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Résumé de la décision Un employé a conclu un contrat de travail dans lequel il était nettement défini que le travail devait s’exécuter exclusivement hors CEE, en Algérie. Ce contrat dans son art. 18, précisait que tout différend relatif à l’interprétation ou à l’exécution du contrat, serait soumis aux juridictions du pays où s’effectuent les prestations. Après dissolution du contrat, l’employé introduisit recours contre l’employeur devant la Cour du travail de Liège (BE). Le défendeur invoqua l’incompétence des tribunaux belges et réclama application de la clause attributive de juridiction.
La Cour du travail de Liège s’estime compétente pour connaître du litige. En effet, en vertu de la Convention de Bruxelles, le travailleur peut attraire l'employeur soit dans le pays de son domicile, soit dans le pays où il accomplit habituellement son travail. Elle rejette en outre l’application de la clause attributive de compétence en faveur des tribunaux algériens: en vertu de l'art. 17 al. 6 de la Convention de Bruxelles, toute clause de juridiction conclue avant la naissance du différend, est en effet inopposable au travailleur.
III. Les faits
L’intimée a conclu un contrat pour un travail nettement défini avec l’appelant le 8 juin 1998.
Dans ce contrat, il était précisé « ce contrat conclu pour un travail nettement défini doit s’exécuter exclusivement en territoire étranger hors CEE, en l’occurrence en Algérie sur le site du terminal gazier d’Arzew ».
L’art. 8 précise également : « sous le statut ‘célibataire’ et après six semaines sur le site le client Basse Sambre Eri accorde au collaborateur un congé de reconstitution dont la durée est égale à … (illisible) ».
L’art. 9 précise que le collaborateur est couvert aux frais de la société par l’Office de la sécurité sociale d’Outremer (O.S.S.O.M.).
L’art. 18 ajoute que : « tout différend relatif à l’exécution ou l’interprétation du présent contrat sera soumis à la juridiction des tribunaux compétents du pays où s’effectuent les prestations ».
L’appelant a été engagé comme collaborateur en qualité de responsable administratif des travaux relatifs à l’exécution d’un travail de direction et de coordination.
Une annexe au contrat apporte des précisions à l’art. 8 et au travail qui pouvait être demandé durant la période de « reconstitution Belgique ». Cette période vise notamment la préparation du chantier et les coordinations nécessaires à réaliser en Belgique.
Après la rupture du contrat en août 1999, l’intimée a payé à l’appelant la contre-valeur de treize jours de revalidation et a refusé de faire droit au surplus de la demande de l’appelant.
IV. Discussion
Compétence territoriale?
La cour constate que l’on se trouve en présence d’un contrat signé pour un travail nettement défini dont l’essentiel de l’exécution devait se dérouler en Algérie avec des prestations subsidiaires prévues dès la signature du contrat mais aussi envisagée théoriquement pendant les périodes de « reconstitution ».
Le travail a débuté en juin 1998 et le contrat a pris fin avec la fin du chantier le 20 août 1999.
L’appelant affirme que, pendant cette période, il a travaillé en Belgique chez le client BS Eri à Moustier sur Sambre en juin 1998 avec une courte mission en Algérie du 25 au 30 juin..
– Qu’il en a été de même en juillet 1998 avec une courte mission en Grande-Bretagne du 6 au 10 juillet 1998..
– Du ler au 14 août 1998 avant de repartir pour l’Algérie.
– En octobre 1998, les 13 et 16 octobre 1998.
– En décembre 1998, les 21, 22 et 29 décembre 1998.
– En février 1999, les 17 et 18 février 1999 … jours de revalidation qui impliquaient la présence en Belgique selon le contrat.
Pendant les périodes non mentionnées, le travail s’est déroulé en Algérie.
La cour considère que :
1. La convention belgo-algérienne approuvée par une loi du 14 août 1974 ne contient pas de règle de compétence exclusive.
2. La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale est applicable à un litige concernant l’exécution d’un contrat de travail et les dispositions qu’elle contient régissent toute demande introduite contre un défendeur domicilié dans un État contractant.
3. La Convention de Bruxelles a été révisée à San Sébastian le 26 mai 1989 et cette version a été approuvée par la loi belge du 27 novembre 1996 avec entrée en vigueur le 1er novembre 1997 (M.B. du 8 janvier 1998).
Selon la convention, le travailleur peut attraire le défendeur soit dans le pays de son domicile, soit dans le pays où il accomplit habituellement son travail.
Il est également prévu que toute clause de juridiction conclue avant la naissance du différend est inopposable au travailleur (art. 17, para. 6).
La cour estime dès lors qu’en l’espèce, la désignation de l’État algérien comme seul compétent ne peut être retenue en application de l’article susdit.
Dès lors, les tribunaux belges peuvent connaître du litige.
4. Reste alors à déterminer le droit applicable au contrat de travail.
L’art. 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 prévoit en son point b que le contrat est régi : « si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ».
Certes, en l’espèce, le lieu principal d’exécution était en Algérie mais l’employeur, le travailleur et la société signataire du contrat sont belges et le siège social est en Belgique. Le contrat a été signé en Belgique.
Les deux sociétés S.A. Mad et Basse Sambre Eri ont leurs sièges sociaux en Belgique et dépendent du droit belge.
Les rémunérations sont versées au départ de la Belgique sur un compte en banque belge.
Dès lors, les tribunaux sont compétents pour connaître du litige et le droit belge est applicable…