LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 13 mars 1996 par la cour d'appel de Mons;
Sur le moyen pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 19, alinéa 1er, 23 à 28 du Code judiciaire, 6, 1134, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 1152 du Code civil luxembourgeois, 1er, 3, paragraphe 1er, 7, paragraphe 1er, de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du protocole et de deux déclarations communes faits à Rome le 19 juin 1980, 3, paragraphe 1er, et 7, paragraphe 1er, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, de la notion d'ordre public international belge et du principe général du droit selon lequel les tribunaux connaissent la loi, y compris la loi étrangère (adage "jura novit curia"), en ce que, après avoir, dans son arrêt du 22 mars 1995, relevé que: "cette même convention (le contrat de location du 22 février 1990) a été expressément soumise à la loi luxembourgeoise (article 16)" (p. 6); et constaté "le choix contractuel de la loi luxembourgeoise comme loi applicable" (p. 9), la cour d'appel a considéré, dans l'arrêt attaqué: "qu'il échet de vérifier d'office si la clause précitée figurant à l'article 13 de la convention et en vertu de laquelle (la demanderesse) prétend au paiement de la somme de 1.208.640 FF, correspondant aux 24 loyers à échoir au jour de la résolution du contrat, majorée des intérêts au taux légal à dater du 5 décembre 1991, est contraire à l'article 6 du Code civil; qu'il résulte du caractère forfaitaire de la clause pénale qu'il appartient au juge d'apprécier, dans chaque cas, si la clause qui lui est soumise possède un caractère indemnitaire; que tel n'est pas le cas si l'indemnité forfaitaire dépasse le dommage normalement prévisible au moment de la conclusion du contrat pour le cas où celui-ci ne serait pas correctement exécuté, en manière telle qu'elle est susceptible de procurer au créancier un bénéfice hors de proportion avec celui qu'il aurait retiré de l'exécution normale du contrat et que ce créancier aurait partant, dès l'origine, intérêt à l'inexécution du contrat plutôt qu'à son exécution; que la légalité d'une telle clause doit, compte tenu de la nature et de l'objet de pareille clause, être appréciée en se plaçant au moment de la conclusion du contrat de sorte qu'il n'appartient pas au juge de rechercher si, dans les faits, la clause pénale a abouti à accorder au demandeur des dommages et intérêts plus importants que ceux auxquels il aurait pu prétendre en droit commun;que c'est donc de manière en tout cas non déterminante que (la demanderesse) tente de justifier que le montant prévu par la clause pénale correspond au dommage qu'elle a, en l'espèce, réellement subi en n'ayant pu récupérer le véhicule donné en location qu'en mars 1993, soit 20 mois après la date de la résolution de la convention; (...) que néanmoins, force est de relever que la clause litigieuse, en ne tenant compte d'aucune manière, quoi qu'il puisse advenir, de la valeur de revente de l'objet repris par le bailleur, offre de ce fait au créancier la possibilité de trouver plus d'avantages à la défaillance de son debiteur qu'à l'exécution normale du contrat; qu'ainsi conçue, la clause litigieuse ne satisfait pas aux critères de la clause indemnitaire licite; qu'en l'espèce la clause litigieuse est d'autant moins acceptable que celle-ci s'insère dans un contrat ayant pour objet la location d'un véhicule automobile neuf, matériel ne présentant aucune adaptation particulière à des besoins spécifiques du locataire et qu'il pouvait dès lors être prévu dès l'origine qu'en cas de restitution de ce bien au cours de la location d'une durée contractuelle de 42 mois, celui-ci pourrait être revendu par le bailleur, à son profit, pour un prix non négligeable; que de façon générale, une clause qui stipule, en cas de défaillance du locataire (ou du lessee dans le cas d'un contrat de leasing), le paiement au bailleur (ou au lessor) d'une indemnité forfaitaire égale au solde des loyers à échoir, majorée, le cas échéant, de la valeur résiduelle convenue du matériel financé, sous déduction du prix de réalisation du matériel, paraît être la seule susceptible d'évaluer de façon forfaitaire et raisonnable le dommage à prévoir ne cas d'inexécution du contrat; (...) qu'en l'espèce, la clause qui prévoit, en cas de résiliation du contrat de location, le paiement en une seule fois de tous les loyers restant à échoir sans opérer la déduction du prix de réalisation du véhicule repris, est dépourvue de caractère indemnitaire et est, par conséquent, nulle car contraire à l'article 6 du Code civil", alors que, première branche, l'arrêt laisse incertain le point de savoir si la cour d'appel a considéré que la clause pénale était nulle pour cause de contrariété à:
– l'article 6 du Code civil belge, décidant ainsi que le contrat était soumis au droit belge (première hypothèse);
– l'article 6 du Code civil luxembourgeois, confirmant ainsi que le contrat était bien soumis au droit luxembourgeois, comme elle l'a constaté dans son arrêt du 22 mars 1995 (deuxième hypothèse);
– l'ordre public international belge, confirmant ainsi que le contrat était bien soumis au droit luxembourgeois, mais écartant celui-ci en raison du fait que son application serait contraire à l'ordre public international belge (troisième hypothèse);
que cette ambiguïté dans les motifs ne permet pas à la Cour de contrôler l'exactitude de la décision entreprise et qu'elle équivaut à l'absence de motif (violation de l'article 149 de la Constitution); cinquième branche, dans la première hypothèse envisagée à la première branche du moyen, l'arrêt n'a pu apprécier la validité de la clause pénale figurant à l'article 13 du contrat par rapport au droit belge sans violer le principe de la convention-loi, l'article 16 du contrat prévoyant que "toutes les contestations relatives à l'exécution et à l'interprétation du présent contrat seront soumises aux tribunaux de Luxembourg qui seront seuls compétents pour les trancher. Le présent contrat est régi par la loi luxembourgeoise", et la règle de conflit de lois consacrée par l'article 3, paragraphe 1er, de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du protocole et de deux déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980, et l'article 3, paragraphe 1er, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles;
Quant à la cinquième branche:
Attendu qu'en vertu de l'article 3, para. 1er, de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du protocole et de deux déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties;
Attendu qu'il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la cour d'appel a constaté, dans un précédent arrêt du 22 mars 1995, que le contrat conclu entre les parties le 22 février 1990 était soumis à la loi luxembourgeoise; Que l'arrêt attaqué considère qu'il convient de vérifier si la clause pénale insérée à l'article 13 dudit contrat "est contraire à l'article 6 du Code civil";
Attendu qu'en examinant la validité de la clause pénale selon le droit belge et en prononçant la nullité de cette clause en application de ce droit, alors que le contrat est soumis à la loi luxembourgeoise, l'arrêt viole la disposition légale précitée;
Que le moyen, en cette branche, est fondé;