Attendu que l'action a pour objet, ainsi modifié par conclusions, le paiement par la défenderesse au demandeur de 297.030 FF à titre d’indemnités de préavis, 148.515 FF à titre d’indemnité d’éviction, 11.843 FF à titre d’indemnité de vacances 1976 et 1977, et 72.051 FF à titre d'arriérés d'indexation, avec les intérêts légaux depuis le 31 mars 1977, date de la rupture du contrat entre parties ;
Attendu que les parties n'ont pu être conciliées avant les débats ;
Attendu qu’en ordre principal, la défenderesse conclut à l'incompétence du tribunal du travail de Liège, considérant qu’en l'espèce le tribunal compétent est la juridiction de Düsseldorf ; qu’il invoque la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et le contrat conclu entre parties le 17 mars 1975 ;
Attendu que le demandeur, considérant qu’il exerçait totalement de façon constante son activité professionnelle en Belgique, qu’il est de nationalité belge et domicilié en Belgique et qu’il était rémunéré en Belgique par le biais de la société Assubel, oppose les dispositions de l'art. 627,9° du Code judiciaire, selon lequel « est seul compétent pour connaître de la demande le juge de l'endroit affecté à la profession » et de l'art. 630 du même Code, selon lequel « est nulle de plein droit toute convention contraire aux dispositions des arts. 627, 628, 629 et antérieure à la naissance du litige » ;
Attendu que le demandeur perd de vue – que la Convention entre les États membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale signée à Bruxelles le .27 septembre 1968, a été approuvée par le parlement belge par une loi du 13 janvier 1971, c’est-à-dire à une date postérieure et à là publication du Code judiciaire (L. 10 oct. 1967) au Moniteur belge le 31 octobre 1967 et à sa totale entrée en vigueur le 1er novembre 1970 ; que l'on doit en induire que c’est en connaissance de cause que le législateur a voté une loi approuvant une Convention internationale qui prévoit des dérogations à certaines dispositions du Code judiciaire ;
Attendu qu’aux termes de l'art. 17 de ladite Convention internationale, « si, par une convention écrite ou par une convention confirmée par écrit, les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d’un Etat contractant, ont désigné un tribunal ou les tribunaux d’un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls compétents » ; que cette disposition ne contient de restriction quant à sa validité que dans les matières énoncées dans les arts. 12 et 15 et qui ne visent pas le contrat de travail ;
Attendu que la seule question qui peut éventuellement être posée est de savoir, compte tenu de ce que l'art. 1er de la Convention énonce que cette dernière « s’applique en matière civile et commerciale », si elle s’applique au contrat de travail ;
Attendu qu’il y a lieu de répondre à cette question par l'affirmative ; que dans le droit social, il convient de distinguer les matières qui constituent la sécurité sociale et qui s’apparentent au droit administratif, de celles qui se rapportent à des relations contractuelles portant sur des intérêts particuliers et qui, nonobstant certaines règles impératives, ressortissent au droit privé ; que de toute évidence, si les « Hautes parties contractantes au Traité instituant la- Communauté économique européenne » avaient voulu exclure du champ d’application de la Convention le contrat de travail, elles n’auraient pas manqué de le faire puisque dans l'art. 1er elles ont expressément exclu « la sécurité sociale » qui assurément n’est ni une matière civile, ni une matière commerciale ; que dans son rapport sur la Convention, M. Jonnard écrit (p. 48) : « Les règles générales de la Convention seront donc applicables en ce qui concerne le contrat de travail » ;
Attendu que l'art. 17 du contrat conclu entre les parties le 17 mars 1975, attribue compétence aux tribunaux de Düsseldorf ;
Attendu que si aux termes de l'art. 660 du Code judiciaire, « hormis les cas où l'objet de la demande n’est pas de la compétence du pouvoir judiciaire, toute décision sur la compétence renvoie s’il y a lieu la cause au juge compétent qu’elle désigne », il n’appartient cependant pas à une juridiction d’un Etat de renvoyer une cause au sujet de laquelle il se déclare incompétent, devant une juridiction d’un autre Etat ; que la Convention du 27 septembre 1968 n’a, en toute hypothèse, rien prescrit à cet égard ;
Par ces motifs :
LE TRIBUNAL, se déclare incompétent.