« Dit les appels recevables mais non fondés ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit la demande incidente de la [demanderesse] recevable et non fondée ;
Condamne la [demanderesse] à payer à [la défenderesse] la somme de 466,04 EUR représentant l’indemnité de procédure prévue par l’article 1022 du Code judiciaire »
et, après avoir résumé les antécédents de la cause, reproduit la correspondance échangée entre les parties et résumé les thèses des parties, fonde ces décisions sur les motifs.
Que la convention du 6 mars 2001 revêt le caractère d’un contrat d’entreprise ;
Que la résolution du contrat sur la base de l’article 1184 du Code civil nécessite une inexécution effective ;
Que le premier juge a considéré que l’attitude de [la demanderesse] était constitutive d’une faute contractuelle, en sorte que la décision prise par [la défenderesse] ne s’analyse pas comme une décision motivée par une supposée future inexécution mais comme une inexécution pure et simple ;
Que le rappel des faits milite en faveur de cette solution ;
Qu’il n’est pas discutable que, suite à des dissensions internes, l’essentiel de ce qui constituait le cadre de [la demanderesse] a donné sa démission ;
Que cette situation est connue de [la demanderesse] depuis à tout le moins les 11 et 12 janvier 2002, ainsi qu’il résulte de la citation notifiée par [la demanderesse] à divers anciens intervenants au sein de sa société le 22 janvier 2003 devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Grand-duché de Luxembourg) ;
Que, compte tenu du préavis d’un mois qui a manifestement été notifié, la [demanderesse] n’a pris aucune disposition particulière entre le 25 janvier, date à laquelle elle a rencontré le responsable de [la défenderesse], et le 12 février suivant, date à laquelle elle écrivait qu’elle était disposée à discuter de la question ;
Que cette lettre est d’ailleurs assez significative, dans la mesure où on ne parle que d’obtenir le paiement des rémunérations variables, alors qu’aucun élément concret n’est mis sur pied pour substituer à l’équipe sortante une nouvelle équipe efficace répondant aux souhaits de la [défenderesse] ;
Que l’on peut dès lors comprendre la réaction de [la défenderesse], qui risquait de se voir privée à brève échéance de ce qu’elle considérait, à juste titre, comme un élément important d’exécution de ses procédures intervenant tant sur le plan industriel que commercial ;
Que c’est à tort que [la demanderesse] essaie à l’heure actuelle de minimiser l’importance qu’elle avait acquise au sein de l’entreprise ;
Que le contrat lui-même démontre que les consultants dépêchés par [la demanderesse] intervenaient directement dans l’ensemble des procédures industrielles, que ce soit sur les plans administratif, commercial ou technique ;
Qu’il importe cependant de vérifier si l’initiative prise par [la défenderesse] justifiait le non-respect des dispositions de l’article 1184 du Code civil ;
Que la doctrine classique considère que la mise en oeuvre de l’article 1184 du Code civil exige la mise en demeure préalable et la nécessaire intervention du pouvoir judiciaire (voyez P. Van Ommeslaghe, Les obligations, P.U.B., 2002-2003, pp. 1987/298 et suivantes) ;
Que l’on admet cependant un certain tempérament à cette règle dans le cadre de l’application des articles 1143 et 1144 du Code civil ;
Que, cependant, doctrine et jurisprudence ont fait preuve de beaucoup d’hésitations lorsqu’il s’agissait de se prononcer sur le point de savoir s’il était possible d’être dispensé du recours préalable au juge, en-dehors de toute clause contractuelle expresse (P. Van Ommeslaghe, op. cit., 1985/301) ;
Que, cependant, la Cour de cassation a récemment considéré que la règle suivant laquelle la résolution d’un contrat synallagmatique pour cause de manquements doit être demandée en justice n’empêche pas qu’une partie à un contrat synallagmatique peut décider, de sa propre autorité et à ses propres risques, de ne pas exécuter ses obligations et de notifier à son co-contractant qu’elle considère le contrat comme résolu (voyez Cass., 2 mai 2002 (2 arrêts), R.C.J.B., 2004, pp. 291 et suivantes) ;
Que la Cour précise que l’appréciation de la régularité de cette décision unilatérale est soumise au contrôle du juge par l’introduction ultérieure d’une demande tendant à la résolution judiciaire ;
Que, lors de l’appréciation des conséquences de la résolution et des droits que les deux parties peuvent invoquer, le juge appelé à statuer sur la résolution judiciaire peut décider qu’eu égard aux manquements de son adversaire, la partie co-contractante n’a pas commis de faute en considérant unilatéralement le contrat comme résolu ;
Que, dès 1975, certains auteurs posaient la question s’il n’était pas possible, dans certaines circonstances, en raison des nécessités de la vie des affaires, de faire l’économie du recours préalable au juge – que ce soit pour appliquer l’article 1184 ou l’article 1144 –, les deux institutions étant parallèles et le recours au juge s’expliquant dans les deux cas par un souci de protéger le débiteur en tempérant un créancier qui abuserait des sanctions légales frappant l’inexécution des obligations contractuelles (voyez Examen de jurisprudence, Les obligations, R.C.J.B., 1975, pp. 606, no. 65bis) ;
Que les arrêts de la Cour de cassation ci-dessus cités vont dans la ligne d’une jurisprudence de plus en plus abondante en la matière (voyez Liège, 6 décembre 1985, R.R.D., 1987, p. 11) ;
Que les arrêts de la Cour de cassation du 2 mai 2002 ne précisent cependant pas les conditions dans lesquelles la résolution unilatérale pourrait intervenir ;
Que certains auteurs précisent que les conditions suivantes doivent être requises, à savoir:
– l’existence d’une faute contractuelle d’une suffisante gravité pour justifier la résolution judiciaire de la convention ;
– la mise en demeure préalable permettant au débiteur de s’acquitter de ses engagements dans un délai raisonnable ;
– le créancier de l’obligation doit avoir pris les mesures utiles pour constater les défaillances du débiteur, par voie judiciaire, d’une manière contradictoire ou par tout autre moyen ;
– la notification de la décision doit être claire et sans équivoque ;
– les circonstances dans lesquelles la résolution extra judiciaire peut avoir lieu doivent être exceptionnelles (voyez P. Wery, ‘La résolution unilatérale des contrats synallagmatiques, enfin admise?’, R.C.J.B., 2004, p. 331) ;
Qu’en l’espèce, il a été dit ci-dessus que [la demanderesse] a commis une faute contractuelle, cette faute étant d’ailleurs reconnue dans un acte judiciaire, à savoir la citation notifiée par elle à la société Resultance devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;
Que l’on peut en effet lire ce qui suit:
‘Sur un total de 21 consultants, [la demanderesse] s’est donc retrouvée du jour au lendemain avec un gérant et trois consultants juniors, dont un en congé sans solde, pour assurer ses services de consultance par suite des agissements de Messieurs C. et R. ;
Ces démissions qui ont été provoquées par Messieurs C. et R. ont causé un très grave préjudice à [la demanderesse], cette dernière se trouvant dans l’impossibilité matérielle d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses clients et de sauver sa clientèle et sa réputation, faute de personnel suffisant’ ;
Qu’à l’heure actuelle, [la demanderesse] tend à minimiser l’importance des prestations qu’elle effectuait au sein de la société [défenderesse] ;
Que cette interprétation prise a posteriori du travail confié ne correspond pas à la réalité contractuelle, dans la mesure où il était demandé à [la demanderesse] d’opérer de façon telle qu’il y ait réduction de l’ensemble des frais généraux, du coût de la main-d’oeuvre, de la structure, des niveaux de stocks et encours, qu’il s’agissait en outre de fiabiliser les délais, de raccourcir le temps administratif des offres ;
Que les travaux de consultance portaient dès lors sur l’intégralité de la structure opérationnelle de l’entreprise, les honoraires, et particulièrement les honoraires variables, étant suffisamment importants pour démontrer, s’il en était encore besoin, l’importance de la tâche confiée à [la demanderesse] ;
Qu’il n’est nul besoin de rechercher si [la défenderesse] a procédé à la constatation objective de manquements, dans la mesure où ceux-ci résultent à suffisance des écrits de [la demanderesse] et du contact que l’administrateur délégué de celle-ci a pu avoir avec le responsable de la [défenderesse] le 25 janvier 2002 ;
Qu’à l’occasion de cette rencontre, il ressort du courrier adressé le 12 février 2002 par [la défenderesse] à [la demanderesse] que celle-ci voulait attirer son attention sur le préjudice considérable que l’interruption brutale des prestations des consultants pourrait causer à [la défenderesse] ;
Qu’il s’est écoulé entre le 25 janvier 2002 et le 11 février 2002 suffisamment de temps pour que la [demanderesse] puisse prendre toutes les dispositions utiles pour pourvoir au remplacement des consultants défaillants ;
Que l’on constate que, dans le courrier du 11 février 2002, aucune solution palliative n’est proposée, si ce n’est la proposition d’une discussion sur des dispositions à prendre, alors même que l’on voit mal quelles dispositions pourraient être prises par [la défenderesse], dans la mesure où celle-ci sollicitait l’assistance de consultants, n’ayant aucune obligation de pourvoir à leur défaillance, cette obligation incombant exclusivement à [la demanderesse] ;
Qu’en matière commerciale, une mise en demeure n’est soumise à aucune forme particulière ;
Qu’il suffit qu’il y ait manifestation non équivoque de l’intention d’obtenir l’exécution de l’obligation avec invitation du débiteur à s’exécuter ;
Que les propos tenus lors de la réunion du 25 janvier 2002, repris dans les courriers des 12 et 15 février de [la défenderesse], ne peuvent avoir laissé aucun doute dans l’esprit de la [demanderesse] sur la volonté de mettre fin au contrat, dans la mesure où une équipe n’était pas reconstituée de toute urgence ;
Que, dans son courrier du 26 février 2002, la [demanderesse] n’invoque en aucun cas des mesures palliatives qu’elle aurait mises sur pied en vue de permettre la poursuite du contrat sans heurt ;
Qu’au contraire, la lettre du 26 février 2002 n’a d’autre but que d’obtenir une indemnisation de la part de la [défenderesse], sollicitant l’article 1184 du Code civil, ce à quoi, comme la cour [d’appel] l’a souligné ci-dessus, [la défenderesse] n’était pas tenue, eu égard à la gravité exceptionnelle de la situation ;
Qu’il ne s’agit dès lors pas ici d’anticiper une décision d’inexécution, mais de constater dans le chef de [la défenderesse] que l’exécution était devenue impossible ;
Que l’on ne peut reprocher à un chef d’entreprise normalement diligent et prudent de prendre toutes les dispositions qui s’imposent afin de sauvegarder les intérêts légitimes mis en cause par la faute d’un co-contractant à laquelle il est totalement étranger ;
Que c’est dès lors à bon droit que le jugement entrepris a considéré l’action comme recevable mais non fondée ;
Qu’il y a lieu en conséquence de rejeter la demande incidente de la [demanderesse], qui a pour objet la répétibilité des honoraires de son conseil ».
Griefs
L’arrêt, qui se réfère uniquement à la doctrine et à la jurisprudence belges, fonde les décisions attaquées sur la loi belge et considère ainsi que celle-ci était applicable au litige.
Or, la convention du 6 mars 2001, dont l’exécution faisait l’objet du litige, ne déterminait pas une loi choisie par les parties et l’arrêt ne fait pas état d’une telle détermination.
Cette convention était dès lors régie par la loi du pays avec lequel elle présentait les liens les plus étroits (article 4.1, de la Convention de Rome visé au moyen).
En vertu de l’article 4.2 de la Convention de Rome visé au moyen, cette convention présentait les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de sa conclusion, sa résidence habituelle ou, s’agissant d’une société, son administration centrale.
La prestation caractéristique est celle qui pèse le plus fortement et le plus spécifiquement sur la figure contractuelle en cause.
« La convention du 6 mars 2001 revêt le caractère d’un contrat d’entreprise ».
C’était dès lors la demanderesse, entrepreneur, qui était débitrice de la prestation caractéristique, la rémunération de cette prestation étant considérée comme accessoire.
Il suit de là que la convention du 6 mars 2001 était régie par la loi du Grand-Duché de Luxembourg, pays du siège de la demanderesse, où celle-ci a son administration centrale.
En appliquant la loi belge à cette convention pour trancher le litige qui était soumis à la cour d’appel, sans relever que les parties seraient convenues de le faire régir par une autre loi que celle qui lui était applicable en vertu de l’article 4.1 et 2, visé au moyen, l’arrêt viole les dispositions visées au moyen et spécialement les articles 3.1 et 2, et 4.1 et 2, de la Convention de Rome.
Si l’arrêt devait être interprété comme ayant considéré que les parties auraient tacitement choisi de soumettre leur litige à la loi belge, il aurait violé l’article 3.1 de la Convention de Rome visé au moyen à défaut de relever les circonstances de la cause d’où résulterait ce choix.
Si l’arrêt devait être interprété comme ayant considéré que la demanderesse aurait renoncé à l’application de la loi luxembourgeoise, loi de son siège, normalement applicable, il aurait violé le principe général du droit visé au moyen à défaut de se fonder sur des faits non susceptibles d’une autre interprétation qu’une telle renonciation.
Deuxième moyen
Dispositions légales violées
Articles 1139, 1153, 1154 et 1184 du Code civil belge et, en tant que de besoin, 1139, 1153, 1154 et 1184 du Code civil luxembourgeois, ledit article 1153 tel qu’il a été modifié par la loi luxembourgeoise du 27 mai 1937.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt:
« Dit les appels recevables mais non fondés ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit la demande incidente de la [demanderesse] recevable et non fondée ;
Condamne la [demanderesse] à payer à [la défenderesse] la somme de 466,04 EUR représentant l’indemnité de procédure prévue par l’article 1022 du Code judiciaire »
et, après avoir résumé les antécédents de la cause, reproduit la correspondance échangée entre les parties et résumé les thèses des parties, fonde ces décisions sur les motifs cités au premier moyen, ici tenus pour reproduits, et notamment sur les motifs: « Que la doctrine classique considère que la mise en oeuvre de l’article 1184 du Code civil exige la mise en demeure préalable et la nécessaire intervention du pouvoir judiciaire (voyez P. Van Ommeslaghe, Les obligations, P.U.B., 2002-2003, pp. 1987/298 et suivantes) ;
Que les arrêts de la Cour de cassation du 2 mai 2002 ne précisent […] pas les conditions dans lesquelles la résolution unilatérale pourrait intervenir ;
Que certains auteurs précisent que les conditions suivantes doivent être requises, à savoir:
– l’existence d’une faute contractuelle d’une suffisante gravité pour justifier la résolution judiciaire de la convention ;
– la mise en demeure préalable permettant au débiteur de s’acquitter de ses engagements dans un délai raisonnable », et
« Qu’en matière commerciale, une mise en demeure n’est soumise à aucune forme particulière ;
Qu’il suffit qu’il y ait manifestation non équivoque de l’intention d’obtenir l’exécution de l’obligation avec invitation du débiteur à s’exécuter ;
Que les propos tenus lors de la réunion du 25 janvier 2002, repris dans les courriers des 12 et 15 février de [la défenderesse], ne peuvent avoir laissé aucun doute dans l’esprit de la [demanderesse] sur la volonté de mettre fin au contrat, dans la mesure où une équipe n’était pas reconstituée de toute urgence ».
Griefs
L’arrêt décide que la défenderesse était fondée à déclarer unilatéralement, le 11 février 2002, la résolution de la convention litigieuse du 6 mars 2001, avec effet au 15 février 2002.
Il admet qu’une telle résolution unilatérale devait être précédée d’une mise en demeure mais considère que cette mise en demeure a été effectuée et notifiée verbalement lors d’une réunion du 25 janvier 2002.
Or, il résulte des dispositions du Code civil belge visées au moyen que la mise en demeure doit nécessairement consister en un acte écrit.
La même solution s’impose aux termes des articles du Code civil luxembourgeois que le moyen vise en tant que de besoin.
En décidant qu’en matière commerciale, une mise en demeure n’est soumise à aucune forme particulière et peut être faite verbalement, l’arrêt viole dès lors les articles du Code civil belge visés au moyen et spécialement les articles 1139 et 1184 de ce code.
Si l’arrêt avait entendu – quod non – appliquer le droit luxembourgeois, il aurait pareillement violé les articles du Code civil luxembourgeois que le moyen vise en tant que de besoin, et spécialement ses articles 1139 et 1184.
Troisième moyen
Dispositions légales violées
– articles 1142, 1147, 1149 et 1184 du Code civil belge et, en tant que de besoin, 1142, 1147, 1149 et 1184 du Code civil luxembourgeois ;
– article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt:
« Dit les appels recevables mais non fondés ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit la demande incidente de la [demanderesse] recevable et non fondée ;
Condamne la [demanderesse] à payer à [la défenderesse] la somme de 466,04 EUR représentant l’indemnité de procédure prévue par l’article 1022 du Code judiciaire » et, après avoir résumé les antécédents de la cause, reproduit la correspondance échangée entre les parties et résumé les thèses des parties, fonde ces décisions sur les motifs cités au premier moyen, ici tenus pour reproduits, et notamment sur les motifs «
Que l’on peut dès lors comprendre la réaction de [la défenderesse], qui risquait de se voir privée à brève échéance de ce qu’elle considérait, à juste titre, comme un élément important d’exécution de ses procédures tant sur les plans industriel que commercial » et
« Qu’il n’est nul besoin de rechercher si [la défenderesse] a procédé à la constatation objective de manquements, dans la mesure où ceux-ci résultent à suffisance des écrits de [la demanderesse] et du contact que l’administrateur délégué de celle-ci a pu avoir avec le responsable de la [défenderesse] le 25 janvier 2002 ;
Qu’à l’occasion de cette rencontre, il ressort du courrier adressé le 12 février 2002 par [la défenderesse] à [la demanderesse] que celle-ci voulait attirer son attention sur le préjudice considérable que l’interruption brutale des prestations des consultants pourrait causer à [la défenderesse] ».
Griefs
L’article 1184 du Code civil constitue une sanction de la responsabilité contractuelle.
La résolution d’un contrat synallagmatique pour inexécution fautive suppose dès lors que cette inexécution ait causé un préjudice à la partie, victime de l’inexécution.
L’arrêt, en relevant que la défenderesse en cassation « risquait de se voir privée à brève échéance » d’un élément important d’exécution de ses procédures ainsi que « le préjudice considérable que l’interruption brutale des prestations des consultants pourrait causer » à la défenderesse, constate, par là même, qu’au jour où elle avait prononcé unilatéralement la résolution de la convention du 6 mars 2001, la défenderesse n’avait pas subi un préjudice certain mais uniquement le risque d’un préjudice éventuel.
L’arrêt, en décidant que la demande originaire de la demanderesse était non fondée, au motif que la défenderesse avait pu légalement considérer le contrat du 6 mars 2001 comme résolu, viole dès lors les dispositions du Code civil belge visées au moyen, relatives à la responsabilité contractuelle, et spécialement l’article 1184 de ce code.
Cette illégalité existe tant au regard des dispositions du Code civil belge que, pour autant que de besoin, des dispositions du Code civil luxembourgeois visées au moyen.
A tout le moins, l’arrêt laisse incertain s’il considère que, au jour où elle a prononcé unilatéralement la résolution du contrat, la défenderesse avait subi un préjudice certain ou si, à ce jour, elle ne justifiait que du risque d’un préjudice éventuel.
L’arrêt étant illégal dans cette seconde interprétation, il suit de l’ambiguïté qui l’affecte sur ce point qu’il n’est pas régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).
Quatrième moyen
Disposition légale violée
Article 149 de la Constitution Décisions et motifs critiqués L’arrêt:
« Dit les appels recevables mais non fondés ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit la demande incidente de la [demanderesse] recevable et non fondée ;
Condamne la [demanderesse] à payer à [la défenderesse] la somme de 466,04 EUR représentant l’indemnité de procédure prévue par l’article 1022 du Code judiciaire »
et, après avoir résumé les antécédents de la cause, reproduit la correspondance échangée entre les parties et résumé les thèses des parties, fonde ces décisions sur les motifs cités au premier moyen, ici tenus pour reproduits, lesquels considéraient que la défenderesse avait légalement exercé son droit de rompre unilatéralement le contrat de consultance du 6 mars 2001.
Griefs
Dans ses conclusions additionnelles et de synthèse prises devant la cour d’appel, la demanderesse avait fait valoir:
« Que la première condition qu’exigent la doctrine et la jurisprudence pour admettre qu’un maître de l’ouvrage puisse résilier un contrat unilatéralement et sans l’intervention du juge est l’urgence procédant d’une inexécution grave ;
Que [la défenderesse], suivie en cela par le premier juge, reproche à [la demanderesse] de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour remédier à la démission des consultants en charge de la mission, de telle sorte qu’une nouvelle équipe puisse être mise en place ‘sans temps mort’ alors que le plus minime retard dans la poursuite du contrat eût été catastrophique pour [la défenderesse] ;
Que [la défenderesse] en déduit qu’il y avait entre le 25 janvier et le 12 février 2002 urgence de résilier le contrat de consultance qu’elle avait conclu avec [la demanderesse] en raison d’une inexécution grave ;
a) Sur l’urgence
26. Que dans ses conclusions, principales et additionnelles, [la défenderesse] entend justifier l’urgence de dénoncer le contrat par des motifs tels que:
– [la demanderesse] ‘avait pris une place stratégique dans la [défenderesse], elle planifiait toutes les commandes et établissait les plannings dans les services commerciaux, techniques, achats, production et expédition’ ;
– ‘si personne n’était là pour assurer la survie de cette mission le 18 février 2002, c’était toute l’activité de la [défenderesse] qui était mise en danger’ ;
– ou que la carence de [la demanderesse] ‘était susceptible de causer à la [défenderesse] un dommage pouvant atteindre plusieurs millions et pouvant réduire à néant tout le travail de réorganisation effectué jusque-là’ ;
– ‘en pratique, au moment où s’est produite la résiliation, les consultants de [la demanderesse] avaient effectivement une place plus qu’importante au sein de la [défenderesse] et la [défenderesse] se serait retrouvée en très mauvaise position si de nouveaux ingénieurs non formés à l’environnement de l’entreprise avaient pris le relais’ ;
27. Que ces propos
– quelque peu grandiloquents – sont inexacts et paradoxaux ;
Que [la défenderesse] affirme des choses fausses et dénature totalement pour les besoins de la cause l’objet de la convention du 6 mars 2001 ;
28. Que, comme [la demanderesse] l’a déjà exposé, le contrat du 6 mars 2001 est un contrat de consultance, c’est-à-dire un contrat qui a pour objet de proposer et de mettre en place de nouvelles procédures de fonctionnement ou d’amélioration des procédures existantes, afin d’améliorer la performance de l’entreprise cliente ;
Qu’ainsi, aux termes mêmes du contrat du 6 mars 2001, la mission de [la demanderesse] devait ‘intervenir sur une période de 18 mois. La première année sera axée sur la mise en place d’un référentiel, la construction des outils de gestion et coaching sur le terrain pour dégager les simplifications administratives et obtenir les gains quantitatifs et qualitatifs. Les six mois suivants permettront d’assurer la pérennité des actions et des outils mis en place mais surtout de profiter des gains et des outils développés au cours de la première année afin de générer une augmentation substantielle du volume d’activité’ ;
Que ce contrat ne peut être assimilé à un contrat d’intérim, par lequel [la demanderesse] prendrait en charge la gestion de [la défenderesse], ainsi que semble l’avoir cru le premier juge et que [la défenderesse] elle-même tente de le faire croire à la cour [d’appel] ;
Que le contrat du 6 mars 2001 ne prévoit ainsi ni explicitement ni implicitement que [la demanderesse] devrait en quelque sorte se substituer aux gestionnaires de [la défenderesse] au point d’occuper ‘une place stratégique’ dans la gestion de l’entreprise en vue d’assurer au quotidien des missions de gestion de la production, des services commerciaux ou d’autres types de services ;
Que [la défenderesse] n’apporte d’ailleurs pas la preuve qu’en pratique tel ait été le cas ;
Que même si les consultants de [la demanderesse] avaient acquis au fil du temps ‘une connaissance particulièrement fouillée de [la défenderesse]’ et même s’ils ‘avaient obtenu le respect des délégations syndicales par l’attitude et la connaissance qu’ils avaient de l’entreprise’, leur rôle et leur fonction n’a jamais été de gérer [la défenderesse] ;
Qu’en d’autres termes, les consultants de [la demanderesse] n’ont jamais joué au sein de [la défenderesse] le ‘rôle de premier plan’ dans la gestion proprement dite que cette dernière entend leur faire jouer, sans d’ailleurs le prouver ;
Qu’en expliquant ainsi la portée et l’objet exact du contrat de consultance conclu entre [la défenderesse et la demanderesse], cette dernière ne tente absolument pas de minimiser le rôle que ses ingénieurs avaient pris au sein de [la défenderesse], ainsi que celle-ci le prétend ;
Que [la demanderesse] souhaite au contraire recentrer le débat et éviter toute confusion, en expliquant que [la demanderesse] ne remplissait qu’un rôle de consultant et que [la défenderesse] restait, quant à elle, gérée par ses propres dirigeants et membres du personnel ;
29. Que, du reste, [la défenderesse] est l’un des leaders mondiaux dans le pompage des acides phosphoriques et sulfuriques ;
Qu’elle exporte 60 p. c. de sa production dans plus d’une centaine de pays et réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 62 millions d’EUR ;
Qu’elle emploie pour ce faire plus de 240 personnes ;
Qu’il est dès lors dérisoire de tenter de faire croire à la cour [d’appel] que, si les six consultants de [la demanderesse] ‘n’étaient plus là pour assurer le suivi de cette mission le lundi 18 février 2002, c’était toute l’activité de la [défenderesse] qui était mise en danger’ ou que ‘la [défenderesse] se serait retrouvée en très mauvaise position si de nouveaux ingénieurs non formés à l’environnement de l’entreprise avaient pris le relais’ ;
Qu’en outre, si la présence quotidienne des six consultants avait été réellement nécessaire pour que l’activité de [la défenderesse] ne soit pas mise en danger, [la demanderesse] ne se serait pas limitée aux honoraires mensuels prévus par le contrat ;
Que les montants dont question (soit 12.395 EUR par mois pour six ingénieurs pour les douze premiers mois et 9.915 EUR pour les six derniers mois) seraient en effet peu élevés pour des personnes ‘clefs’ dans une entreprise aussi importante que [la défenderesse] ;
30. Que, toujours pour justifier l’urgence et dénoncer le contrat, [la défenderesse] soutient que la prétendue faute de [la demanderesse] de ne pas avoir veillé à mettre sur pied une nouvelle équipe opérationnelle dès le 18 février 2002 était susceptible (EMB est effectivement incapable de démontrer que la prétendue faute aurait nécessairement causé un dommage) de causer un dommage pouvant atteindre plusieurs millions et pouvant réduire à néant tout le travail de réorganisation effectué jusque-là ;
Que, toutefois, [la défenderesse] omet de relever que la mission de [la demanderesse] devait être accomplie pendant une période de dix-huit mois et qu’au moment de la prétendue faute, il restait encore six mois à courir ;
Que, comme [la demanderesse] va le démontrer, il eût été aisé de récupérer un éventuel retard dans l’accomplissement de la mission ;
Qu’il est également inexact d’affirmer, comme le fait [la défenderesse], que la prétendue faute de [la demanderesse] l’empêchait de bénéficier sans délai des gains quantitatifs et qualitatifs à la base de la convention du 6 mars 2001 ;
Que ce bénéfice généré par une augmentation substantielle du volume d’activité n’était contractuellement prévu qu’au cours des six derniers mois ;
31. Que, pour encore justifier la prétendue faute de [la demanderesse], [la défenderesse] tente de faire croire à la cour [d’appel] que la présence des consultants de [la demanderesse] sur le site de l’usine devait être permanente sous peine de catastrophe ;
Que rien n’est plus faux ;
Qu’il suffit pour s’en convaincre de se référer aux écrits mêmes de [la défenderesse] selon lesquels, ‘durant le mois de préavis presté par les dix ingénieurs démissionnaires, l’équipe en place a presté plus de cent jours/ingénieurs’ ;
Qu’un simple calcul fait apparaître que durant ce mois qualifié de ‘période charnière’, chaque ingénieur a travaillé chez [la défenderesse] dix jours, soit moins qu’un mi-temps ;
Que, dès lors, à supposer que le remplacement de l’équipe en place par une nouvelle équipe eût entraîné du retard – quod non -, il eût été aisé d’augmenter le nombre de prestations pour rattraper ce retard ;
Que cette augmentation des prestations était parfaitement possible puisque, ainsi que l’insinue avec malveillance [la défenderesse], [la demanderesse] a, à cette époque, perdu d’autres contrats ;
Qu’il est à cet égard piquant de constater que, pour répondre à cet argument et démontrer la prétendue place prise par les consultants de [la demanderesse] au sein de [la défenderesse], cette dernière modifie sa version des faits et prétend que l’équipe ne comptait que six ingénieurs et que ‘cela faisait en moyenne seize jours par consultant sur le mois’ ;
Qu’on ne peut toutefois en déduire, comme le fait [la défenderesse], qu’il s’agit là d’une ‘nouvelle preuve de l’implication permanente de [la demanderesse] dans l’organisation de la [défenderesse]’ ;
Que les consultants ne faisaient rien d’autre qu’exécuter le contrat de consultance dans la mesure décrite ci-avant, sans pour autant que leur présence ou leur absence physique n’ait d’influence sur l’organisation opérationnelle de la société, puisque, selon leur fonction, ils ne faisaient pas partie de cette organisation (les consultants de [la demanderesse] n’apparaissent ainsi pas sur l’organigramme de [la défenderesse] ».
La demanderesse soutenait ainsi, de manière circonstanciée, que le remplacement de l’équipe en place par une nouvelle équipe, eût-il même entraîné un retard – quod non -, encore un tel retard dans l’accomplissement de sa mission eût-il été aisé à récupérer durant les six mois d’exécution du contrat qui restaient à courir et que, par suite, il n’existait aucune urgence susceptible de justifier une résolution unilatérale de ce contrat.
L’arrêt ne donne aucune réponse à cette défense circonstanciée et n’est, par suite, pas régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).
La décision de la Cour
Sur le premier moyen:
Le moyen repose sur l’affirmation, invoquée pour la première fois devant la Cour, que la demanderesse, dont l’administration centrale était établie au Grand-duché de Luxembourg, était débitrice de la prestation caractéristique, de sorte que la convention conclue entre les parties était régie par la loi luxembourgeoise.
Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, notamment que
– les parties n’ont pas fait choix de la loi belge, ainsi que le prévoit l’article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980,
– la prestation caractéristique du contrat liant les parties a été fournie par le principal établissement de la demanderesse, ainsi que la demanderesse le soutient pour justifier l’application de la présomption prévue à l’article 4.2 de cette convention,
– le contrat ne présente pas de liens plus étroits avec la Belgique qu’avec le Grand-duché de Luxembourg justifiant que la présomption visée au paragraphe 4.2 précité soit écartée.
Le moyen, qui obligerait la Cour à vérifier ces éléments de fait, est, comme le soutient la défenderesse, irrecevable.
Sur le deuxième moyen:
En vertu de l’article 1139 du Code civil belge, qu’applique l’arrêt, le débiteur est constitué en demeure par une sommation ou par un autre acte équivalent ; par acte équivalent, il y a lieu d’entendre tout acte contenant une interpellation dont le débiteur a dû nécessairement induire qu’il était mis en demeure d’exécuter son obligation.
Le moyen, qui soutient que la mise en demeure doit, en matière commerciale, nécessairement consister en un acte écrit, manque en droit.
Sur le troisième moyen:
Contrairement à ce que soutient le moyen, la résolution d’un contrat synallagmatique pour inexécution fautive fondée sur l’article 1184 du Code civil belge, qu’applique l’arrêt, ne suppose pas, en règle, que la victime de l’inexécution ait déjà subi un dommage au jour de la résolution.
Le moyen manque en droit.
Sur le quatrième moyen:
Par les motifs reproduits au moyen et, particulièrement, par les considérations « que les travaux de consultance [de la demanderesse] portaient sur l’intégralité de la structure opérationnelle de l’entreprise [de la défenderesse] », « qu’il s’est écoulé entre le 25 janvier 2002 et le 11 février 2002 suffisamment de temps pour que [la demanderesse] puisse prendre toutes les dispositions utiles pour pourvoir au remplacement des consultants défaillants », « que, dans le courrier du 11 février 2002, aucune solution palliative n’est proposée » et que la défenderesse « risquait de se voir privée à brève échéance de ce qu’elle considérait, à juste titre, comme un élément important d’exécution de ses procédures intervenant tant sur le plan industriel que commercial », l’arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions de la demanderesse qui faisait valoir qu’il n’y avait pas urgence à résilier le contrat de consultance.
L’arrêt n’était pas tenu de répondre, en outre, à chacun des arguments formulés par la demanderesse, qui ne constituaient pas des moyens distincts.
Le moyen ne peut être accueilli.