DANS LE DROIT :
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire ;
Vu le dossier de procédure et notamment le jugement du Tribunal de commerce de Charleroi du 3 juin 1992 renvoyant la cause devant le Tribunal de céans ;
Vu les conclusions et les dossiers des parties ;
Entendu à l’audience du 27 janvier 1993 les conseils des parties en leurs explications, dires et moyens, les débats étant ensuite déclarés clos ;
1. Attendu que l’action principale tend à entendre, d’une part, dire que les travaux de la S.A. CLEMESSY, réalisés pour la S.A. COCKERILL-SAMBRE, sont en état de réception provisoire depuis le 30 septembre 1991 au moins et condamner, en conséquence, la S.A. COCKERILL-SAMBRE à payer à la S.A. CLEMESSY la contre-valeur en FF belges de la somme de 10.060.000,-FF, dont à déduire un montant de 16.000.000,-F.B. payé à valoir et, d’autre part, par jugement ultérieur, condamner la S.A. COCKERILL-SAMBRE à payer à la S.A. CLEMESSY la contre-valeur en FF belges de la somme de 15.872.140,-FF du chef d’exécution de fournitures et prestations supplémentaires, ainsi que du chef de la réparation du préjudice découlant d’une prolongation de l’entreprise ;
2. Attendu que l’action reconventionnelle tend à entendre condamner la S.A. CLEMESSY, d’une part, à effectuer l’ensemble des prestations nécessaires pour corriger les erreurs entachant ses travaux, sous peine d’une astreinte de 100.000,-F.B. par jour de retard à dater de la signification du présent jugement et, d’autre part, par jugement ultérieur, à payer à la S.A. COCKERILL-SAMBRE la contre-valeur en FF belges de la somme de 1.800.000,-FF pour moins-value sur équipements et prestations non fournies, ainsi que la contre-valeur en FF belges de la somme de 5.030.000,-FF à titre d’indemnité contractuelle de retard ;
Attendu que la S.A. CLEMESSY et la S.A. COCKERILL-SAMBRE déclarent toutes deux limiter les débats, au stade actuel, au point de savoir si les travaux exécutés par la S.A. CLEMESSY sont en état de réception provisoire (premier chef de demande de la S.A. CLEMESSY et premier chef de demande de la S.A. COCKERILL-SAMBRE), considérant que, pour le surplus, la cause n’est pas en état d’être jugée ;
3. Attendu que l’action en intervention volontaire tend à entendre, d’une part, dire que les travaux réalisés par la S.A. SOCABELEC pour la S.A. CLEMESSY, en sous-traitance et pour la S.A. COCKERILL-SAMBRE « en direct » sont en état de réception provisoire depuis le 30 juin 1991, tant vis-à-vis de la S.A. CLEMESSY que vis-à-vis de la S.A. COCKERILL-SAMBRE et, d’autre part, condamner solidairement la S.A. CLEMESSY et la S.A. COCKERILL-SAMBRE à payer à la S.A. SOCABELEC la somme de 27.754.826,-F.B. à titre de suppléments et de dommages et intérêts pour retard ;
Attendu que par voie de conclusions, la S.A. SOCABELEC limite provisoirement ce deuxième chef de demande en postulant la condamnation de la S.A. CLEMESSY à lui payer la somme provisionnelle de 15.349.114,-F.B., à valoir sur les sommes demandées et requiert qu’il soit réservé à statuer sur le surplus des sommes réclamées ;
LES FAITS ET LES ANTECEDENTS.
La S.A. COCKERILL-SAMBRE, désirant équiper ses hauts-fourneaux d’installations à injection de charbon (en remplacement partiel du coke), fait appel à trois entreprises différentes, chacune chargée de réaliser une partie des travaux : la société HEURBEL pour la manutention et le broyage-sèchage, la société WURTH pour l’injection et la société CLEMESSY pour la phase automatisme-informatique.
Le budget prévu est de 1.400.000.000,-F.B., la réalisation de ces installations devant amener un return d’investissement d’un million de FF belges par jour.
Le 29 novembre 1989, la S.A. COCKERILL passe commande la S.A. CLEMESSY, pour un prix total de 50.300.000,-FF, d’un équipement complet (« clé sur porte ») relatif l’automatisation (« étude, fourniture, montage et mise en service,... parties électricité – automatisme – instrumentation – contrôle – commande, ») d’une installation d’injection de charbon pulvérisé aux hauts-fourneaux 4 et 5.
Le 18 janvier 1990, la S.A. CLEMESSY charge la S.A. SOCABELEC, par contrat de sous-traitance, de réaliser divers travaux – notamment l’installation de différents équipements électriques – sur le chantier faisant l’objet de la convention passée le 29 novembre 1989 entre la S.A. COCKERILL et la S.A. CLEMESSY. Le montant de ce marché de sous-traitance est de 88.250.000,-F.B..
Selon la S.A. SOCABELEC, ses travaux sont terminés en août 1990 en ce qui concerne l’« injection », en octobre 1990, en ce qui concerne la fraction « broyage » et en février 1991 relativement à la « manutention ».
Elle réclame la réception provisoire de ceux-ci à la S.A. CLEMESSY les 2 octobre 1991 et 7 novembre 1991 (avec copie, pour cette dernière, à la S.A. COCKERILL).
Aucune réponse positive ne lui étant donnée, la S.A. SOCABELEC assigne en référé en décembre 1991 devant le Président du Tribunal de commerce de Charleroi, à la fois la S.A. CLEMESSY et la S.A. COCKERILL, dans le but d’obtenir la désignation d’un expert et une provision de 20 % de 27.754.826,-F.B., soit 5.550.965,-F.B. (le solde des travaux relatifs au marché de base, soit 4.412.500,-F.B. ayant été payé en janvier 1992).
Par ordonnance du 28 février 1992, le Président du Tribunal de commerce de Charleroi a désigné Madame NOVIS Monique, ingénieur civil architecte, avec la mission de :
prendre connaissance du contrat du 18 janvier 1990 ainsi que de ses annexes et de tous les documents de renvoi, dresser la liste et la description des travaux et fournitures réalisés soit à la demande expresse ou tacite de Clemessy et/ou de Cockerill-Sambre soit en raison des nécessités de la bonne fin du marché initial ; dire si les suppléments sont matérialisés selon les règles de l’art, en apprécier le prix ; décrire la nature et la cause des obstacles, péripéties et retards subis par le chantier ; décrire et évaluer les dommages qui en sont résultés dans le chef de Socabelec répondre à toutes les réquisitions des parties qui présentent un lien avec l’exécution du contrat du 18 janvier 1990 concernant les travaux d’électricité confiés à Socabelec et à condamner la S.A. CLEMESSY à payer à la S.A. SOCABELEC la somme provisionnelle de 1.500.000,-F.B. à titre de « suppléments ».
Madame NOVIS n’avait pas encore déposé son rapport à la date de la clôture des débats relatifs au présent litige.
Le 20 février 1992, la S.A. CLEMESSY lance citation au fond contre la S.A. COCKERILL devant la première Chambre du Tribunal de commerce de Charleroi.
Le 15 avril 1992, la S.A. SOCABELEC dépose une requête en intervention volontaire.
Par décision du 3 juin 1992, la première Chambre du Tribunal de commerce de Charleroi renvoie la cause devant le Tribunal de céans.
DISCUSSION.
1. ACTION PRINCIPALE.
Attendu que cette action est provisoirement limitée à. la question de savoir si les travaux effectués par la S.A. CLEMESSY pour la S.A. COCKERILL sont en état de réception provisoire ;
Attendu que la S.A. CLEMESSY fait valoir qu’aux termes du cahier des charges de la S.A. COCKERILL – applicable aux relations entre la S.A. CLEMESSY et la S.A. COCKERILL – la réception provisoire ne peut être refusée en cas de défauts mineurs qui n’empêchent pas l’exploitation ou l’utilisation en toute sécurité des équipements et ouvrages (arts. 7.2.3, al. 3) et qu’en outre, la réception provisoire doit être accordée trois mois après la mise en service industrielle qui, en l’espèce, a eu lieu le 30 juin 1991 ; qu’en conséquence, elle postule qu’il soit dit que ses travaux sont à l’état de réception provisoire depuis le 30 septembre 1991 au moins ;
Attendu que la S.A. COCKERILL développe longuement l’argumentation selon laquelle les manquements – notamment ceux repris dans le document de situation du 27 janvier 1992 – de la S.A. CLEMESSY démontrent que la réception provisoire ne peut être accordée, le système mis en place par celle-ci n’étant pas, à l’heure actuelle, conforme à ce qui avait été commandé et laissant, au surplus, apparaître des négligences ou imperfections graves, voire très graves, ce que la S.A. CLEMESSY conteste ;
Attendu que les parties étant contraires à propos de problèmes d’ordre principalement technique, il échet, dans l’intérêt d’une bonne justice, d’ordonner une mesure d’expertise ;
Attendu que Madame Monique NOVIS, possédant déjà une connaissance des faits de la cause et des installations existantes, sera désignée, ainsi qu’un ingénieur-informaticien, en la personne de Monsieur Michel VIATOUR, la S.A. COCKERILL faisant valoir, à bon droit, qu’il s’agit d’apprécier une installation complètement automatisée ;
Attendu que la mission de ces deux experts sera décrite au dispositif du présent jugement ;
2. ACTION RECONVENTIONNELLE.
Attendu que le sort de cette action dépendra du résultat de la mesure d’expertise ordonnée ;
Qu’il y a dès lors lieu de surseoir à statuer à son égard dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ;
3. ACTION EN INTERVENTION INTRODUITE PAR LA S.A. SOCABELEC.
3.1. A l’égard de la S.A. CLEMESSY.
Attendu que la S.A. CLEMESSY soulève un déclinatoire de compétence territoriale du Tribunal de céans, la convention du 18 janvier 1990, intervenue entre elle-même et la S.A. SOCABELEC contenant une clause attributive de compétence aux Tribunaux de Mulhouse, en France (art. 5.7 du marché de sous-traitance) ;
Attendu que la S.A. CLEMESSY fonde son déclinatoire sur l’art. 17 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux termes duquel « si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un Etat contractant, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls compétents. Cette Convention attributive de juridiction doit être conclue soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit... » ;
Attendu que la S.A. SOCABELEC répond que le Tribunal de céans doit se déclarer compétent en application des arts. 564 et 634 du Code judiciaire, ainsi que sur base de l’art. 6, 2° de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui stipule que le défendeur peut aussi être attrait « s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé » ;
1. Attendu que, les conventions internationales primant les règles de droit national, la convention de Bruxelles doit s’appliquer au présent litige, à l’exclusion des arts. 564 et 634 du Code judiciaire cités en conclusions principales par la S.A. SOCABELEC ;
2. Attendu que la clause de prorogation de compétence contenue dans l’art. 5.7 du marché de sous-traitance (« tout différent (sic) né entre les parties de son interprétation (lire : « du contrat ») et/ou de son exécution sera soumis, à défaut de solution amiable, par la partie la plus diligente, aux tribunaux compétents de Mulhouse ») a bien été conclue par écrit et signée par les parties SOCABELEC et CLEMESSY ;
Qu’elle satisfait aux conditions d’application de l’art. 17 de la convention de Bruxelles ;
3. Attendu que la clause d’élection de for (art. 17) a pour effet d’exclure la compétence des tribunaux autres que celui ou ceux qu’elle a désignés (F. RIGAUX, Droit international privé, LARCIER, Tome 2, p. 167), ce qui revient à dire que l’art. 17 prévaut notamment sur l’art. 6,2 (Chronique de Jurisprudence, Droit judiciaire international (1986 – 1990), par H. BORN et M. FALLON in J.T. 1992, p. 415, n° 56 ; Cons : CHF 12/5/1992, Bull. A. Cass. France 1992, IV, p. 126 ; Liège 3/12/1990, Pas. 1991, II, 84) ;
Attendu qu’en conséquence, l’art. 17 prévalant sur l’art. 6,2 la clause d’élection de for – expression de la volonté des parties – doit être respectée et le Tribunal de céans a l’obligation de se déclarer incompétent ratione loci pour connaître du litige entre la S.A. SOCABELEC et la S.A. CLEMESSY ;
3.2. A l’égard de la S.A. COCKERILL.
Attendu que dans les conclusions déposées devant le Tribunal de céans, la S.A. COCKERILL, d’une part, soulève un déclinatoire de compétence territoriale (exception) et d’autre part, conclut à l’irrecevabilité de l’intervention de la S.A. SOCABELEC à son égard, pour défaut d’intérêt (fin de non-recevoir) ;
3.2.1. La compétence territoriale.
Attendu que le déclinatoire de compétence fait partie des exceptions dilatoires, par opposition aux exceptions péremptoires (les nullités) ;
Attendu que les exceptions doivent être opposées in limine litis et « le plaideur qui laisse passer le temps organise sa défense, devient irrecevable à soulever l’exception parce qu’il est censé y avoir renoncé » (A. FETTWEIS, A. KOHL et G. DE LEVAL, Droit Judiciaire Privé, PULG 1980, Tome II, n° 194) ;
Attendu qu’en l’espèce, la S.A. COCKERILL a déposé des conclusions additionnelles devant le Tribunal de commerce de Charleroi, après le dépôt de la requête en intervention volontaire par la S.A. SOCABELEC et a contesté le fond de la demande de cette dernière – ainsi que la recevabilité – mais n’a pas fait valoir l’incompétence des Tribunaux belges ;
Qu’en conséquence, la S.A. COCKERILL est à présent irrecevable à soulever un déclinatoire de compétence ;
Attendu qu’en tout état de cause, la clause d’élection de for contenue dans le marché de sous-traitance avenu entre la S.A. CLEMESSY et la S.A. SOCABELEC est, pour la S.A. COCKERILL, une res inter alios acta ;
Attendu que le Tribunal de céans est dès lors compétent pour connaître de l’intervention agressive de la S.A. SOCABELEC à l’encontre de la S.A. COCKERILL ;
3.2.2. La recevabilité.
Attendu que, pour rappel, la S.A. SOCABELEC postule par son action en intervention :
– qu’il soit dit que ses travaux (tant ceux de sous-traitance que les travaux supplémentaires) sont en état de réception provisoire depuis le 30 juin 1991, tant vis-à-vis de la S.A. COCKERILL que vis-à-vis de la S.A. CLEMESSY,
– que la S.A. COCKERILL et la S.A. CLEMESSY soient condamnées solidairement à lui payer la somme de 27.754.826,-F.B. se décomposant comme suit :
a) travaux supplémentaires qui auraient été commandés en direct par la S.A. COCKERILL : 12.181.084,-F.B.
b) travaux supplémentaires demandés par la S.A. CLEMESSY : 6.100.325,-F.B.
c) impact financier du décalage du chantier : 7.765.134,-F.B.
d) impact financier des paiements différés 1.708.283,-F.B.
TOTAL : 27.754.826,-F.B ;
Attendu que la S.A. SOCABELEC fait valoir que sa demande concernant la réception provisoire à l’encontre de la S.A. COCKERILL est fondée sur l’ensemble contractuel constitué par le marché de base (entre Cockerill et Clemessy) et le contrat de sous-traitance (entre Clemessy et Socabelec) et qu’en ce qui concerne la demande de paiement, son action est fondée, d’une part, sur un lien contractuel direct mais verbal pour certains travaux supplémentaires (soit 12.181.084,-F.B. et les frais de retard s’y rapportant) commandés par la S.A. COCKERILL et, d’autre part, sur l’enrichissement sans cause – ou sur l’ensemble contractuel dont question pour la reconnaissance de la réception provisoire – pour le surplus (6.100.325,-F.B. et les frais de retard s’y rapportant) ;
Attendu que la S.A. COCKERILL estime que l’action de la S.A. SOCABELEC à son encontre ne peut être basée sur l’action oblique – la S.A. CLEMESSY ayant diligenté la présente procédure – ni sur une action directe – puisqu’il n’existe, à ses dires, aucun contrat entre elle et la S.A. SOCABELEC – ni sur l’enrichissement sans cause, son « enrichissement » étant causé par le contrat existant entre elle et la S.A. CLEMESSY ;
Attendu que pour qu’une action soit recevable, le demandeur doit avoir intérêt pour la former et qualité pour l’introduire ;
Attendu que la qualité de la S.A. SOCABELEC n’est pas mise en cause mais que la S.A. COCKERIL conteste qu’elle puisse justifier d’un intérêt à son encontre ;
a. Attendu que l’action de SOCABELEC ne peut être considérée comme une action oblique (art. 1166 du Code civil), puisqu’une telle action suppose que le débiteur de la S.A. SOCABELEC (la S.A. CLEMESSY) reste en défaut de poursuivre son action ;
Que si tel était le cas dans le cadre de la procédure en référé introduite par la S.A. SOCABELEC devant Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Charleroi, tel n’est plus le cas en l’espèce, la S.A. CLEMESSY ayant introduit la présente procédure, ce qui établit qu’elle diligente son action contre la S.A. COCKERILL ;
b. Attendu qu’en France, est apparue la théorie des « groupes » ou « chaînes » de contrats qui consiste à énoncer que des liens juridiques s’établissent entre des personnes qui, tout en n’étant pas liées directement par contrat, le deviennent, pour avoir noué des liens avec d’autres parties relativement à une opération qui se présente comme un ensemble économique unique ;
Attendu que, cependant, cette construction heurte de plein fouet le principe de la relativité des conventions, qui est au cœur de notre droit civil ; que cette théorie n’a d’ailleurs pas provoqué de réel engouement en Belgique (J.P. BRULS, « Le droit du sous-traitant au paiement du prix dans le droit privé » in Actualités du droit, 1992 – 1, p. 232 et les référence citées) ;
Attendu qu’en conséquence, l’intérêt de la demande de la S.A. SOCABELEC à l’encontre de la S.A. COCKERILL ne peut être trouvé dans « l’ensemble » contractuel litigieux ;
c. Attendu que la S.A. SOCABELEC ne peut pas plus justifier d’une action directe en application de l’art. 1798 du Code civil, le bénéfice de cette disposition étant généralement refusé au sous-traitant (J.P. BRULS, op. cit., p. 232 et 233, ainsi que les nombreuses références citées mentionnant l’existence d’une controverse aboutissant finalement à une unité de jurisprudence dans le sens prédécrit) ;
d. Attendu que l’intérêt de la S.A. SOCABELEC peut, par contre, résider dans le paiement, par la S.A. COCKERILL, des travaux supplémentaires qui lui auraient été commandés directement par cette dernière ;
Attendu qu’à cet égard, une expertise est en cours, Madame NOVIS ayant été chargée de dresser la liste et la description des travaux et fournitures réalisés notamment la demande expresse ou tacite de la S.A. COCKERILL (voir ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Charleroi du 28 février 1992) ;
Que le rapport de Madame NOVIS permettra d’établir si la S.A. COCKERILL a bien commandé des travaux, « en direct », à la S.A. SOCABELEC et, si celle-ci peut, en conséquence, justifier d’un intérêt ;
e. Attendu enfin qu’il n’y aura enrichissement sans cause dans le chef de la S.A. COCKERILL à propos des travaux réalisés par la S.A. SOCABELEC pour la S.A. CLEMESSY que dans la mesure où, soit la S.A. CLEMESSY ne les réclame pas à la S.A. COCKERILL, soit elle les répercute mais la S.A. COCKERILL n’est pas condamnée à les lui payer ;
Attendu que l’identification de ces travaux et le sort à leur accorder dépendra du rapport qui sera déposé dans le cadre de l’expertise ordonnée relativement aux actions principale et reconventionnelle du présent litige ;
Attendu qu’il y a dès lors lieu de surseoir à statuer, dans l’attente de ce rapport – et de celui à déposer suite à l’ordonnance du 28 février 1992, concernant le point d. ci-avant – sur la recevabilité de la demande de la S.A. SOCABELEC à l’égard de la S.A. COCRERILL ;
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Ecartant provisoirement comme non fondées toutes conclusions autres, plus amples ou contraires,
Dit les actions principale et reconventionnelle recevables,
Se déclare incompétent ratione loci concernant l’action en intervention introduite par la S.A. SOCABELEC à l’encontre de la S.A. CLEMESSY,
Se déclare compétent ratione loci concernant l’action en intervention introduite par la S.A. SOCABELEC à l’encontre de la S.A. COCKERILL-SAMBRE,
Sursoit à statuer concernant la recevabilité de l’action en intervention introduite par la S.A. SOCABELEC à l’encontre de la S.A. COCKERILL-SAMBRE pour les causes reprises aux motifs du présent jugement,
Avant dire droit au fond quant au surplus,
Désigne, tous droits saufs des parties, en qualité d’experts, Madame Monique NOVIS, ingénieur civil architecte, domiciliée à 6001 – MARCINELLE, Rue Destrée, 72, et Monsieur Michel VIATOUR, ingénieur informaticien, domicilié à 4100 – BONCELLES, Rue du Commandant Charlier, 52, lesquels auront pour mission, en s’entourant de tous renseignements utiles, les parties dûment convoquées, :
– de se rendre sur place,
– de prendre connaissance du contrat de 29 novembre 1989, ainsi que de ses annexes et de tous les documents pouvant s’y rapporter,
– de dresser la liste et la description des travaux et fournitures réalisés soit à la demande expresse ou tacite de la S.A. COCKERILL-SAMBRE, soit en raison des nécessités de la bonne fin du marché initial,
– de dire si les travaux (prévus au départ et supplémentaires) ont été exécutés dans les règles de l’art,
– d’apprécier le prix des suppléments,
– de donner leur avis sur le point de savoir si tous ces travaux sont en état de réception provisoire conformément à l’art. 7 du cahier général des charges de l’entreprise et, dans l’affirmative, depuis quelle date,
– de décrire la nature et la cause des obstacles, péripéties et retards subis par le chantier,
– de décrire et évaluer les dommages qui en sont résultés dans le chef de la S.A. CLEMESSY,
– de répondre à toutes les réquisitions des parties qui présentent un lien avec l’exécution du contrat du 29 novembre 1989,
– de répondre aux notes de faits directoires des parties,
– de tenter de concilier les parties si faire se peut,
– de dresser comptes entre parties,
– du tout faire rapport motivé et détaillé dans les CINQ MOIS de la notification de leur mission par la partie la plus diligente,
– dit que les experts seront tenus de se conformer en ce qui concerne l’exécution de leur mission et le dépôt de leur rapport aux dispositions de Chapitre VIII, section VI, du Code judiciaire ;
Dit que les experts seront provisionnés par la S.A. CLEMESSY ;