Attendu que la défenderesse, la S.A. Clardia Couture, exploite, bd. de Waterloo à Bruxelles, un commerce de détail de prêt-à-porter féminin et accessoires de la marque Nina Ricci, depuis le 1er septembre 1990 ;
Qu'elle a en effet conclu avec la S.A.R.L de droit français Nina Ricci un contrat de franchise ;
Attendu qu'aux termes de cette convention, Nina Ricci s'engageait notamment à vendre à son franchisé les produits fabriqués et commercialisés par elle et à lui apporter toute assistance pour obtenir dans les meilleures conditions les marchandises portant la marque Nina Ricci fabriquées par ses licenciées (article 7) ;
Attendu que plus précisément, la S.A.R.L. Nina Ricci livrait à la défenderesse les accessoires alors que la demanderesse, la S.A. de droit français C.L.N.R., à laquelle une licence exclusive de fabrication avait été concédée, livrait le prêt-à-porter ;
Qu'en vertu du contrat de franchise la défenderesse était tenue de s'approvisionner auprès de C.L.N.R. ;
Attendu qu'à la fin de l'année 1991, les résultats des deux premières saisons se sont avérés être inférieurs aux prévisions ;
Que la défenderesse expose qu'elle attribuait la cause principale de ces faibles résultats au très mauvais rapport qualité/prix des vêtements livrés par C.L.N.R. et au non-respect des calendriers de livraison (v. correspondance entre parties, chemise 0 produite par Clardia Couture) ;
Que la défenderesse avait même envisagé de mettre fin au contrat de franchise si les livraisons ne s'amélioraient pas ;
Attendu qu'il résulte de la correspondance produite aux débats que tant la S.A.R.L. Nina Ricci que CLNR s'étaient engagées à apporter une solution aux problèmes rencontrés et que notamment, dans cette optique, la première prit une participation de 26% dans le capital de la seconde ;
Attendu que c'est dans ce contexte que, le 4 juin 1992, la société Nina Ricci, CLNR et Clardia Couture ont conclu un avenant au contrat de franchise ;
Que cette convention prévoyait d'accorder une aide financière à la défenderesse ;
Qu'elle prévoyait également l'instauration d'un système de consignation pour les marchandises livrées en 1992, des remises ainsi que la possibilité de retours pour les collections antérieures à celle du printemps/été 92 ;
Que des difficultés sont survenues dans l'exécution de l'avenant en question ;
Que la demanderesse fait grief à la défenderesse de n'avoir pas respecté ses engagements financiers et que, pour sa part, Clardia Couture reproche à CLNR d'avoir refusé, en contradiction avec les accords conclus, des retours de marchandises et des remises ;
Attendu que, par exploit du 13 décembre 1993, CLNR assigna la défenderesse en paiement de factures, devant le tribunal de céans ;
Que sur base d'un rapport d'expertise rédigé par l'expert Danon le 3 janvier 1994, Clardia Couture, par exploit du 10 janvier 1994, assigna la société Nina Ricci et la société CLNR en résiliation du contrat de franchise et en paiement de dommages et intérêts évalués provisoirement à la somme de 10.000.000 FF ;
Discussion
Attendu qu'avant tout moyen, la défenderesse soulève l'incompétence du Tribunal de commerce de Bruxelles ;
Qu'elle estime en effet que seuls les tribunaux du ressort de la Cour d'appel de Paris seraient compétents et ce, en application de la clause d'attribution de compétence contenue à l'article 22 du contrat de franchise ;
Attendu que CLNR soutient au contraire qu'elle n'est pas liée par le contrat de franchise, auquel elle n'est pas partie, ni dès lors par la clause d'attribution de compétence et qu'elle constitue une entité juridique distincte de la S.A.R.L. Nina Ricci ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la clause d'attribution de compétence, contenue à l'article 22 du contrat de franchise, répond aux exigences de l'article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;
Que le contrat de franchise a été conclu uniquement entre la S.A.R.L. Nina Ricci et la S.A. Clardia Couture ;
Attendu que la convention du 4 juin 1992, conclue entre l'actuelle demanderesse, la S.A.R.L. Nina Ricci et Clardia Couture, est intitulée « avenant au contrat de franchise entré en vigueur le 1er septembre 1990 » ;
Qu'un avenant est un acte additionnel à un contrat qui a pour objet d'acter l'accord des parties sur les modifications conclues au contrat initial ;
Que les parties à un avenant doivent nécessairement avoir été parties à la convention initiale ou à tout le moins y avoir adhéré, en tout ou en partie ;
Que l'espèce, l'article 6 de l'avenant précise:
« "Les parties reconnaissent explicitement que le présent avenant n'est destiné à régir leurs relations que dans les limites qui y sont prévues et qu'il ne déroge au contrat de franchise conclu entre le concédant et le franchisé que dans les mêmes limites. »
Qu'en reconnaissant que l'avenant, à laquelle elle est partie, ne déroge au contrat de franchise que dans les limites de l'accord, CLNR signifie que les autres clauses subsistent ;
Que pareille reconnaissance ne se conçoit que dès lors que CLNR a adhéré aux clauses du contrat de franchise et plus précisément à la clause relative à l'approvisionnement ;
Que d'ailleurs la demanderesse, qui a été imposée comme fournisseur à Clardia Couture, participe indiscutablement à l'exécution d'une partie importante de la convention de franchise à savoir l'approvisionnement pour le prêt-à-porter ;
Que cet approvisionnement est totalement dépendant de l'existence du contrat de franchise et ne peut se concevoir indépendamment de lui ;
Que l'on relèvera d'autre part que l'avenant du 4 juin 1992 qui porte essentiellement sur l'approvisionnement de Clardia Couture, règle les modalités de livraison des marchandises par Nina Ricci et CLNR, les remises et les reprises ;
Que les mêmes modalités et facilités sont accordées à Clardia Couture par Nina Ricci et CLNR ;
Que ces modalités dérogent effectivement à la clause d'approvisionnement prévue au contrat de franchise ;
Qu'en vertu de la clause d'attribution de compétence les litiges relatifs à l'interprétation et l'exécution de la convention de franchise sont de la compétence des juridictions compétentes du ressort de la Cour d'appel de Paris ;
Que participant à l'exécution de la même convention, (le contrat de franchise et l'avenant qui s'y réfère expressément), pour ce qui concerne l'approvisionnement, il faut considérer que la demanderesse a également adhéré à la clause d'attribution de compétence contenue dans le contrat initial même si elle n'y était pas partie au moment de sa conclusion ;
Attendu que, subsidiairement. CLNR fait valoir que la clause d'attribution de compétence lui étant favorable, puisqu'elle prévoit la compétence des tribunaux de son siège social, elle peut y renoncer ;
Attendu que l'article 17 de la Convention de Bruxelles prévoit effectivement que la partie en faveur de laquelle une convention attributive de juridiction a été conclue conserve le droit de saisir tout autre tribunal compétent en vertu de ladite Convention ;
Que toutefois, conformément à l'arrêt Anterist (24 juin 1986, aff. 22185, R.C.D.I.P., 1987, p. 136), la Cour de Justice C.E. a donné une interprétation stricte de cette disposition qui ne s'applique qu'en cas de volonté certaine et commune des parties de réserver le bénéfice de la clause à l’une d'elles (H. Born, « Le régime général des clauses attributives de juridiction dans la Convention de Bruxelles », J.T., 13 mai 1995, p. 363, n° 40) ;
Qu'il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve que la clause a été stipulée à son profit exclusif ;
Que la circonstance que la clause attribue compétence aux tribunaux de son siège social ne suffit pas ;
Par ces motifs,
Le Tribunal, (...)
Statuant contradictoirement,
Se déclare incompétent.