– Le 29 mars 1990, l’appelant a reçu et contresigné pour accord une lettre de l’intimée rédigée comme suit :
« Nous référant aux nombreuses conversations que nous avons eues en ce qui concerne l’attribution de la fonction de Directeur Commercial (Trading manager) à B., nous vous confirmons par la présente que nous avons accepté de vous engager à ce poste, au vu de vos connaissances et de votre expérience dans ce domaine ainsi que de votre emploi antérieur en Afrique, continent avec lequel notre filiale de B. entretient d’importantes relations commerciales. Il a été convenu que vous pourriez vous charger d’activités commerciales pour le compte de tiers. Dans un tel cas, une commission sera convenue entre parties.
Les conditions de travail sont celles des collaborateurs de I. aux Pays-Bas et seront, par conséquent spécifiées dans le contrat de travail que vous signerez avec N.S. à B. Il a toutefois été convenu que vous seriez rémunéré sur base d’un revenu brut de 3.306.000 F.B. (à savoir 217.000 FF x 13,86, majoré d’un bonus de 10 %). Le montant net qui en résulte (1.680.000 F) sera garanti dans le contrat signé avec N. S.
Aux Pays Bas, vous êtes assujetti à la législation et aux réglementations sociales et fiscales néerlandaises. Vous acceptez l’obligation de séjourner pendant la semaine à B. ou dans ses environs.
Nous notons aussi votre accord formel d’être muté, des Pays-Bas, vers d’autres pays, en Europe, si I. juge nécessaire d’utiliser ailleurs vos connaissances et votre expérience.
Nous nous réjouissons, dès à présent, de notre collaboration, dont nous espérons qu’elle s’avère fructueuse et stimulante pour les deux parties.
Pourrions-nous vous demander de nous renvoyer le double de la présente lettre, signée par vous pour accord? »
– Le lendemain 30 mars 1990, il signait avec la société de droit néerlandais un contrat de travail à durée indéterminée, dont il existe deux versions, toutes deux signées par les parties. Dans l’une des deux versions, le texte du contrat est précédé d’une considération préliminaire rédigée comme suit:
(traduction de la Cour) « que N. S. N.V. fait partie du groupe brassicole belge I. N.V. établi à L. ; que l’employé qui a été engagé par l’intermédiaire de la société belge précitée pour une durée indéterminée pour les activités internationales du groupe que dans ce cadre l’employé est détaché auprès de N.S. pour une période maximale de 5 ans comme trading manager »
L’article 2 du contrat de travail prévoit que l’employé aura B. comme poste de travail pour une durée de 5 ans. A la fin de cette période l’employeur et l’employé se mettront d’accord sur un transfert au sein du groupe.
L’article 34 qui contient une clause d’obligation de confidentialité, dont la violation est considérée comme un motif de rupture immédiate comme défini à l’article 1639 p et 35 du Code civil néerlandais, et rend l’employé responsable pénalement en vertu de l’article 270 du Code pénal néerlandais.
Le 22 septembre 1993, l’appelant est licencié avec effet immédiat par lettre recommandée rédigée comme suit:
« Par la présente, nous vous informons de votre licenciement avec effet immédiat sur base de l’article 1639 P. Par. 4 et Par 12 du Code civil néerlandais.
Ces articles mentionnent: lorsqu’il se rend coupable de vol, détournement, fraude ou autres délits, par lesquels il est indigne de la confiance de ses employeurs. Lorsque volontairement ou par témérité par perte de son état ou paraît exécuté le travail stipulé.
La cause de ce licenciement est un tel fait, qui est présent connu, qu’il n’est pas raisonnable d’attendre de notre part de laisser perdurer les fonctions entre vous et nous.
Par notre service des salaires le décompte définitif du salaire sera établi (avec vous?) dans le délai le plus court.
Pour le bon ordre nous vous envoyons cette lettre en double exemplaire, tant en courrier normal que par courrier recommandé. » La lettre précitée, tout en étant écrite sur du papier à lettre à en-tête de la société belge I. S.A. (l’intimée) est signée avec mention de la qualité, dans le chef de celleci, de « administrateur de I. S. B.V. ».
La lettre ne paraît avoir été postée que le 26 octobre 1993.
Discussion.
1. La question de la loi applicable s’impose avant toute autre discussion quant au fondement total ou partiel de la demande. Il n’est en effet pas contesté qu’en application de la loi néerlandaise la demande est prescrite dans sa totalité, ayant été introduite plus de six mois après la cessation des relations professionnelles.
2. En droit, la question est réglée par la loi du 14 juillet 1987 approuvant la Convention internationale sur la loi applicable aux obligations contractuelles de Rome du 19 juin 1980.
L’article 3 prévoit que la loi applicable est celle choisie par les parties, le choix de celle-ci pouvant résulter d’une manifestation de volonté expresse ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.
3. A l’article 6 de la loi, il est prévu que le choix des parties ne peut cependant avoir pour effet de priver l’employé de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du’2, c’est-àdire:
– soit la loi du pays ou le travailleur accomplit habituellement le travail contractuel, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays,
– soit s’il n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
4. Si l’on admet que la loi belge est impérative en ce qu’elle ne prévoit qu’une prescription d’un an pour les actions naissant du contrat de travail, il est clair que la question du choix exprès ou implicite de la loi néerlandaise
– question à laquelle la Cour répond, comme le tribunal par l’affirmative
– doit s’effacer devant la question de savoir si l’appelant peut bénéficier de l’une des deux alternatives de l’article 6,’2, c’est-à-dire s’il peut établir que la loi belge est soit la loi du pays où il exerce habituellement ses fonctions, soit la loi du pays où se trouve l’établissement qui l’a embauché,
– mais, à condition, dans cette dernière hypothèse, qu’il prouve qu’il n’a pas accompli son travail dans un seul et même pays.
5. Or, il n’est pas établi, ni même soutenu, que l’appelante, depuis son engagement jusqu’à la date de la rupture, a habituellement exercé ses fonctions en Belgique. En réalité, il n’existe aucun doute que c’est aux Pays-Bas que l’appelant avait son bureau, son domicile, était payé (en florins) et travaillait en exécution du contrat.
6. Quant à la deuxième alternative, elle est tout aussi absente en l’espèce.
Certes, il était prévu au contrat que l’appelant pouvait, à l’issue d’une première période de 5 ans, être détaché dans d’autres pays mais cela ne s’est jamais produit.
7. Enfin, aucun argument ne peut être tiré du préambule au contrat entre l’appelant et son employeur néerlandais faisant état de son « détachement » aux Pays-Bas. Les prestations contractuelles ayant, dès le départ eu lieu aux Pays-Bas, le détachement de Belgique vers ce pays ne correspond à aucune réalité, et n’a été mentionné que pour des raisons fiscales sans incidence en droit international privé.
Il n’existe en conclusion aucune raison d’appliquer le droit belge au litige et ce, même s’il fallait admettre que l’intimée était l’employeur de l’appelant, ce que dément une analyse minutieuse du texte de la lettre du 29 septembre entre parties – qui s’interprète en réalité en une promesse du fait d’autrui, ce que confirme encore l’utilisation, dans le préambule au contrat de travail entre l’appelant et la société de droit néerlandais, de l’expression « door tussenkontract van » (par l’intermédiaire de).
Il y a lieu de confirmer la décision d’irrecevabilité de la demande prise par le premier juge.