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Résumé de la décision Entre des parties domiciliées en Belgique était intervenue en Belgique une promesse de vente relative à un immeuble bâti en Espagne. Cette convention prévoyait l'obligation de payer aux vendeurs une peine contractuelle en cas d’inexécution par les acheteurs de l’obligation de passer l’acte authentique de vente dans les quatre mois à compter du jour de la signature de la promesse de vente. Par la suite, l’acte authentique n’étant pas passé, les vendeurs ont intenté une action devant la juridiction belge afin d’entendre prononcer la résolution, aux torts des acheteurs, de la promesse de vente et à les condamner à leur payer la clause pénale stipulée. Le premier juge ayant déclaré la demande recevable et fondée, les acheteurs firent appel et ont soutenu que seules les juridictions espagnoles étaient compétentes pour connaître du litige.
La Cour d’appel de Mons (BE) confirme la compétence des juridictions belges pour connaitre du litige. Elle considère en effet qu’aux termes de l’art. 5, no. 1 de la Convention de Bruxelles, le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut, en matière contractuelle, être attrait dans un autre Etat contractant devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. En l’espèce, l’obligation, qui sert de base à la demande est celle de payer aux vendeurs la clause pénale stipulée dans la promesse de vente. Cette obligation devant être exécutée en Belgique, les juridictions belges sont compétentes.
Attendu que la demande, introduite le 22 octobre 1991 par les actuels intimés, tendait à entendre prononcer la résolution, aux torts des défendeurs, ici appelants, de la promesse de vente intervenue entre les parties le 31 août 1991 et relative à la vente d'un immeuble bâti, sis en Espagne, pour le prix de 12.500.000 pesetas, et à entendre condamner les défendeurs à payer aux demandeurs, en exécution de la clause pénale stipulée dans la convention, une somme en FF belges équivalant à 20 % du prix convenu, soit 2.500.000 pesetas, sous déduction de l’équivalent en FF belges de l’acompte de 10.000 FF français versé par les défendeurs lors de la signature de la convention ;
Que les appelants font grief au premier juge d'avoir dit cette demande recevable et fondée, et soutiennent que seules les juridictions espagnoles seraient compétentes pour connaître du litige, que leur consentement a été vicié par l’erreur ou le dol, et que la clause pénale est en tout cas excessive ;
Attendu qu'aux termes de l’art. 5.1 de la convention concernant la compétence judiciaire à l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 et approuvée par la loi belge du 13 janvier 1971, modifié par l’art. 5.1° de la convention du 9 octobre 1978 approuvée par la loi belge du 31 juillet 1986, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut, en matière contractuelle, être attrait dans un autre Etat contractant devant le tribunal du lieu on l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
Que les intimés sont domiciliés à Bray ;
Que l’obligation de payer aux vendeurs les dommages-intérêts conventionnels, en cas d'inexécution par les acheteurs de l’obligation de passer l’acte authentique de vente dans les 4 mois à compter du jour de la signature de la promesse de vente, qui sert de base à la demande, doit être exécutée en Belgique ;
Que c'est, partant, à bon droit que le premier juge s'est dit compétent pour connaître de la demande ;
Attendu que les appelants allèguent mais ne prouvent pas et n'offrent pas de prouver que ;
1.) les intimés se sont volontairement abstenus de leur faire savoir que, converti en FF français, le prix de vente convenu, libellé en pesetas, équivalait à une somme d'environ 680.256 FF français ;
2.) ils ont été induits en erreur parce que les intimés leur auraient suggéré un calcul de change en FF belges et non en FF français ;
3.) le prix convenu serait à l’évidence surfait, l’immeuble ne valant en réalité qu'environ un sixième du prix stipulé ;
Attendu que la réticence d'une partie, lors de la conclusion d'une convention, peut, dans certaines circonstances, être constitutive de dol lorsqu'elle porte sur un fait qui, s'il avait été connu de l’autre partie, l’aurait amenée à contracter à des conditions moins onéreuses (Oass., 8 juin 1978, gas., 1978, I, 1156) ou à ne pas contracter (Van Ommeslaghe, Les obligations, examen de jurisprudence 1974 à 1982, n° 19, R.C.J.B. 1986, p. 69D) ;
Que toute abstention de parler, même volontaire, ne constitue cependant pas une réticence : il faut en effet qu'existe une obligation de divulguer telle ou telle information à l’autre partie pour qu'on puisse parler de réticence dolosive, en sorte que celle-ci ne saurait résulter du seul fait qu'une partie aurait négligé de donner une information de nature à dissuader l’autre partie de contracter (Van Ommeslaghe, op. cit., n° 19, pp. 69 – 70) ;
Qu'en l’espèce, les vendeurs étaient fondés à croire que, désireux d'acquérir en Belgique un immeuble sis en Espagne, les acheteurs s'étaient préalablement enquis, ainsi qu'il leur appartenait de le faire, des taux de change applicables et du mécanisme de conversion des monnaies nationales éventuellement concernées ;
Qu' il n'est donc pas démontré que les vendeurs avaient l’obligation de renseigner les acheteurs au sujet du taux de change de la monnaie dans laquelle le prix était stipulé par rapport à la monnaie nationale desdits acheteurs ;
Attendu qu'a supposer que les vendeurs aient, comme le soutiennent les appelants, converti en FF belges le prix stipulé en pesetas, cette conversion aurait eu pour effet que l’équivalent en FF belges du prix convenu aurait ôté environ six fois plus élevé que l’équivalent en FF français, et non dix fois inférieur au prix convenu converti dans la monnaie nationale des acheteurs, ainsi que ceux-ci paraissaient le suggérer dans leurs conclusions de première instance ;
Que l’erreur alléguée est dès lors incompréhensible et semble avoir été imaginée par les appelants, à seule fin de se soustraire l’obligation de payer le prix qu'ils avaient librement contractée, lorsqu'ils ont appris qu'ils ne pourraient obtenir le prêt qu'ils avaient sollicité, ainsi que le donne à penser la teneur de la lettre recommandée qu'ils ont adressée aux intimés le 6 septembre 1991 ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucun élément dg la cause que le montant de l’acompte, s'élevant à 10.000 FF français, versé par les appelants devait correspondre, dans la commune intention des parties, voire dans l’esprit des appelants, à un dixième du prix de vente ;
Attendu qu’à supposer qu'il ait eu erreur, celle-ci serait en tout cas inexcusable ;
Que la simple conversion de la monnaie de son pays en monnaies des pays limitrophes est en effet, une opération courante, à la portée de toute personne avisée, d'autant plus que le tan de change des monnaies fait l’objet d'une publication quotidienne dans la plupart des journaux (Mons, 1er octobre 1991, motifs, J.T. 1992, p. 481) ; or, l’erreur inexcusable, c'est-à-dire celle que ne commet point un homme raisonnable, ne constitue pas un vice de consentement au sera des arts. 1109 et 1110 du Code civil (Mass., 20 avril 1978, bas., l978, I, 550) ;
Que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre (art. 1152 du Code civil) ;
Que les appelants font dès lors vainement valoir que cette pénalité correspond au double du prix auquel (ils) pensaient acheter la maison et est exagérément importante eu égard (à leurs) revenus modestes ;
Attendu que le premier jure a prononcé la résolution de la convention aux torts des appelants et a déduit du montant de la clause pénale le montant des arrhes ;
Que la demande reconventionnelle formée par les appelants, tendant à ce que les vendeurs soient condamnés à leur payer la contre-valeur de l’acompte, n'est dès lors pas fondée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement
Vu l’art. 24 de la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire ;
Reçoit l’appel ; le dit non fondé ;
Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée ;