Par l’arrêt attaqué rendu le 19 juin 2007, la cour d’appel d’Anvers déclare recevable mais non fondé l’appel formé par la demanderesse contre le jugement du premier juge, par lequel celui-ci s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de la demanderesse et a condamnée celle-ci aux dépens. Cette décision se fonde sur les considérations suivantes :
« La S.A. X. allègue qu’elle était liée à la société Y. Inc. (et à Y. International ltd.) par une concession de vente soumise à la loi du 27 juillet 1961 et que cette concession de vente avait été résiliée de manière irrégulière.
La S.A. X. soutient que, du fait de la reprise des fonds de commerce de la B.V. Z. Airtronic et de la S.A. Z. Europe, elle était subrogée dans les droits de ces sociétés découlant de leur contrat de distribution avec Z. Inc.
Le premier juge dit à bon droit que la S.A. X. n’établit pas l’existence d’une concession de vente exclusive au sens de la loi du 27 juillet 1961.
Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes (art. 1165 du Code civil).
Dans ce contexte, en principe, la cession d’un fonds de commerce n’implique pas que les contrats conclus par le cédant doivent être poursuivis par le cocontractant à l’égard du cessionnaire.
Dans ce cas, la société américaine Z. Inc. n’était pas obligée de poursuivre l’éventuelle concession de vente octroyée à la B.V. Z. Airtronic et à la S.A. Z. Europe à l’égard de la S.A. X.. Cela était d’ailleurs aussi expressément stipulé dans les contrats litigieux entre la S.A. X. et, respectivement, la société néerlandaise B.V. Z. Airtronic et la société française S.A. Z. Europe.
En l’espèce, la S.A. X. n’établit pas que la société américaine Z. Inc. ait consenti aux cessions respectives des concessions de vente litigieuses.
Le premier juge dit à bon droit qu’il ressort du dossier qu’il y a eu d’intenses négociations au sujet d’une telle collaboration, mais manifestement sans accord à ce propos.
La S.A. X. ne démontre pas qu’elle ait conclu une concession de vente. (...)
Même dans l’hypothèse où que la B.V. X. aurait bénéficié d’une concession de vente au sens de la loi du 27 juillet 1961, il est constant qu’elle est préjudiciée par sa résiliation.
Par conséquent, dans ce cas, seule la B.V. X. satisfait personnellement et directement à la condition légale, c’est-à-dire avoir un intérêt propre (arts. 17 et 18 du Code judiciaire).
L'intérêt que la S.A. X. peut faire valoir au titre d’actionnaire à 100 p. c. de X. n’est qu’indirect et ne satisfait donc pas aux conditions requises pour pouvoir former valablement une action sur la base de la loi du 27 juillet 1961.
Le premier juge le constate également à bon droit.
Eu égard à ce qui précède, le premier juge a considéré à bon droit être incompétent pour connaître de la demande de (la demanderesse).
La S.A. X. ne peut, eu égard à ce qui précède, invoquer l’art. 4 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée.
En effet, (la demanderesse) ne peut invoquer à l’égard de (la défenderesse et la société de droit irlandais Y. International ltd.) un contrat soumis à la loi du 27 juillet 1961.
Il est ressorti des débats qu’au départ, la société de droit irlandais Y. International ltd. était totalement impliquée dans la procédure, mais étant donné qu’il n’est pas contesté que, le 31 août 2002, la société américaine Y. Inc. est devenue l’ayant droit de la société américaine Z. Inc. (voir supra point 1.2.7.), seule la demande à l’égard de cette société est encore pertinente en l’espèce.
A défaut d’une disposition de droit international ou d’un traité international applicable, liant également la société de droit californien Y. Inc., le juge belge doit s’inspirer des anciennes règles de droit international privé en matière de compétence.
La loi du 16 juillet 2004 portant le (nouveau) Code de droit international privé ne s’applique en effet qu’aux demandes introduites après son entrée en vigueur, soit le 1er octobre 2004 (voir l’art. 126, para. 1er, dudit code).
Par conséquent, conformément à l’art. 635,3, du Code judiciaire, l’art. 624 du même code désigne le juge compétent (voir Laenens, J., Overzicht van rechtspraak. De bevoegdheid (1993-2000), T.P.R., 2002, p. 1576, no. 153 ; Erauw, J., Claeys, M., Lambein, K., Roox, K., Verhellen, J., Overzicht van de rechtspraak. Internationaal privaatrecht en nationaliteitsrecht (1993-1998), T.P.R., 1998, p. 1485-1488, no. 211-218) :
« Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge compétent pour connaître de la demande, celle-ci peut, au choix du demandeur, être portée :
1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs ;
2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;
3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte ;
4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni, le cas échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger ».
En l’espèce, seul l’art. 624,2, du Code judiciaire peut donner lieu à la compétence des tribunaux belges.
La S.A. X. demande le paiement d’une juste indemnité et d’une indemnité complémentaire équitable en application des arts. 2 et 3 de la loi du 27 juillet 1961. Le paiement de telles dettes en numéraire est quérable (voir Laenens, J., Overzicht van de rechtspraak. De bevoegdheid (1993-2000), T.P.R., 2002, p. 1567, no. 123).
Le paiement doit donc se faire en Californie.
Étant donné que le contrat litigieux doit être exécuté en ce lieu, le juge belge n’est pas davantage compétent sur la base de l’art. 624,2, du Code judiciaire.
Le premier juge a statué ainsi à bon droit ».
Rejetant tous autres arguments contraires, le premier juge a considéré plus particulièrement que :
A défaut d’une disposition de droit international ou d’un traité international applicable, liant également la société de droit californien Y. Inc., le tribunal belge doit s’inspirer des anciennes règles de droit international privé en matière de compétence. La loi du 16 juillet 2004 portant le (nouveau) Code de droit international privé ne s’applique en effet qu’aux demandes introduites après son entrée en vigueur, soit le 1er octobre 2004 (voir l’art. 126, para. 1er, dudit code).
Par conséquent, conformément à l’art. 635,3, du Code judiciaire, l’art. 624 du même code désigne le juge compétent (voir Laenens, J., Overzicht van rechtspraak. De bevoegdheid (1993-2000), T.P.R., 2002, p. 1576, no. 153 ; Erauw, J., Claeys, M., Lambein, K., Roox, K., Verhellen, J., Overzicht van de rechtspraak. Internationaal privaatrecht en nationaliteitsrecht (1993-1998), T.P.R., 1998, p. 1485-1488, no. 211-218) :
« Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge compétent pour connaître de la demande, celle-ci peut, au choix du demandeur, être portée :
1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs ;
2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées ;
3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte ;
4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni, le cas échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger ».
En l’espèce, l’art. 624,2, du Code judiciaire ne peut que donner lieu à la compétence des tribunaux belges. La S.A. X. demande le paiement d’une juste indemnité et d’une indemnité complémentaire équitable en application des arts. 2 et 3 de la loi du 27 juillet 1961. Le paiement de telles dettes en numéraire est quérable (voir Laenens, J., Overzicht van de rechtspraak. De bevoegdheid (1993-2000), T.P.R., 2002, p. 1567, no. 123). De bevoegdheid (1993-2000), T.P.R., 2002, p. 1567, no. 123). Le paiement doit donc se faire en Californie. Étant donné que le contrat litigieux doit être exécuté en ce lieu, le juge belge n’est pas davantage compétent sur la base de l’art. 624,2, du Code judiciaire.
La S.A. X. soutient que, du fait de la reprise des fonds de commerce de la B.V. Z. Airtronic et de la S.A. Z. Europe, elle était subrogée dans les droits de ces sociétés découlant de leur contrat de distribution avec Z. Inc.
La « Cession d'éléments de fonds de commerce », annexée au contrat de cession de ces fonds de commerce du 10 novembre 2000, ne fait toutefois mention d’aucun contrat de distribution entre la S.A. Z. Europe et la société Z. Inc.
La pièce 1 du contrat du 10 novembre 2000 mentionne certes en termes généraux un contrat de distribution entre la B.V. Z. Airtronic et la société Z. Inc., mais celui-ci n’a pas été joint, de sorte que ni son actualité, ni son contenu ne sont établis.
Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes (art. 1165 du Code civil). Dans ce contexte, en principe, la cession d’un fonds de commerce n’implique pas que les contrats conclus par le cédant doivent être poursuivis par le cocontractant à l’égard du cessionnaire.
En l’espèce, la société Z. Inc. n’était donc pas obligée de poursuivre l’éventuelle concession de vente octroyée à la B.V. Z. Airtronic et à la S.A. Z. Europe à l’égard de la S.A. X.. La S.A. X. n’établit pas davantage que Z. Inc. y ait consenti. Les pièces du dossier font apparaître qu’il y a eu d’intenses négociations au sujet d’une telle collaboration, mais il n’en ressort certainement pas un accord.
Les faits établissent du reste que la S.A. X. n'a jamais bénéficié d'une concession de vente. Elle ne rapporte que la preuve de relations commerciales entre sa filiales néerlandaise, la B.V. X., et la société Z. Inc. Cette dernière société fournissait ses produits à la B.V. X. chargée des livraison et installation auprès de divers clients finaux, mais la preuve que cela s’effectuait aux conditions prévues à l’art. 1er, para. 1er, de la loi du 27 juillet 1961 fait défaut.
Mais même dans l’hypothèse où la B.V. X. aurait bénéficié d’une concession de vente au sens de la loi du 27 juillet 1961, il est constant qu’elle est préjudiciée par sa résiliation.
Par conséquent, dans ce cas, seule la B.V. X. satisfait personnellement et directement à la condition légale, c’est-à-dire avoir un intérêt propre (arts. 17 et 18 du Code judiciaire). L'intérêt que la S.A. X. peut faire valoir au titre d’actionnaire à 100 p. c. de la B.V. X. n’est qu’indirect et ne satisfait donc pas aux conditions requises pour pouvoir former valablement une action sur la base de la loi du 27 juillet 1961 ».
Griefs
(…)
Deuxième branche
Selon l’art. 4.1 du règlement (CE) no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application des dispositions des arts. 22 et 23. L’art. 4.2 dudit règlement précise que toute personne, quelle que soit sa nationalité, domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les nationaux, y invoquer contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles prévues à l'annexe I. L’annexe I se réfère plus spécialement à l’art. 638 du Code judiciaire. Aux termes de l’art. 635 du Code judiciaire, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004, les étrangers peuvent être assignés devant les tribunaux du royaume, soit par un Belge, soit par un étranger, notamment :
Si l'obligation qui sert de base à la demande est née, a été ou doit être exécutée en Belgique.
Il résulte de cette disposition que les tribunaux belges sont compétents notamment lorsque l’obligation dont l’exécution est demandée est née en Belgique. Il ne suffit par conséquent pas de constater que l’obligation devrait être exécutée dans un autre Etat pour conclure à l’incompétence du juge belge. Il y a également lieu de constater que cette obligation n’est pas née en Belgique.
L’art. 638 du Code judiciaire, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004, dispose par ailleurs que lorsque les différentes bases indiquées au présent titre (concernant la compétence territoriale) sont insuffisantes pour déterminer la compétence des tribunaux belges à l'égard des étrangers, le demandeur peut porter la cause devant le juge du lieu où il a lui-même son domicile ou sa résidence.
Il ressort de cette dernière disposition que, même si l’art. 635,3, du Code judiciaire ne peut être invoqué afin de porter la cause devant le juge belge, celle-ci peut néanmoins être introduite devant le tribunal du lieu où la partie demanderesse est domiciliée, soit en l’espèce Anvers.
(…)
La décision devant la Cour
Appréciation
Quant à la deuxième branche :
En vertu de l’art. 4.1 du règlement (CE) no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, si la défenderesse n'est pas domiciliée sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application des dispositions des arts. 22 et 23, non applicables en l’espèce.
L’art. 635,3, du Code judiciaire, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, dispose que les étrangers peuvent être assignés devant les tribunaux du Royaume, soit par un Belge, soit par un étranger, si l'obligation qui sert de base à la demande est née, a été ou doit être exécutée en Belgique.
En vertu de l’art. 624,2, du Code judiciaire, hormis les cas où la loi détermine expressément le juge compétent pour connaître de la demande, celle-ci peut, au choix de la demanderesse, être portée devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutée.
Pour décider qu’un juge belge ne peut puiser un pouvoir de juridiction international dans l’art. 635 du Code judiciaire, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, il ne suffit pas de constater que l’obligation qui se trouve à la base de la demande a été ou doit être exécutée en dehors de la Belgique, mais il faut en outre constater que cette obligation n’est pas née en Belgique.
Après avoir décidé que la demanderesse ne peut invoquer l’art. 4 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée et qu’à défaut d’une disposition de droit international ou d’un traité international applicable en l’espèce, le juge belge doit s’inspirer des anciennes règles de droit international privé en matière de compétence, les juges d’appel considèrent que, par conséquent, conformément à l’art. 635,3, du Code judiciaire, l’art. 624 du même code désigne le juge compétent.
Ils décident ensuite qu’en l’espèce, seul l’art. 624,2, du Code judiciaire peut justifier la compétence des tribunaux belges et que, étant donné que le paiement doit avoir lieu en Californie, c’est en ce lieu que l’obligation litigieuse doit être exécutée.
En statuant ainsi, ils n’ont pu décider, sans violer les arts. 624,2, et 635,3, du Code judiciaire, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, que le juge belge n’est pas davantage compétent sur la base de l’art. 624,2, du Code judiciaire.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;