égard du FAT,
le tribunal déclare l'action mue par la dame M. M.-A. recevable ;
Avant de statuer sur le fondement de cette action, il ordonne la réouverture des débats pour que le tribunal dispose des éléments certains du calcul de la rémunération annuelle de base et que les parties s'expliquent sur les contradictions relevées ci-dessus (Rémunération de base s'élevant à 657.160 BEF ou 556.799 BEF) ;
Les appels
Le fonds des accidents du travail ne critique pas comme tel le jugement déféré dont il demande la confirmation dans les principes qu'il énonce, apportant les éclaircissements demandés par le tribunal quant au calcul de la rémunération de base.
Il justifie cependant l'intérêt de son appel et expose avoir interjeté appel à titre conservatoire dans la mesure où la dame M. ayant fait signifier le jugement seulement à son encontre, il craignait que ce jugement ne devienne définitif à son égard en telle sorte qu'il ne saurait plus se retourner contre la dame M. si la partie B., par un appel subséquent, obtenait une réformation de ce jugement.
Pour le surplus, il répond aux arguments opposés par les consorts B.-B.,
Les consorts B.-B. critiquent le jugement déféré - en ce que le premier juge s'est déclaré compétent pour connaître de la demande alors que seuls les Tribunaux luxembourgeois sont compétents pour connaître d'une demande formée à l'encontre d'un luxembourgeois et contestant qu'il y ait connexité entre la cause introduite par Madame M. contre le FAT et celle introduite par le FAT contre Monsieur B.
En ce que le premier juge, dans la détermination de la législation applicable au litige, a dit pour droit que l'accident dont a été victime le travailleur G. constitue bien un accident du travail au sens de la loi belge du 10 avril 1971 sur les accidente du travail alors que, selon le règlement Européen 1408/71, le droit applicable au cas d'espèce est celui de l'Etat membre sur le territoire duquel l'entreprise qui les occupe a son siège (GDL), suggérant de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés.
En ce qu'il n'avait pas admis que la demande introduite par le FAT serait prescrite.
En ce que c'est à tort que le premier juge a estimé que feu Monsieur G. a bien été victime d'un accident de travail alors que différents éléments accréditent la thèse du suicide ou en tout cas d'un élément émanant de la volonté de la victime, ce qui exclut bien évidemment toute hypothèse d'accident u travail, demandant subsidiairement la désignation d'un expert judiciaire :
Très subsidiairement, ils contestent encore le calcul des montants réclamés ;
Par conclusions additionnelles datées du 26 février 1997 et déposées à l'audience du 4.3.1997, les consorts B.-B., spécialement Mademoiselle N. et Monsieur B.B. invoquent avoir renoncé à la succession de Monsieur R.B. en telle sorte que l'action ne peut plus être dirigée qu'à l'encontre de Madame L.B..
Les consorts M.-G., n'ont pas pris de conclusions et demandent la confirmation du jugement déféré, sauf quant aux montants aujourd'hui liquidable.
Discussion
Quant à la Compétence
L'art. 1er al. 1er, 3° de la convention du 27 septembre 1968 entre les états membres de la CEE concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions rendues en matière civile et commerciale énonce que sont exclus de son application, 3° la sécurité sociale ;
Il est admis que la matière des accidents du travail relève de la sécurité sociale même si elle n'est qu'indirectement rattachée à l'ONSS.
C'est à tort que les consorts B.-B. invoquent l'article 1 du protocole.
Celui-ci énonce en effet que toute personne domiciliée au Luxembourg, attraite devant un tribunal d'un autre état contractant en application de l'art. 5, 1° peut décliner la compétence de ce tribunal.
Dès lors que la convention ne s'applique pas aux litiges relatifs à la sécurité sociale, le protocole ne saurait trouver à s'appliquer. En tout état de cause, l'art. 5, 1° de la convention est relatif aux matières contractuelles et, comme toute réserve, doit s'analyser restrictivement.
C'est à juste titre que le premier juge a fondé sa compétence sur l'art. 635,6° du Code Judiciaire qui énonce que ; »les étrangers peuvent être assignés devant les tribunaux du royaume, soit par un Belge, soit par un étranger, dans les cas suivants :6° si la demande est connexe à un procès déjà pendant devant un tribunal belge » ;
En l'espèce, M.M. a introduit sa demande de payement du tiers en capital par citation du 7 juin 1990 devant le Tribunal du Travail de Dinant, lequel était territorialement compétent étant le juge du domicile du bénéficiaire des indemnités, (le village de Wavreille, commune de Rochefort, étant située dans le ressort du Tribunal de Dinant), lorsqu'il s'agit de contestations prévues à l'art. 579 lequel de son coté prévoit que le Tribunal du Travail connait des demandes relatives aux réparations des dommages résultant des accidents du travail.
Le FAT n'a lui-même introduit son action que par citation du 17 juillet 1990 soit postérieurement à l'action de Madame M.
C'est d'autre part à bon droit que le premier juge a considéré que les demandes étaient manifestement connexes.
En effet, le juge ne pourrait d'une part condamner le FAT à payer à Madame M., le tiers du capital constitutif de la rente, ce qui implique que le juge reconnaisse la réalité de l'accident du travail et d'autre part considérer que Monsieur G. n'aurait pas été victime d'un accident du travail mortel.
Le premier juge était donc compétent pour connaître des demandes dont il a très correctement ordonné la jonction à raison de leur connexité.
Quant à la loi applicable
Les consorts B.-B. persistent à soutenir que la loi belge ne serait pas applicable.
C'est à bon droit que le premier juge a estimé qu'il avait été définitivement décidé par l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Liège du 26.6.1990 ayant autorité de chose jugée erga omnes que c'était la législation belge qui était applicable.
En constatant que feu Monsieur B. n'avait pas déclaré à la sécurité sociale Belge son travailleur G. et en constatant qu'il avait omis de souscrire une assurance contre les accidents du travail et en le sanctionnant, la Cour d'appel a clairement indiqué que la législation belge était applicable.
Au demeurant, feu Monsieur B. a eu connaissance en son temps et n'a pas contesté la position adoptée par l'association d'assurances contre les accidents du grand-duché de Luxembourg (Pièce 4 du dossier de Maître Dermagne) qui, après enquête, considérant que Monsieur G. avait été au service de l'entreprise B. afin d'effectuer des travaux exclusivement en Belgique, faisait application des arts. 13/2a et 13/2b du règlement CEE 1408/71 suivant lequel :
« La personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un Etat membre est soumis à la législation de cet état même si ... l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre état membre.
L'association a considéré à bon droit que » le lieu de l'activité et subséquemment le lieu de survenance de l'accident détermine donc la législation applicable. Etant donné qu'il s'agit en l'occurrence de la Belgique, la sécurité sociale luxembourgeoise n'est pas compétente.
C'est à tort que les consorts B.-B. invoquent encore
qu'il y aurait lieu d'appliquer l'art. 14, 2), a du règlement CEE 1408/71 lequel est relatif au personnel roulant d'une entreprise effectuant ... des transports internationaux de marchandises.
L'entreprise B. était une entreprise de commerce, transport et débardage de bois, et non une entreprise de transports internationaux même si à l'occasion, elle livrait des bois à l'étranger.
En tout état de cause, l'art. 14,2,a (i) prévoit que la personne occupée par une succursale ou une représentation permanente que la dite entreprise possède sur le territoire d'un état membre autre que celui où elle a son siège, est soumise à la législation de l'état membre sur le territoire duquel cette succursale ou cette représentation permanente se trouve. Le chantier permanent que la firme B., exploitait à Nobressart tombe dans cette définition de succursale permanente.
Il faut encore rappeler au besoin l'art. 14,2,a (ii) selon lequel la personne occupée de manière prépondérante sur le territoire de l'état membre où elle réside est soumise à la législation de cet état, même si l'entreprise qui l'occupe n'a ni siège, ni succursale, ni représentation permanente sur ce territoire ; Monsieur G. se trouvait à tout le moins dans cette situation.
C'est dés lors à bon droit que le premier juge a considéré que la législation belge et en particulier la loi du 10 avril 1971 était applicable.
C'est de même en vain que les consorts B.-B. invoquent que le travailleur G. étant indépendant au moment des faits, il n'y a pas lieu à application d'un quelconque régime d'accidents du travail pour travailleur salariés. Cet argument va totalement à l'encontre du principe de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la Cour d'Appel.
Quant à la prescription
Les consorts E.B. soutiennent encore que la demande de remboursement introduite par le FAT est prescrite, les arts. 69 et 60bis de la loi du 10 avril 1971, applicables aux demandes de remboursement d'indemnités versées indûment, limitant leur répétition à trois ans, et que plus de trois années se sont écoulées entre la date de l'accident, le 5 juin 1986 et la citation introductive d'instance signifiée le 17 juillet 1990.
Le FAT oppose à bon droit l'arrêt rendu par la 3ème chambre de la Cour de Cassation le 18 1X 1989 (JTT 1989 p. 361) qui décide que ; « L'action du Fonds des accidents du travail en récupération des indemnités payées par lui lorsqu'un employeur n'a pas conclu de contrat d'assurance n'étant pas une action en réparation d'un préjudice causé, en l'occurrence par une infraction, mais trouvant directement son fondement dans la loi, la prescription de cinq ans prévue à l'art. 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale ne lui est pas applicable.
Cette action étant d'autre part personnelle au Fonds, elle reste distincte des actions de la victime à l'égard de l'employeur, pour lesquelles le Fonds bénéficie d'une subrogation.
C'est en conséquence à bon droit que le FAT soutient que la prescription applicable à son action en remboursement des indemnités qu'il a versées à la victime auprès de l'employeur non assuré est la prescription trentenaire.
En tout état de cause, quant bien même il y aurait lieu à application de la prescription de trois ans, quod non, il y a lieu de relever que la prescription a été intérrompue conformément à l'art. 70 par la lettre recommandée adressée par le FAT à Monsieur B. le 20.3.1989, dans le délai de trois ans à dater de l'accident, lui réclamant le remboursement des prestations déjà payées.
L'action n'est donc pas prescrite à l'égard des consorts B.-B..
Quant à l'accident mortel
Le premier juge a admis que l'accident mortel dont Monsieur G. avait été victime était bien un accident du travail, refusant de recourir à une nouvelle expertise.
C'est à bon droit que les consorts. invoquent que l'arrêt de la Cour d'appel n'a pas statué sur la nature de l'accident.
On ne peut en effet déduire de ce que Monsieur B. a été poursuivi pour n'avoir pas souscrit une assurance contre les accidents du travail auprès d'une société d'assurance à prime fixe agréée ou auprès d'une caisse commune d'assurance agréée que la Cour a nécessairement admis que l'accident dont Monsieur G. avait été victime était un accident du travail.
Par contre, il doit être admis que Monsieur G. était un travailleur isolé qui s'était vu confier un travail à effectuer dans des conditions dangereuses sans moyen d'alarme appropiré aux circonstances.
Le FAT rappelle les principes énoncés dans les arts. 7 et 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. L'art. 7 énonce : qu'est considéré comme accident du travail, tout accident qui survient à un travailleur dans le cours et par le fait de l'exécution du contrat de louage de travail et qui produit une lésion.
L'accident survenu dans le cours de l'exécution du contrat est présumé, jusqu'à preuve du contraire, survenu par le fait de cette exécution.
L'art. 9 ajoute ; Lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l'existence d'une lésion, celle d'un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu'à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident.
Ainsi que le rappellent les consorts B. le demandeur en réparation ou en remboursement des prestations doit établir ;
L'existence d'un événement soudain ;
L'existence d'une lésion ;
Le fait que l'accident est survenu dans le cours de l'exécution du contrat ;
Van Gossum (Les accidents du travail, p. 23) ajoute » une cause extérieure.
Il n'est pas contesté que l'accident est survenu dans le cours et par le fait de l'exécution du contrat.
La lésion en l'espèce n'est pas contestable puisque le caractère accidentel du décès n'est pas contesté et est, pour autant que de besoin, confirmé par le médecin qui a constaté le décès accidentel. Rien ne permet de prétendre que Monsieur G. aurait été victime d'un malaise mortel en suite duquel il aura il chuté.
Il n'est pas contesté que Monsieur G., au moment de l'accident, se trouvait juché sur le siège de sa grue, à 3,50 mètres de hauteur.
La seule photographie du siège, sans la moindre protection, sans ceinture ni accoudoir ni autre rehausse permettant d'y être bien fixé, sans même disposer de points d'appui auxquels se tenir au besoin, en laisse apparaitre tonte la dangerosité. La longueur du bras de la grue par rapport au manque d'empattement au sol, le jeu important constaté dans le siège, devaient en accentuer le manque de stabilité.
Alors qu'on accède à ce siège par la droite de la grue, aux moyens d'échelons à peine visibles, il n'est pas contesté que la victime est tombée vers la gauche du siège et, de là, entre les éléments de fixation de la grue et le châssis du camion. Dans sa chute, son vêtement a été retenu par un boulon, arrachant la tirette éclair de sa salopette qui l'a étranglé.
Cette chute constitue l'événement soudain ayant entraîné la lésion.
L'expert judiciaire, Monsieur B., estime que l'accident est survenu ;
Soit que G. est tombé de son siège en descendant de celui-ci comme expliqué par M.B. en posant les pieds sur la pédale mobile, ce qui aurait provoqué son déséquilibre ;
Soit qu'il est tombé de son siège en travaillant, déséquilibré lors de la rotation de la grue par exemple.
Il importe peu que l'expert ne tranche pas de manière formelle entre ces deux hypothèses, même s'il justifie plutôt la seconde.
Dans les deux hypothèses, il s'agit à l'évidence d'un accident du travail.
Quant à l'hypothèse d'un suicide
Les consorts B.-B. prétendent encore que Monsieur G. aurait pu se suicider, tenant compte des difficultés financières qu'il connaissait.
C'est à l'assureur et, en l'espèce, à l'employeur non assuré, d'apporter la preuve qu'il s'agit non pas d'un accident, mais d'un suicide.
En l'espèce, les consorts B.-B. se limitent à formuler une supposition sans cependant apporter la moindre preuve.
L'hypothèse du suicide supposerait que Monsieur G. ; se serait jeté entre la grue et le châssis du camion avec l'espoir qu'un obstacle, en l'espèce un boulon, l'accroche et le laisse pendu. Une telle hypothèse n'a aucune vraisemblance.
A défaut d'éléments apportant un minimum de vraisemblance à cette thèse, rien ne justifie de recourir à une expertise.
C'est dés lors à bon droit que le premier juge a considéré que feu Monsieur G. avait été victime d'un accident du travail mortel.
Quant aux montants réclamés par le FAT
Rémunération de base
Il est exact que devant le premier juge, le FAT avait demandé d'entériner provisoirement les modalités de cette réparation en fixant le salaire de base à 556.799 BEF.
Le premier juge, avec une particulière attention, avait cependant relevé que la rémunération annuelle de base de la victime est fixée à la somme de 657.160 BEF, dans un document figurant dans le dossier du Fonds des Accidents du Travail, invitant les parties à s'expliquer à ce propos.
Le FAT, pour le calcul de la rémunération de base, a tenu compte à la fois de la rémunération fixée par les conventions collectives prises par la commission paritaire 125/1 tenant compte de l'activité d'exploitation forestière exercée par l'employeur, dans une fonction de chauffeur-grutier (art. 35 dernier alinéa loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail à défaut de rémunération clairement convenue ou déjà payée.
La période de référence telle que fixée à l’article 34 étant inférieure à un an, le FAT a de même fait application de l'art. 36 para. 1er et para. 2 de loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail en tenant compte d'une rémunération hypothétique comparée à celles de trois travailleurs appartenant à la même qualification professionnelle, aboutissant à une moyenne, au cours de l'année précédent l'accident, de 657.160 BEF. Ce calcul se retrouve au dossier du FAT qui a interrogé à cette fin l'inspection sociale d'Arlon et doit être approuvé.
C'est en vain que les consorts B.-B. invoquent que le FAT ne répond pas au problème soulevé par le jugement ni ne justifie clairement le calcul de la rémunération de base.
Les débours réclamés
Les consorts B.-B. soutiennent encore que le décompte manuscrit de 2.816.239 BEF ne permet pas de déterminer les bases précises de ces différents débours.
Il est vrai que ce décompte ne libelle pas clairement les bénéficiaires et les bases de calcul et que tant la Cour que les parties ont droit à un décompte leur permettant un contrôle plus aisé.
S'il apparait du relevé des débours du 5.6.1986 au 31.3.1993 que les avances sur rente du 5.6.1986 au 30.6.1988 tant pour la veuve que pour les deux filles correspondent à 30 % et 2 x 15 % de 556.799 BEF et qu'il en est de même pour les avances sur rente du 1.7.1988 au 30.6.1991, les chiffres ne correspondent cependant pas exactement encore que les différences paraissent peu importantes.
Les régularisations des avances sur rente résultent de la correction du salaire de base, les régularisations étant calculées sur le salaire de 657.160 BEF ;
Les mêmes interrogations se posent quant aux intérêts, le décompte ne précisant pas sur quelle période les intérêts sur avances ont été calculés d'une part et d'autre part, le FAT demande les intérêts sur la somme provisionnelle de 957.309 BEF depuis le 20.4.1989.
Il n'est pas possible de s'assurer que les intérêts n'ont pas été calculés deux fois.
La base légale de la majoration de 10 % ne peut être raisonnablement discutée, le fondement juridique de celles-ci étant apporté (art. 57 quater al. 2 de la loi n le débiteur qui ne verse pas les montants est redevable envers le fonds d'une majoration.)
La réserve mathématique a été calculée au l avril 1993 en fonction de l’âge au 1.4.1993.
Le jugement déféré a dit pour droit qu'à titre provisionnel le Fonds des Accidents du Travail poursuivra le paiement des rentes revenant aux ayants droits de la victime sur cette base et ce tant que la rémunération annuelle de base n'aura pas été fixée définitivement ;
Le FAT n'indique pas ce qu'il a continue à payer aux consorts M.-G. « depuis le jugement d'une part et à partir du 1.4.1993.
La cotisation d'affiliation d'office de 9.606 BEF ne paraît pas concerner les consorts B.-B. à tout le moins à raison de l'occupation de Monsieur G. ;
Nonobstant la situation particulièrement délicate dans laquelle se trouve Madame M. il convient d'ordonner la réouverture pour que le FAT précise clairement tous les décomptes tant des sommes actuellement réclamées à l'encontre des consorts B.-B., y compris le calcul de la cotisation d'affiliation d'office et le calcul des intérêts (assiette, périodes) que la réactualisation notamment du capital pouvant être accordé à Madame M. à la date du 1.10.1997.
La Cour insiste particulièrement pour que les parties respectent scrupuleusement la date fixée.
Quant à l'incidence de la renonciation à succession
Monsieur T.B. est décédé en mars 1992.
Les enfants N. et B.B. n'ont renoncé à la succession de leur père qu'en Janvier 1996.
Le fait d'avoir repris l'instance en interjetant appel du jugement constitue un acte conservatoire et ne peut être analysé comme un acte d'acceptation de la succession.
La Cour n'est pas compétente pour déterminer si, durant la période de quatre ans qui s'est écoulée entre le décès de Monsieur B. et la signature de l'acte de renonciation à sa succession, Mademoiselle N.-B. et/ou Monsieur B.-B. ont ou non posé des actes d'acceptation de cette succession notamment par l'usage qu'ils auraient fait de biens faisant partie de celle-ci. Il s'agira d'un problème d'exécution qui ne relève pas de la compétence de la cour.
Par ces motifs
La cour, après en avoir délibéré
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, et notamment son art. 24 ;
Dit les appels inscrits sub. RG 4540/93 – 4581/93 – 4592/93 recevables ;
Joint les appels.
Dit l'appel conservatoire formé par le FAT recevable mais non fondé;
Dit les appels formés par les consorts B.-B. recevables mais non fondés;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit pour droit que feu Monsieur E.G. avait été victime d'un accident du travail mortel le 5.6.1986 alors qu'il était au service de Monsieur T.B..
Fixe la rémunération annuelle de base de la victime à la somme de 657.160 BEF
Avant de statuer sur le montant des condamnations à charge des consorts B.-B. ainsi que sur le montant du tiers en capital demandé par Madame M ordonne la réouverture des débats pour que le FAT précise clairement tous les décomptes des sommes actuellement réclamées à l'encontre des consorts B.-B. y compris le calcul de la cotisation d'affiliation d'office et le calcul des intérêts (assiette, période) et sur le capital pouvant être accordé à Madame M. à la date du 1.10.1997 tenant compte des paiements intervenus entretemps.