Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :
Premier moyen:
Dispositions légales violées
• arts. 3.1 et 3.3 de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936 ;
• pour autant que de besoin, arts. 1er, 55 et 56 de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle qu'elle était en vigueur avant l'entrée en vigueur du Règlement CE no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
• art. 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt déclare applicable au litige qui lui est soumis la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936, et ne répond pas aux conclusions de la demanderesse relatives à l'inapplicabilité de cette convention.
Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits, en particulier par les motifs suivants :
« A l'audience de plaidoiries du 3 mai 2007, la cour [d'appel] s'est interrogée sur l'objet de l'appel, dès lors que le premier juge n'avait statué que sur les mérites de la convention de Bruxelles, renvoyant la cause pour le surplus en réouverture des débats, et que [la défenderesse] renonçait aux moyens tirés de cette convention, non applicable au cas d'espèce, [la défenderesse] étant une autorité publique qui s'oppose à des personnes privées (C.J.C.E., aff. 29/76, 14 octobre 1976, Lufttransportunternehmen/Eurocontrol, Rec., 1976.1541).
Il fut convenu que les parties concluraient sur l'objet de l'appel et leurs conclusions ne contiennent qu'un moyen tiré de l'évocation de la cause par la cour [d'appel] pour statuer actuellement sur la contestation sur l'application de la convention de 1934.
La demande d'évocation de l'ensemble du litige ne souffre pas de critiques.
Recevabilité de la cause.
La convention bilatérale entre le Royaume-Uni et la Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, accompagnée d'un protocole, signée à Bruxelles le 2 mai 1934, s'applique sans les limites imposées par la convention de Bruxelles. En effet, dans son arrêt du 14 juillet 1977 (no. 61977J0009), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que l'art. 56, al. 1er, de la convention de Bruxelles ne fait pas obstacle à ce qu'une convention bilatérale continue de produire ses effets pour les décisions qui, sans relever de l'art. 1er, al. 2, de la convention (état des personnes, successions, régimes matrimoniaux, faillites et concordats, sécurité sociale, arbitrage), sont exclues de son champ d'application.
[La défenderesse] invoque l'autorité de chose jugée des jugements prononcés en Angleterre.
Selon l'art. 3.3 de la convention de 1934, « la reconnaissance d'un jugement en vertu du para. (1) du présent article implique que ce jugement sera traité comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties (partie gagnante et partie condamnée) quant à l'objet du jugement dans toute action ultérieure et, quant à cet objet, pourra être opposé par elle comme une exception dans toute nouvelle action intentée pour le même motif'.
La convention de 1934 a donc la même portée que l'art. 23 du Code judiciaire. Il requiert l'identité de parties, l'identité d'objet et l'identité de cause, laquelle suppose la comparaison entre ce qui a été antérieurement jugé avec ce qui est actuellement demandé à l'aune de la même norme juridique : la chose dont l'autorité est invoquée n'a pu être jugée que sur le fondement des faits juridiquement qualifiés et appréciés par le juge en vertu des règles de droit applicables (de Leval, Eléments de procédure civile, 2e éd., Larcier, 2005, pp. 248 et 249, no. 171 C.).
Les actions concernent, en l'espèce, les mêmes parties, tendent à la réparation du même dommage et sont fondées sur une même base aquilienne.
En effet :
• [la demanderesse] a invoqué en son writ of summons et en son statement of claim du 9 novembre 1993 que la saisie de l'aéronef depuis le 12 novembre [lire : 22 octobre] 1993 constituait un abus du pouvoir conféré par la régulation 11 ou un exercice non fondé ou illicite et non valable de ce pouvoir ;
• le juge D. a considéré qu'il existait des disparités entre les régulations et l'Accord multilatéral ; ce jugement est le support du rejet de la demande ;
• dans la cause belge, introduite le 1er août 1995, [la demanderesse] reproche à [la défenderesse] d'être sortie des compétences que lui attribue l'Accord multilatéral relatif aux redevances de route, fait à Bruxelles le 12 février 1981, et d'avoir utilisé la procédure anglaise pour réaliser une saisie illicite, alors que, selon l'art. 13 de l'Accord multilatéral, [la défenderesse] devait poursuivre le recouvrement des redevances de route en Turquie, mais elle n'a jamais soulevé l'incompétence des tribunaux anglais devant ceux-ci.
Les mêmes arguments concernant la recherche de l'exploitant et la licéité de la saisie – qui se distingue d'une action en recouvrement – devraient être débattus par la cour [d'appel].
Il convient, par conséquent, de refuser en Belgique ce débat qui a déjà eu lieu à Londres, au demeurant sans faire l'objet d'un appel. L'exception d'autorité de chose jugée est fondée ».
GRIEFS
Première branche
Dans ses conclusions « finales coordonnées remplaçant toutes autres », la demanderesse énonçait :
« La convention de 1934 ne s'applique qu'aux matières auxquelles la convention de Bruxelles de 1968 n'est pas applicable
Comme la convention de Bruxelles de 1968 qui l'a partiellement abrogée (voir ci-après), la convention bilatérale de 1934, en vertu de son art. 3 (1), ne concerne que « les jugements prononcés en matière civile ou commerciale ». La [demanderesse] a démontré ci-dessus que la notion de « matière civile et commerciale », telle qu'il faut la comprendre dans le cadre de la convention de Bruxelles de 1968, ne recouvrait pas l'objet du présent litige, principalement parce que [la défenderesse] a agi dans l'exercice de la puissance publique.
L'on peut se demander si la convention de 1934, qui constitue un des modèles sur lesquels la convention de Bruxelles de 1968 a été construite, peut appliquer une notion plus large de « matière civile ou commerciale ».
Le juge de première instance a justement relevé que la convention de 1934 n'avait pas vocation à s'appliquer en dehors des matières civiles et commerciales, notion qui n'est pas définie par ladite convention.
L'absence de définition des notions 'civil' et 'commercial' dans la convention de 1934 est cependant réparée par la convention de Bruxelles de 1968 qui, comme exposé ci-après, a partiellement abrogé la convention de 1934. L'on verra ci-après qu'en réalité le champ d'application de la convention de 1934 se trouve clairement défini.
En vue de contribuer à la création d'un espace judiciaire européen, les Etats membres ont ratifié la convention de Bruxelles de 1968. Cette dernière est d'une importance capitale dans le domaine du droit judiciaire.
La convention de Bruxelles règle désormais une matière qui était auparavant soumise à diverses conventions bilatérales ou multilatérales entre les différents Etats membres des Communautés européennes.
C'est donc fort logiquement que l'art. 55 de la convention de Bruxelles dispose que ladite convention « remplace entre les Etats qui y sont parties les conventions conclues entre deux ou plusieurs de ces Etats, à savoir : (...) la convention entre le Royaume-Uni et la Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, accompagnée d'un protocole, signée à Bruxelles le 2 mai 1934 ».
L'abrogation des anciennes conventions bilatérales ou multilatérales se justifie pleinement par le souci d'éviter le double emploi entre de nombreuses dispositions de la convention de Bruxelles de 1968 et lesdites conventions. On notera que la question de la reconnaissance des jugements est traitée de façon identique – à savoir suivant le principe de la reconnaissance automatique – sous l'empire de la convention de 1934 [art. 2 (1)] et celui de la convention de Bruxelles de 1968.
L'art. 56 de la même convention de Bruxelles de 1968 dispose que les traités et les conventions mentionnés à l'art. 55 continuent à produire leurs effets dans les matières auxquelles la convention de Bruxelles n'est pas applicable. Certaines conventions continuent donc à produire leurs effets mais cette règle de survie est limitée aux « matières auxquelles la présente convention n'est pas applicable ».
On sait que l'art. 1er, al. 2, de la convention de Bruxelles de 1968 contient la liste des matières exclues de ladite convention, comme l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions, les faillites et autres procédures, la sécurité sociale et l'arbitrage. Pour ces matières, la convention bilatérale entre la Belgique et le Royaume-Uni reste donc en principe d'application alors que, pour toutes les autres matières, la convention bilatérale précitée n'est plus d'application en raison de l'abrogation de principe de cette convention contenue dans l'art. 55 de la convention de Bruxelles de 1968.
Comme il ne peut être sérieusement soutenu que le jugement dont [la défenderesse] demande la reconnaissance relève d'une des matières visées à l'art. 1er, al. 2, de la convention de Bruxelles de 1968, la convention de 1934 doit être considérée comme ne pouvant s'appliquer à la présente affaire.
En effet, il apparaît évident que la cause jugée en Angleterre (dite procédure I.N.G.) ne relevait pas de l'une des matières civiles ou commerciales reprises dans l'exclusion de l'art. 1er, al. 2, de la convention de Bruxelles de 1968 pour toutes les raisons qui ont été reprises ci-dessus et notamment pour les raisons suivantes :
• la rétention de l'aéronef se fondait sur le non-paiement des redevances (prétendument) dues à [la défenderesse] ;
• lesdites redevances étaient réclamées par [la défenderesse] sur la base du Civil Aviation Act de 1971 et de diverses dispositions réglementaires édictées par le ministre secrétaire d'Etat britannique au titre des arts. 73 et 74 du Civil Aviation Act (voyez jugement anglais du 13 juin 1996, p. 3) ;
• l'action litigieuse de la Civil Aviation Authority et [de la défenderesse] a été menée dans le cadre de leurs statuts respectifs ;
• le jugement du 10 octobre 1994 du juge anglais D. a en outre conclu que Sultan Air n'assurait pas la gestion de l'aéronef au moment considéré et n'en était donc pas l'exploitant ; le raisonnement suivi par le juge anglais montre qu'il ne s'agissait à aucun moment de trancher un litige civil ou commercial ;
• le fait reproché à [la défenderesse] (la rétention de l'aéronef) a été accompli dans l'exercice de la puissance publique reconnue à [la défenderesse] ; il s'agit donc bien d'une intervention d'une autorité publique agissant dans l'exercice de la puissance publique ;
• le juge de première instance a parfaitement décrit la situation en décidant « qu'en l'espèce, [la défenderesse] a mis en œuvre les faits litigieux de rétention d'aéronef en Angleterre dans le but d'obtenir le paiement des redevances dues par Sultan Air et ce fait, accompli avec l'aide de la Civil Aviation Authority (...), ne pouvait être commis par aucune personne physique ou morale à l'exception [de la défenderesse] »;
• [la défenderesse] est un organisme international ayant les pouvoirs d'une autorité publique et jouissant des mêmes privilèges d'immunité que les organisations internationales similaires avec des installations inviolables, le tout avec des pouvoirs parajudiciaires et de commandement ;
• de l'aveu [de la défenderesse] même, la dette de redevance n'a aucun caractère commercial ou civil ;
• toujours de l'aveu [de la défenderesse], « s'agissant du recouvrement d'une taxe, celui-ci ne ressortit pas aux matières civiles et commerciales, ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice des Communautés européennes dans les décisions précitées, il s'appuie dès lors sur des dispositions propres qui ne sont pas celles de la convention d'exécution (les champs d'application étant différents) ».
Enfin, quant à la présente cause, il est également évident que, pour les raisons évoquées ci-avant, elle ne relève pas de l'une des matières qui ont été exclues du champ d'application de la convention de Bruxelles de 1968 pour tomber dans celui de la convention de 1934.
Pour autant que de besoin, il est en outre remarqué que la notion « les matières auxquelles la convention de Bruxelles n'est pas applicable » dans l'art. 56 de la convention de Bruxelles de 1968 ne peut pas être interprétée autrement qu'en référence à la liste des matières exclues de la convention de Bruxelles, telle qu'elle est reprise à l'art. 1er, al. 2.
Ladite notion ne peut aucunement être interprétée au sens large en référence à ce qui est, de manière générale, exclu du ressort de la convention de Bruxelles, c'est-à-dire toutes les matières autres que civiles et commerciales. Ce raisonnement serait clairement absurde : le mot « continuer » utilisé à l'art. 56 indique clairement qu'il s'agit des matières qui étaient déjà auparavant du ressort de la convention de 1934 ; il n'est pas possible, par ailleurs, d'ajouter au champ d'application d'un traité, par le seul fait de remplacer ce traité partiellement par un autre, des matières qui n'y étaient pas visées auparavant.
Conclusion sur la non-applicabilité de la convention de 1934
La convention de 1934 ne concernait que les jugements prononcés en matière civile et commerciale. Son champ d'application a encore été fortement réduit en vertu de la convention de Bruxelles qui l'a partiellement abrogé. L'on trouve dans cette dernière des indications très claires quant au champ d'application de la convention de 1934, à savoir « les matières auxquelles la présente convention n'est pas applicable ». La liste de ces matières est reprise explicitement à la convention de Bruxelles.
Le jugement du 13 juin 1996 dont la reconnaissance est demandée par [la défenderesse] ne concerne aucune de ces matières qui portent entre autres sur l'état et la capacité de la personne physique, les testaments, la faillite, et cetera. Il en va de même pour la présente cause.
Il n'y a, en conséquence, aucun argument valable, ni en droit, ni en fait, qui justifierait l'application de la convention de 1934 ».
Il résulte des conclusions de la demanderesse que celle-ci contestait l'application in concreto de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, au motif que les jugements prononcés par les juridictions anglaises ne l'ont pas été dans des « matières civiles ou commerciales » au sens de la convention du 2 mai 1934, ni dans la « liste des matières exclues de la convention de Bruxelles telle que reprise à l'art. 1er, al. 2 », dès lors que ces jugements concernaient un acte posé par la défenderesse, autorité publique, agissant dans l'exercice de la puissance publique en raison du non-paiement de redevances qui lui étaient dues par la société Sultan Air.
L'arrêt, qui se contente de constater que « la convention bilatérale entre le Royaume-Uni et la Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, accompagnée d'un protocole, signée à Bruxelles le 2 mai 1934, s'applique dans [lire : sans] les limites imposées par la convention de Bruxelles » et qu'une convention bilatérale continue de produire ses effets pour les décisions qui, sans relever de l'art. 1er, al. 2, de la convention de Bruxelles, sont exclues de son champ d'application, ce qui n'est pas contesté, ne répond pas au moyen de la demanderesse. En effet, ce motif de l'arrêt vise l'applicabilité in abstracto de toute convention bilatérale, notamment celle de 1934, après l'entrée en vigueur de la convention de Bruxelles, mais ne vise pas l'applicabilité de la convention du 2 mai 1934 in concreto, contestée par la demanderesse, et qui aurait requis, dans le chef de la cour d'appel, de constater que les jugements prononcés par les juridictions anglaises l'ont été dans des matières civiles et commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, non régies par la convention de Bruxelles.
Par conséquent, l'arrêt viole l'art. 149 de la Constitution.
Seconde branche
L'art. 3.1. de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936, dispose :
« Les jugements prononcés en matière civile ou commerciale par un tribunal supérieur, dans le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, et exécutoires dans le pays du tribunal d'origine, bien que des voies de recours soient encore ouvertes telles qu'opposition, appel ou cassation, seront reconnus par les tribunaux du territoire de l'autre Partie, dans tous les cas où aucune objection au jugement ne pourra être formulée à raison de l'un des motifs énumérés ci-après : (...) ».
Ne constitue pas un jugement prononcé en matière civile ou commerciale au sens de la convention du 2 mai 1934 une décision rendue dans un litige opposant une autorité publique à une personne privée, et dans lequel l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique.
L'art. 3.3. de cette convention dispose :
« La reconnaissance d'un jugement en vertu du para. (1) du présent Article implique que ce jugement sera traité comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties (partie gagnante et partie condamnée) quant à l'objet du jugement dans toute action ultérieure et, quant à cet objet, pourra être opposé par elles comme une exception dans toute nouvelle action intentée pour le même motif ».
L'art. 1er de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle qu'elle était en vigueur avant l'entrée en vigueur du Règlement CE no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, disposait :
« La présente convention s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.
Sont exclus de son application :
1) l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions ;
2) les faillites, concordats et autres procédures analogues ;
3) la sécurité sociale ;
4) l'arbitrage ».
L'art. 55 de cette convention disposait :
« Sans préjudice des dispositions de l'art. 54, al. 2, et de l'art. 56, la présente convention remplace entre les États qui y sont parties les conventions conclues entre deux ou plusieurs de ces États, à savoir : (...) la convention entre le Royaume-Uni et la Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, accompagnée d'un protocole, signée à Bruxelles le 2 mai 1934 ».
L'art. 56 de cette convention disposait :
« Le traité et les conventions mentionnés à l'art. 55 continuent à produire leurs effets dans les matières auxquelles la présente convention n'est pas applicable.
Ils continuent à produire leurs effets en ce qui concerne les décisions rendues et les actes reçus avant l'entrée en vigueur de la présente convention ».
La Cour de justice des Communautés européennes a jugé, dans un arrêt du 14 octobre 1976 (C.J.C.E., Lufttransportunternehmen GmbH & Co. KG contre Eurocontrol, Aff. no. 29-76, Rec., 1976, p. 1541), que, pour l'interprétation de la notion de « matière civile et commerciale » aux fins de l'application de la convention de Bruxelles, « il convient de se référer, non au droit d'un quelconque des Etats concernés, mais, d'une part, aux objectifs et au système de la convention et, d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droit nationaux », et « qu'en vertu de ces critères, doit être exclue du champ d'application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique ». La Cour [de justice] visait de la sorte « le recouvrement de redevances dues par une personne de droit privé à un organisme national ou international de droit public en vertu de l'utilisation des installations et services de celui-ci », ce qui constitue la démarche de la défenderesse.
Il résulte des dispositions légales qui précèdent que la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale n'a, dès l'origine, visé que les matières civiles et commerciales, et non le litige opposant une autorité publique, agissant dans l'exercice de la puissance publique, à une personne privée et qu'elle n'est restée en vigueur qu'en ce qui concerne les seules matières civiles et commerciales, par ailleurs exclues du champ d'application de la convention de Bruxelles, elle-même limitée aux mêmes matières.
L'arrêt ne constate pas explicitement que les décisions prononcées par les juridictions anglaises l'ont été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, ce qui était explicitement contesté par la demanderesse dans ses conclusions.
Il résulte cependant de l'arrêt, notamment du motif selon lequel la défenderesse a renoncé aux moyens tirés de cette convention de Bruxelles « non applicable au cas d'espèce, [la défenderesse] étant une autorité publique qui s'oppose à des personnes privées », que, selon lui, les jugements litigieux prononcés par les juridictions anglaises constituent des décisions rendues dans des litiges opposant une autorité publique, la défenderesse, à une personne privée, la demanderesse, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique.
L'arrêt précise explicitement :
• que la défenderesse a fait saisir par la « Civil Aviation Authority » un aéronef appartenant à la société E.A.L., financé par la demanderesse ;
• qu'une demande de mainlevée de la saisie a été introduite par la demanderesse contre la défenderesse devant la High Court of Justice ;
• qu'une demande a été initiée par la « Civil Aviation Authority » contre la demanderesse devant la High Court of Justice afin de déterminer si la société Sultan Air était l'exploitant de l'aéronef et si elle était débitrice envers [la défenderesse].
Interprété en ce sens que les décisions prononcées par les juridictions anglaises l'ont été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, l'arrêt, en considérant que, par application de cette convention, les décisions litigieuses ont autorité de chose jugée en Belgique, alors que ces décisions, qui concernent un litige opposant une autorité publique, agissant dans l'exercice de la puissance publique, à une personne privée, n'ont pas été adoptées dans des matières civiles et commerciales au sens de cette convention, viole cette notion légale, les arts. 3.1 et 3.3 de cette convention qui la consacrent et, pour autant que de besoin, les arts. 1er, 55 et 56 de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle qu'elle était en vigueur avant l'entrée en vigueur du Règlement CE no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Subsidiairement, interprété en ce sens que les décisions prononcées par les juridictions anglaises ne l'ont pas été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, l'arrêt, en considérant néanmoins que, par application de cette convention, les décisions litigieuses ont autorité de chose jugée en Belgique, viole les arts. 3.1 et 3.3 de cette convention et, pour autant que de besoin, les arts. 1er, 55 et 56 de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle qu'elle était en vigueur avant l'entrée en vigueur du Règlement CE no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
A titre subsidiaire, dans la mesure où les décisions prononcées par les juridictions anglaises laissent incertaine la question si elles l'ont été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, l'arrêt est ambigu dès lors qu'il est légal en ce qu'il est interprété en ce sens que les décisions prononcées par les juridictions anglaises ne l'ont pas été dans un litige opposant une autorité publique, agissant dans l'exercice de la puissance publique, à une personne privée et, dès lors, l'ont été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934, et qu'il est illégal, interprété en ce sens que les décisions prononcées par les juridictions anglaises l'ont été dans un tel litige et, dès lors, ne l'ont pas été dans des matières civiles ou commerciales au sens de la convention du 2 mai 1934. L'arrêt viole, dans cette hypothèse, l'art. 149 de la Constitution.
A titre plus subsidiaire, si l'arrêt doit être interprété en ce sens qu'il ne contient pas les constatations permettant à la Cour de déterminer si les décisions prononcées par les juridictions anglaises l'ont été dans des « matières civiles ou commerciales » au sens de la convention du 2 mai 1934, il viole alors l'art. 149 de la Constitution.
Second moyen
Dispositions légales violées
• principe général du droit international et national selon lequel une norme de droit international conventionnel ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne prohibe l'application d'une règle de droit national, qu'elle soit antérieure ou postérieure à un traité international, dès lors que les effets de la règle nationale sont en conflit avec la norme de droit international conventionnel ;
• art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, approuvé par la loi du 16 novembre 1984 ;
• arts. 3.1 et 3.3 de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936 ;
• art. 149 de la Constitution ;
• art. 570, al. 2, 1°, ancien du Code judiciaire, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ;
• arts. 21, 25, para. 1er, 1°, et 126, para. 2, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt considère que l'ordre public international belge ne s'oppose pas à ce qu'une convention internationale soit appliquée de façon à permettre à une partie de contourner les obligations qui lui incombent en vertu d'une autre convention internationale et ne répond pas aux conclusions de la demanderesse quant à ce.
Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits, en particulier par les motifs suivants :
« [La demanderesse] objecte cependant que les décisions des juges anglais et la législation anglaise seraient contraires à l'ordre public international belge, ce qui résulterait de l'Accord multilatéral de 1981, de l'arrêté royal du 16 décembre 1981, qui reprend le contenu des arts. 9 et 10 précités de l'Accord multilatéral de 1981, et des arts. 7 et 8 de la loi hypothécaire. Selon [la demanderesse], une décision permettant la saisie de biens autres que ceux du débiteur serait contraire à l'ordre public international belge.
Selon l'art. 3 de la convention de 1934, « les jugements prononcés en matière civile ou commerciale par un tribunal supérieur, dans le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, et exécutoires dans le pays du tribunal d'origine, bien que des voies de recours soient encore ouvertes, telles qu'opposition, appel ou cassation, seront reconnus par les tribunaux du territoire de l'autre Partie, dans tous les cas où aucune objection ne pourra être formulée à raison de l'un des motifs énumérés ci-après », notamment « si le jugement est contraire à l'ordre public du pays requis ».
L'objection n'est pas fondée. En effet, la loi belge admet plusieurs hypothèses dans lesquelles des tiers peuvent être tenus des dettes du débiteur (stipulation pour autrui, responsabilités de type 1384 du Code civil, responsabilité du propriétaire du navire pour les dettes du capitaine [art. 46, para. 2, du Code de commerce]).
Cette exception ne saurait dès lors être retenue.
Il suit des considérations qui précèdent que la demande originaire n'est pas recevable ».
GRIEFS
Première branche
Dans ses conclusions « finales coordonnées remplaçant toutes autres », la demanderesse énonçait que « le jugement du 14 octobre 2000 du juge M.-B., en tant qu'il confirme les décisions anglaises antérieures, est contraire à l'ordre public international belge et ne peut, par conséquent, produire aucun effet juridique en Belgique ».
A l'appui de ce moyen relatif à la violation de l'ordre public international belge, la demanderesse invoquait deux moyens distincts.
La demanderesse faisait valoir, d'une part, que la reconnaissance de l'autorité de chose jugée aux décisions anglaises aurait pour effet de permettre l'application du mécanisme de droit anglais selon lequel un créancier peut recouvrer la dette de son débiteur sur le patrimoine d'un tiers sans octroyer à ce dernier de moyen de défense (violation des arts. 7 et 8 de la loi hypothécaire et de l'art. 1516 du Code judiciaire).
L'arrêt répond à ce grief en considérant que « la loi belge admet plusieurs hypothèses dans lesquelles des tiers peuvent être tenus des dettes du débiteur ».
La demanderesse se référait, d'autre part, à l'art. 13, a), de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, approuvé par la loi du 16 novembre 1984, qui dispose que la procédure de recouvrement introduite par la défenderesse est introduite dans l'Etat contractant où le débiteur a son domicile ou son siège. Dans ses conclusions « finales coordonnées remplaçant toutes autres », la demanderesse énonçait ainsi :
« Effet d'inciter [la défenderesse] à violer délibérément l'Accord multilatéral 1981
Comme déjà rappelé ci-dessus, [la défenderesse] est une partie signataire à l'Accord multilatéral de 1981 aux côtés de onze Etats.
La décision du juge M.-B. du 14 octobre 2000, en permettant à [la défenderesse] de procéder au recouvrement de redevances de route dans des conditions manifestement contraires à l'Accord multilatéral de 1981, a évidemment pour effet d'inciter cet organisme, agissant pourtant dans l'exercice de la puissance publique et étant donc le premier à devoir respecter les dispositions de l'Accord multilatéral de 1981, à continuer à récupérer lesdites redevances au Royaume-Uni en violant l'Accord multilatéral de 1981.
En effet, cette décision ne fait que renforcer la « stratégie' inacceptable de [la défenderesse] puisque cette dernière lui donne l'assurance qu'elle peut en tout état de cause violer l'Accord multilatéral de 1981 en agissant devant les juridictions britanniques.
Cela est d'autant plus vrai que la jurisprudence anglaise antérieure doit être obligatoirement suivie par les juges anglais confrontés à des questions juridiques similaires en vertu de l'effet « binding » des décisions en Common law. Dès lors, la décision du juge M.-B. du 14 octobre 2000 sera inéluctablement reprise par d'autres juges anglais dans d'autres affaires similaires ...
La décision anglaise du 14 octobre 2000 a donc non seulement pour effet d'autoriser [la défenderesse], autorité publique, à agir de façon illicite mais encourage [cette dernière] à réitérer de telles « saisies » illégales dans le futur. Par conséquent, une telle décision doit également être considérée comme contraire à l'ordre public international belge sur ce point ».
L'arrêt ne répond en aucune façon à ce moyen et viole, par voie de conséquence, l'art. 149 de la Constitution.
Seconde branche
En vertu de l'art. 570, al. 2, 1°, du Code judiciaire, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par le Code de droit international privé, les jugements régulièrement rendus par un tribunal étranger ne peuvent avoir d'efficacité en Belgique qu'à la condition de n'être en rien contraires aux principes d'ordre public et aux règles du droit public belge.
L'ordre public s'entend, au sens de cette disposition, de l'ordre public international belge. Une loi n'est d'ordre public international belge que si, par les dispositions de cette loi, le législateur a entendu consacrer un principe qu'il considère comme essentiel à l'ordre moral, politique ou économique établi en Belgique.
L'art. 570, al. 1er, du Code judiciaire, tel qu'il a été modifié par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, dispose :
« Le tribunal de première instance statue, quelle que soit la valeur du litige, sur les demandes visées aux arts. 23, para. 1er, 27 et 31 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ».
L'art. 25, para. 1er, 1°, du Code de droit international privé dispose qu'une décision judiciaire étrangère n'est ni reconnue ni déclarée exécutoire si « l'effet de la reconnaissance ou de la déclaration de la force exécutoire serait manifestement incompatible avec l'ordre public ; cette incompatibilité s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge et de la gravité de l'effet ainsi produit ».
Cette disposition retient la même acception de l'exception d'ordre public que celle qui est consacrée par l'art. 21, als. 1er et 2, du même code, qui dispose :
« L'application d'une disposition du droit étranger désigné par la présente loi est écartée dans la mesure où elle produirait un effet manifestement incompatible avec l'ordre public.
Cette incompatibilité s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge et de la gravité de l'effet que produirait l'application de ce droit étranger ».
Le code confirme ainsi l'unicité de la notion d'ordre public de droit international privé.
Dès lors que le code s'abstient de proposer une quelconque définition des standards ou autres valeurs fondamentales qui fondent l'ordre public de droit international privé, l'ordre public visé par celui-ci doit être interprété comme l'ordre public visé par l'art. 570, al. 2, 1°, ancien du Code judiciaire.
L'art. 126, para. 2, du Code de droit international privé dispose :
« Les articles concernant l'efficacité des décisions judiciaires étrangères et des actes authentiques étrangers s'appliquent aux décisions rendues et aux actes établis après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Toutefois, une décision rendue ou un acte établi avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut également recevoir effet en Belgique s'il satisfait aux conditions de la présente loi ».
En l'espèce, les décisions prononcées par les juridictions anglaises l'ont été avant le 1er octobre 2004, date d'entrée en vigueur de la loi du 16 juillet 2004. Elles ne peuvent se voir reconnaître d'efficacité en droit belge que si elles respectent les conditions consacrées par le droit belge en vigueur avant l'entrée en vigueur de ce code ou, si les conditions prévues par le code sont plus favorables à la reconnaissance de ces décisions, si elles respectent ces conditions.
Le principe général du droit, international et national, selon lequel une norme de droit international conventionnel ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne prohibe l'application d'une règle contraire de droit national, oblige les cours et tribunaux nationaux à ne pas appliquer cette règle de droit national, même constitutionnelle, qu'elle soit antérieure ou postérieure à un traité international, dès lors que ses effets sont en conflit avec la norme de droit international conventionnel. Il en résulte que, pour qu'il soit satisfait à ce principe, l'ordre public belge, au sens de l'art. 570, al. 2, 1°, ancien du Code judiciaire comme au sens de l'art. 25, para. 1er, 1°, du Code de droit international privé, doit s'opposer à ce que soit reconnue en droit belge une décision judiciaire étrangère qui a été prise en violation d'un traité ayant un effet direct auquel la Belgique est partie.
L'art. 3.3 de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936, dispose :
« La reconnaissance d'un jugement en vertu du para. (1) du présent Article implique que ce jugement sera traité comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties (partie gagnante et partie condamnée) quant à l'objet du jugement dans toute action ultérieure et, quant à cet objet, pourra être opposé par elles comme une exception dans toute nouvelle action intentée pour le même motif ».
L'art. 3.1 de cette convention dispose :
« Les jugements prononcés en matière civile ou commerciale par un tribunal supérieur, dans le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, et exécutoires dans le pays du tribunal d'origine, bien que des voies de recours soient encore ouvertes telles qu'opposition, appel ou cassation, seront reconnus par les tribunaux du territoire de l'autre Partie, dans tous les cas où aucune objection au jugement ne pourra être formulée à raison de l'un des motifs énumérés ci-après :
(...) c) Si le jugement est contraire à l'ordre public du pays du tribunal requis ».
Pour qu'il soit satisfait au principe de la primauté du droit international, l'ordre public belge, au sens de l'art. 3.1. de cette convention, doit s'opposer à ce que soit reconnue en droit belge une décision judiciaire étrangère qui a été prise en violation d'un traité ayant un effet direct auquel la Belgique est partie.
L'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, approuvé par la loi du 16 novembre 1984 et auquel sont parties la Belgique et la Grande-Bretagne, dispose :
« La procédure de recouvrement est introduite dans l'Etat contractant
a) où le débiteur a son domicile ou son siège ;
b) où le débiteur possède un établissement commercial si son domicile ou son siège ne sont pas situés sur le territoire d'un Etat contractant ;
c) où le débiteur possède des avoirs, en l'absence des chefs de compétence énoncés aux paras. a) et b) ci-dessus ;
d) où [la défenderesse] a son siège, en l'absence des chefs de compétence énoncés aux paras. a) à c) ci-dessus ».
En l'espèce, il n'est pas contesté que le siège du débiteur de la défenderesse, la société Sultan Air, est situé en Turquie. En application de l'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, la défenderesse aurait donc dû introduire la procédure de recouvrement en Turquie.
Les juridictions anglaises, en se prononçant sur la procédure en recouvrement introduite par la défenderesse, ont donc violé l'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route.
A titre principal, la demanderesse soutient, pour les motifs proposés à l'appui du premier moyen, que la convention du 2 mai 1934 n'est pas applicable au cas d'espèce. Par conséquent, en considérant que, par application de cette convention, les décisions litigieuses ont autorité de chose jugée en Belgique, alors que ces décisions ont été adoptées en violation de l'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, l'arrêt viole cette disposition ainsi que l'art. 570, al. 2, 1°, ancien du Code judiciaire, les arts. 21, 25, para. 1er, 1°, et 126, para. 2, du Code de droit international privé, le principe général de droit international et national selon lequel une norme de droit international conventionnel ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne prohibe l'application d'une règle de droit national, qu'elle soit antérieure ou postérieure à un traité international, dès lors que les effets de la règle nationale sont en conflit avec la norme de droit international conventionnel et, pour autant que de besoin, les arts. 3.1. et 3.3 de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord pour l'exécution réciproque des jugements rendus en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 4 mai 1936.
A titre subsidiaire, si la Cour considère que la convention du 2 mai 1934 est applicable au cas d'espèce, l'arrêt, en considérant que, par application de cette convention, les décisions litigieuses ont autorité de chose jugée en Belgique, alors que ces décisions ont été adoptées en violation de l'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route, et donc en violation de la notion d'ordre public au sens de l'art. 3.1. de la convention conclue le 2 mai 1934, viole cette disposition ainsi que l'art. 13 de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route.
LA DECISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L'arrêt considère que la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni sur l'exécution réciproque des jugements s'applique sans les limites imposées par la convention entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968, la Cour de justice des Communautés européennes ayant décidé, par son arrêt rendu le 14 juillet 1977 dans les affaires jointes no. s C 9/77 et C 10/77, que « l'art. 56, al. 1er, de la convention de Bruxelles ne fait pas obstacle à ce qu'une convention bilatérale continue de produire ses effets pour les décisions qui, sans relever de l'art. 1er, al. 2, de la convention (état des personnes, successions, régimes matrimoniaux, faillites et concordats, sécurité sociale, arbitrage), sont exclues de son champ d'application », et se fonde sur les arts. 3.1 et 3.3 de la convention bilatérale susdite pour accueillir l'exception d'autorité de chose jugée invoquée par la défenderesse.
Par ces énonciations, l'arrêt admet que les jugements prononcés par les juridictions anglaises l'ont été en matière civile ou commerciale au sens de l'art. 3 de cette dernière convention et répond, en leur opposant une analyse juridique différente, aux conclusions de la demanderesse visées au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Les arts. 3.1 et 3.3 de la convention conclue le 2 mai 1934 entre la Belgique et le Royaume-Uni sur l'exécution réciproque des jugements règlent la reconnaissance des jugements prononcés « en matière civile ou commerciale ».
En vertu de l'art. 31.1 de la Convention sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Il s'ensuit que la notion de « matière civile ou commerciale » n'a pas nécessairement, dans les conventions bilatérales qui s'y réfèrent, la portée qu'elle revêt dans l'art. 1er, al. 1er, de la Convention entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968, cette disposition prévoyant expressément qu' « elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives », portée qui exclut les litiges opposant une personne privée à une autorité publique ayant agi dans l'exercice de la puissance publique.
L'art. 56, al. 1er, de ladite convention du 27 septembre 1968 dispose, pour le surplus, que le traité et les conventions mentionnés à l'art. 55 continuent à produire leurs effets dans les matières auxquelles ladite convention n'est pas applicable, conventions parmi lesquelles figure la convention précitée du 2 mai 1934.
Dans son arrêt rendu le 14 juillet 1977 dans les affaires jointes no. s C 9/77 et C 10/77, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que l'art. 56, al. 1er, ne fait pas obstacle à ce qu'un traité bilatéral continue à produire ses effets pour des décisions qui, sans relever de l'art. 1er, al. 2, de la convention, sont exclues du champ d'application de celle-ci.
Eu égard à la portée de la notion de « matière civile et commerciale » tant en droit anglais qu'en droit belge, l'arrêt, qui, sans l'ambiguïté dénoncée par le moyen, en cette branche, considère que les décisions anglaises ayant rejeté la demande en responsabilité extracontractuelle dirigée par la demanderesse contre la défenderesse sont des décisions rendues en matière civile ou commerciale au sens de la convention du 2 mai 1934, motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L'arrêt constate que, « par jugement du 14 octobre 2000, le juge M.-B. [a] fait droit à une requête déposée par [la défenderesse] le 5 septembre 2000 afin que soit rejetée la demande en indemnisation de la [demanderesse] invoquant une intervention illicite sur l'aéronef et la violation des devoirs légaux de [la défenderesse] » et considère que la demande de la demanderesse fondée sur l'illicéité de la saisie « se distingue d'une action en recouvrement » au sens de l'art. 13, a), de l'Accord multilatéral du 12 février 1981 relatif aux redevances de route.
Il répond ainsi aux conclusions de la demanderesse qui soutenaient qu'il était contraire à l'ordre public international belge de reconnaître l'autorité de la chose jugée à ladite décision anglaise du 14 octobre 2000 qui « permetta[it] à [la défenderesse] de procéder au recouvrement de redevances de route dans des conditions manifestement contraires » à cette disposition.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
L'autorité de la chose jugée retenue par l'arrêt est seulement celle qui est attachée à la décision des juridictions anglaises de rejeter la demande en dommages et intérêts introduite par la demanderesse contre la défenderesse, demande qui, même si elle était fondée sur le caractère abusif d'une saisie pratiquée par cette dernière en raison du défaut de paiement de redevances, est distincte d'une demande en recouvrement de celles-ci.
Le moyen, en cette branche, qui reproche à l'arrêt de reconnaître des décisions rendues dans le cadre d'une procédure de recouvrement de redevances en violation de l'art. 13, a), de l'Accord multilatéral précité, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;