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Résumé de la décision Une société belge et une société française avaient conclu un contrat d’entreprise. A la suite d’un litige, la société belge saisit les juridictions belges en paiement du prix d’entreprise. La société française souleva l’exception d’incompétence du juge saisi. Déboutée en première instance, elle fit appel et affirma que la prestation caractéristique d'un contrat d'entreprise (le travail à réaliser) étant située en France, les juridictions françaises étaient compétentes.
La Cour d’appel de Mons (BE) déclare les juridictions belges incompétentes pour connaître du litige. Elle affirme que la juridiction compétente doit être déterminée en vertu de l’art. 5 no. 1 de la Convention de Bruxelles. Elle constate d’abord qu’on ne peut pas parler ici de prestation caractéristique, l’obligation litigeuse n’étant que celle de payer le prix de l’entreprise. Le lieu d’exécution de cette obligation doit être déterminé au moyen du droit français, ici applicable, qui pose le principe de quérabilité des dettes, à défaut d'accord dérogatoire entre parties quant au lieu du paiement. À cet égard, la Cour rappelle qu'il faut se garder de confondre de simples modalités ordinaires mises spontanément en pratique par les parties, avec des conventions dérogatoires certaines mais tacites et constituant une obligation pour les parties. En particulier, le seul fait de procéder à un paiement par virement bancaire sur un compte belge n'est pas nécessairement révélateur – en l'absence de circonstances plus significatives entourant cette opération – d'une acceptation du caractère portable de la dette. Le lieu d’exécution de l’obligation litigeuse étant situé en France, les tribunaux belges sont donc incompétents.
Attendu qu'il résulte de l’arrêt précité qu'il y a lieu de faire application de l’art. 5-1° de la convention du 27 septembre 1968.
Attendu que le lieu où doit être exécutée l’obligation qui sert de base à l’action judiciaire (selon les termes dudit art. 5-1) doit être déterminé en conformité avec la loi applicable au contrat qui a fait naître cette obligation.
Attendu que comme l’admettent les parties, pour déterminer la loi nationale applicable, il faut rechercher quelle est la prestation caractéristique du contrat ; que l’obligation de payer le prix de l’entreprise, donc le montant des factures, n'est pas la prestation caractéristique d'un contrat d'entre- prise ; que ce qui caractérise un tel contrat, c'est son objet, le travail à réaliser, donc le chantier ; qu'en l’espèce celui-ci est unique et se situe en France ; qu'à défaut d'un autre choix certain des parties (il ne peut être tenu compte d'une intention seulement probable) c'est la loi française qui s'y applique.
Attendu que l’art. 5-1 de la convention du 27 septembre 1968 ne se réfère pas à la prestation caractéristique du contrat, mais bien au lieu où doit être exécutée l’obligation qui sert de base à l’action judiciaire, c'est-à-dire en l’espèce l’obligation de payer le prix.
Attendu que l’argumentation de la SA Sudry International équivaut à soutenir qu’un contrat d’entreprise ne fait naitre qu’une seule obligation, coïncidant avec l’obligation caractéristique dudit contrat ; que cette argumentation ne peut qu'être écartée dans un contexte où il n'y a même pas pluralité d'obligations litigieuses (voir commentaire( de l’arrêt de B1005 : GOTHOT-HO1LEAUY La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, n°65 Page 32 ; BORN et FALLON, Chronique de droit judiciaire international ; J.T. 1987 Page 474, n°2.2 et 33) ;
Attendu qu'il reste à rechercher le lieu d'exécution de l’obligation de paiement du prix de l’entreprise ; que comme l’admettent d'ailleurs l’une et l’autre des parties, en droit français (comme en droit belge) le principe est celui de la quérabilité des dettes, à défaut d'accord dérogatoire entre parties quant au lieu du paiement ;
Attendu que de telles dérogations conventionnelles peuvent être implicites, pour autant qu'elles soient certaines (on se trouve en effet dans un contexte étranger à l’art. 17 de la convention de Bruxelles) ;
Attendu qu'il faut se garder de confondre de simples modalités ordinaires mises spontanément en pratique par les parties, avec des conventions dérogatoires certaines mais tacites, et constituant une obligation pour les parties ; que le seul fait de procéder à un paiement par virement bancaire est banal et n'est pas nécessairement révélateur – en l’absence de circonstances plus significatives entourant cette opération – d'une acceptation du caractère portable de la dette, même s'il est vrai que juridiquement (en droit français comme en droit belge), le paiement par transfert bancaire est censé réalisé au lieu où le bénéficiaire est crédité du montant transféré (sur le virement en droit français, voir encyclopédie DALLOZ, Publicité commerciale IV – virement n°104 avec diverses références) ;
Attendu que le seul fait qu'il y ait eu plusieurs paiements de factures au compte belge renseigné par l’intimée à l’appelante este ä lui seul, insuffisamment révélateur d'une volonté certaine dérogatoire au caractère quérable de la dette ; que n'est pas plus révélateur l’usage de la monnaie belge dès l’offre initiale ;
Attendu que l’intimée entend tirer argument de ses conditions générales de facturation ; eue 'appelante conteste que lesdites conditions générales soient entrées dans le champ contractuel.
Attendu que pour que des conditions générales soient entrées dans le champ contractuel, il faut qu'elles aient été accepté par des parties lors de la formation du contrat ; que ce n'est pas ultérieurement, lors de la transmission le cocontractant doit constater l’existence de telles conditions générales ; que l’acceptation des factures fait uniquement preuve des conditions essentielles du contrat, c'est-à-dire son objet et son prix tel que mentionné dans lesdites factures.
Attendu qu'en l’espèce, rien ne permet de considérer que les conditions générales reprises au dos des factures ont été acceptées par l’appelante dés la formation du contrat ; qu'au contraire, l’examen de l’offre et des « conditions générales de base prévues... » révèle que l’on n'y trouve pas la reproduction de ce qui figurera ultérieurement au dos des factures ni une référence quelconque à-des .conditions complémentaires supposées connues par suite de relations antérieures ; que les « conditions générales de base » donne certaines précisions quant aux-modalités de paiement mais pas quant au lieu ;
Attendu enfin que sont sans utilité pour la solution du présent litige les références que fait la partie intimée à la convention de Rome du 19 juin 1980 ;
Attendu que le lieu d'exécution de l’obligation litigieuse étant resté en France, à défaut de convention contraire, les Tribunaux belges sont incompétents ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR STATUANT CONTRADICTOIREMENT,
Vu l’art. 24 de la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues.
Met à néant le jugement entrepris et réformant
Dit pour droit que les Tribunaux belges sont incompétents pour connaître du présent litige ;