ANTECEDENTS DE PROCEDURE
Les parties sont les parents d'E., née le ...
Par requête déposée le 10 janvier 2006, monsieur Y. a demandé au tribunal de la jeunesse de Bruxelles d'instaurer un hébergement alterné hebdomadaire de l'enfant, avec exercice conjoint de l'autorité parentale. Par conclusions déposées le 22 février 2006, madame X. s'est opposée à cette demande principale et a introduit une demande reconventionnelle tendant notamment à entendre réduire l'hébergement de l'enfant chez son père à une demi-journée par semaine, sans nuitée et en présence d'une tierce personne.
Par jugement du 22 mars 2006, le tribunal a reçu les demandes, a ordonné une étude sociale et, statuant à titre provisoire, a :
– dit que l'autorité parentale à l'égard d'E. sera exercée conjointement par ses parents ;
– confié l'hébergement principal et le domicile de l'enfant à sa mère ;
– dit que le père hébergera l'enfant via le service espace-rencontre La Maison de la Famille, une fois par semaine, avec extension et sortie possible selon l'évolution de la situation ;
– fait interdiction au père de quitter le territoire de la Belgique sans l'accord écrit de la mère ;
– fixé la contribution de monsieur Y. aux frais d'entretien et d'éducation d'E. à partir du 22 février 2006 à la somme indexée de 200 EUR par mois, outre la moitié des frais extraordinaires à partir de la même date ;
– fixé la cause en continuation à l'audience du 11 octobre 2006.
Le rapport d'étude sociale a été clôturé le 13 juillet 2006. La Maison de la Famille a rédigé un bilan d'évolution le 2 octobre 2006.
Par jugement du 8 novembre 2006, le tribunal a désigné le docteur Marc Naulaerts afin de procéder à un examen médico-psychologique d'E. et, statuant à titre provisoire, a :
– maintenu l'hébergement principal et le domicile de l'enfant chez sa mère, avec exercice conjoint de l'autorité parentale ;
– dit que l'enfant sera hébergée chez son père un week-end sur deux, du vendredi à la sortie de la crèche au lundi, début de la crèche ;
– dit que ces modalités seront également d'application durant les vacances scolaires ;
– fait interdiction à chacun des parents de quitter le territoire de la Belgique sans l'accord écrit de l'autre parent ;
– maintenu la contribution alimentaire de monsieur Y. à la somme indexée de 200 EUR par mois, due à dater du 22 février 2006, outre la moitié des frais extraordinaires (scolaires, parascolaires, médicaux et paramédicaux), et dit que les frais de crèche constituent des dépenses ordinaires, prévisibles tout comme les frais scolaires ordinaires (minerval, dîners scolaires,...) ;
– fixé la cause en continuation à l'audience du 18 avril 2007.
Par arrêt du 5 mars 2007, la cour d'appel a :
– reçu les appels et la demande nouvelle de l'intimé ;
– confirmé le jugement du 8 novembre 2006 en ce qu'il désignait le docteur Marc Naulaerts en qualité d'expert médico-psychologique ;
– modifié l'objet et le déroulement de la mission confiée à cet expert ;
– suspendu provisoirement l'exercice du droit d'hébergement secondaire fixé par le jugement du 8 novembre 2006 ;
– mis ce jugement à néant en ce qu'il interdisait à madame X. d'emmener sa fille en dehors du territoire de la Belgique sans l'accord écrit de monsieur Y. ;
– confirmé provisoirement la contribution alimentaire fixée par les jugements du 22 mars et du 8 novembre 2006, sous la seule précision que les frais extraordinaires partagés séparément sont les suivants : les frais médicaux qui résultent des hospitalisations, des interventions chirurgicales, des traitements de longue durée ainsi que des traitements d'orthopédie, orthodontie et ophtalmologie, les frais de kinésithérapie, de logopédie et de psychothérapie, ainsi que les frais scolaires exposés pour les voyages scolaires avec nuitée ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– délaissé à chacune des parties ses propres dépens d'appel ;
– renvoyé la cause au premier juge.
Le rapport d'expertise du docteur Naulaerts a été clôturé le 15 décembre 2007 et déposé le 18 décembre 2007.
Le jugement du 19 novembre 2008, statuant à titre provisoire :
– confirme pour autant que de besoin l'exercice conjoint de l'autorité parentale, l'hébergement principal de l'enfant chez sa mère et la contribution alimentaire de 200 EUR par mois à charge du père ;
– dit que le père rencontrera sa fille le premier samedi de chaque mois via l'espace-rencontre La Maison de la Famille (avec extension et sortie possible selon l'évolution de la situation) ;
– sursoit à statuer sur le surplus des demandes ;
– fixe la cause en prosécution à l'audience du 6 mai 2009 ;
– réserve les dépens.
Le premier juge a également décidé, sans le préciser au dispositif du jugement, qu'il ne pouvait pas autoriser madame X. à séjourner à Lisbonne avec l'enfant.
La requête d'appel déposée le 8 décembre 2008 vise la réformation de ce jugement, qui a été déclaré exécutoire nonobstant tout recours.
OBJET DES APPELS
Aux termes de ses conclusions de synthèse, déposées le 27 février 2007, madame X. demande à la cour :
– de l'autoriser à résider avec E. à son adresse au Portugal ;
– de suspendre tout hébergement de l'enfant par son père, dans l'attente de l'issue qui sera donnée par le juge pénal à la plainte avec constitution de partie civile qu'elle déposée en mai 2008 entre les mains du juge d'instruction (dossier ...notices BR) et du dépôt du rapport social demandé par le juge de la jeunesse en matière protectionnelle en son ordonnance du 19 mai 2008 ;
– d'ordonner un complément d'expertise au docteur Naulaerts et/ou de désigner un nouvel expert chargé d'accomplir les missions listées par la cour en son arrêt du 5 mars 2007.
Bien qu'elle ne le précise pas au dispositif de ses conclusions, madame X. demande également à la cour de condamner monsieur Y. à prendre en charge la moitié de certains frais exposés pour Emie.
Monsieur Y. demande à la cour de débouter madame X. des mérites de son appel.
Il introduit un appel incident qui tend à entendre condamner madame X. au paiement d'une astreinte de 100 EUR par jour en cas de non-présentation de l'enfant sans justificatif valable.
DISCUSSION
Quant aux faits
Omar Y. et Katrine X., tous deux d'origine syrienne, ont entretenu une relation à partir de 1991 et ont cohabité à partir de 2001. Leur fille E. est née le.... Ils se sont séparés en juin 2004, soit quatre mois après la naissance de l'enfant. Dans un premier temps, l'hébergement d'E. a été organisé de commun accord entre les parties, monsieur Y. allant même, pendant quelque mois, rencontrer sa fille le dimanche au domicile de madame X.
Les relations entre les parties se sont fortement détériorées lorsque madame X. a noué une nouvelle relation affective, avec Jonathan S. Le 25 décembre 2005, un violent incident a éclaté en présence d'E. et madame X. a porté plainte pour coups et blessures. Cet incident a éclaté après que monsieur Y. ait demandé qu'E. reste dormir chez lui, ce à quoi madame X. s'est opposée, estimant qu'il ne disposait pas de ce qu'il fallait pour accueillir un enfant (étude sociale du 13 juillet 2006, p. 3 et 4).
Cet incident a entraîné une rupture des contacts père-fille entre le 25 décembre 2005 et le 26 avril 2006.
Dès le début de la procédure initiée le 10 janvier 2006 par le père en vue d'obtenir un hébergement alterné de l'enfant, madame X. a invoqué la personnalité manipulatrice et violente de monsieur Y. qui, selon elle, est incapable de se contrôler lorsque quelqu'un va à l'encontre de sa volonté.
Dans ses premières conclusions de première instance, déposées le 22 février 2006, elle s'opposait à ce qu'E. dorme chez son père, en soulignant que le logement de celui-ci n'était pas adapté à l'accueil d'un jeune enfant et que son comportement était en totale inadéquation avec le jeune âge de sa fille, dont il ne s'était jamais réellement occupé et qu'il n'avait jamais souhaité garder plus de 2 ou 3 heures. Elle invoquait également le risque que monsieur Y. parte en Syrie avec l'enfant. Elle estimait à cette époque que son droit d'hébergement devait se dérouler en journée et en présence d'une tierce personne, en raison de son comportement violent et de son irresponsabilité. Un grand nombre de témoignages écrits, émanant de l'entourage de madame X., abondaient dans ce sens.
Le jugement du 22 mars 2006 a mis en place des rencontres encadrées par La Maison de la Famille. Du 26 avril au 23 août 2006,18 rencontres père-fille ont été organisées dans les locaux du centre.
En juin et juillet 2006, lors de ses entretiens avec l'assistante de justice chargée de réaliser l'étude sociale, madame X. mettait encore en avant le logement et l'horaire professionnel inadaptés de monsieur Y., son engagement parental inexistant, ses attitudes inadéquates et surtout sa nature impulsive et violente. Elle se disait rassurée par l'intervention d'un centre espace-rencontre, tout en exprimant des doutes quant au bon déroulement des visites, dont sa fille revenait « hystérique ».
Constatant une déstabilisation du comportement de sa fille et inquiète face au projet d'organiser des sorties, madame X. a sollicité l'intervention de l'équipe SOS Enfants-Famille de l'UCL (hôpital Saint-Luc), qui a eu 11 entretiens avec E. et ses parents entre le 8 juin et le 6 septembre 2006. Il ressort du rapport du 2 octobre 2006 de La Maison de la Famille que l'équipe SOS Enfants-Famille a pu démentir les inquiétudes de la mère, en indiquant « qu'il n'existait aucun élément justifiant de ne pouvoir envisager des sorties ».
Le 2 septembre 2006, l'enfant est sortie avec son père pendant une heure, le 6 septembre pendant 2 heures, les 16 et 20 septembre pendant 4 heures. Aucune information n'a été fournie sur les rencontres père-fille en octobre 2006.
Le jugement du 8 novembre 2006 a fixé l'hébergement d'E. chez son père à un week-end sur deux, du vendredi à la sortie de la crèche au lundi, début de la crèche. Un seul week-end a eu lieu conformément aux dispositions de ce jugement : celui du vendredi 24 au lundi 27 novembre 2006.
Dès le 27 novembre 2006, madame X. s'est présentée à la police pour déposer plainte contre monsieur Y. du chef d'attentat à la pudeur sur Emie.
Les 29 novembre et 7 décembre 2006, elle s'est rendue au centre Le Grès, où E. a été reçue par le docteur..., pédopsychiatre, qui déclare qu'en consultation l'enfant s'est révélée très angoissée, habitée par des tensions importantes et présentant un comportement hypomane (agitation, logorrhée), en précisant qu'un tel comportement pourrait être observé chez un enfant en bas âge confronté pour la première fois à une brusque et longue séparation d'avec sa figure d'attachement principale.
Le 15 décembre 2006, madame X. s'est rendue avec sa fille au service SOS-enfants de l'ULB (l'hôpital Saint-Pierre), où elle a rencontré madame Sophie M., qui a pris contact avec le juge de la jeunesse.
Une audition vidéo-filmée de l'enfant a été organisée le 19 janvier 2007 et la psychologue madame Fanny Sempoux qui y a assisté a déposé deux rapports, le 23 février et le 13 avril 2007. Le dossier pénal a ensuite été classé sans suite, le 21 mars 2007 selon l'appelante.
Le 27 février 2007, lorsque l'affaire a été plaidée devant la cour d'appel, le jugement du 8 novembre 2006 n'était plus exécuté depuis trois mois. Madame X. a exposé que sa fille était très perturbée et parlait « de façon constante et récurrente » des abus sexuels commis par son père (p. 5 de ses conclusions de cette date). Monsieur Y. a fait valoir que madame X. usait de tous les subterfuges possibles en vue d'interrompre sa relation avec sa fille et que cette attitude était essentiellement motivée par la rancoeur qu'elle éprouvait envers lui. Il a soutenu que l'enfant n'était pas perturbée en raison d'une quelconque maltraitance sexuelle commise par son lui mais en raison du conflit de loyauté dans lequel elle se trouve suite à la dynamique conflictuelle particulièrement aiguë entre ses parents.
Une agression physique commise par monsieur Y. à la sortie de l'audience à la cour d'appel (27 février 2007) et une attitude agressive et provocatrice à la fin de la première réunion d'expertise (23 mars 2007) ont confirmé sa nature impulsive et sa difficulté à se contenir lorsqu'il est en colère.
L'arrêt du 5 mars 2007 a suspendu provisoirement l'exercice du droit d'hébergement de monsieur Y. dans l'attente des résultats de l'expertise confiée par le premier juge au docteur Naulaerts, dont la mission a été modifiée.
Le rapport préliminaire de l'expert Naulaerts a été communiqué le 7 août 2007, les dernières observations des parties lui ont été communiquées le 11 octobre 2007 et son rapport final a été déposé le 18 décembre 2007.
La cause a été plaidée à l'audience du tribunal de la jeunesse du 13 février 2008, avec mise en continuation au 14 mai 2008 pour « permettre au ministère public de déposer certaines pièces ».
Le 13 mai 2008, soit 14 mois après le classement sans suite de la plainte et 24 heures avant l'audience de mise en continuation, madame X. s'est constituée partie civile entre les mains du juge d'instruction Quintin, ce qui a provoqué une nouvelle remise de l'affaire.
Le 15 mai 2008, un dossier protectionnel a été ouvert au tribunal de la jeunesse sur la base de l'art. 36/2 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse. Une mesure de surveillance a été ordonnée par ordonnance du 19 mai 2008 et une mission a également été confiée à l'équipe SOS Enfants-Famille de l'hôpital Saint-Luc.
En septembre 2008, madame X. a quitté la Belgique pour s'établir au Portugal avec l'enfant sans y être autorisée par monsieur Y. ou par le tribunal de la jeunesse. Monsieur Y. a introduit une demande en retour fondée sur la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 telle que complétée par le Règlement Bruxelles IIbis, demande que l'Autorité Centrale portugaise a communiquée au tribunal de la famille et des mineurs de Lisbonne (Cascais).
A l'audience du tribunal de la jeunesse du 22 octobre 2008, madame X. représentée par son conseil a sollicité une nouvelle remise de l'affaire pour, selon ses conclusions déposées à cette date, « expliquer les raisons de son départ précipité pour des raisons professionnelles ». Cette nouvelle demande de remise est expliquée différemment dans ses conclusions d'appel, où elle expose qu'elle s'attendait à ce que la cause soit encore reportée dans l'attente de l'issue de l'instruction pénale et qu'elle fut très surprise lorsque son conseil apprit à l'audience « qu'il n'en serait rien et que le juge entendait prendre la cause en l'absence même de la concluante et sans que l'instruction de l'affaire pénale n'ait abouti » (p. 7).
Le jugement du 19 novembre 2008 a rétabli des rencontres encadrées par La Maison de la Famille, dans un premier temps à raison d'un samedi par mois, avec extension et sortie possible selon l'évolution de la situation. Cette décision, pourtant déclaré exécutoire, n'a jamais été exécutée.
L'instruction pénale est toujours en cours.
Quant à la voie de fait commise par la mère
1. L'exercice conjoint de l'autorité parentale implique que les décisions importantes concernant la santé de l'enfant, son éducation, sa formation et ses loisirs ne peuvent être prises que moyennant le consentement des deux parents ou l'autorisation de l'autorité judiciaire compétente.
Il en est effectivement ainsi, notamment, de tout changement d'école et de tout déménagement susceptible de porter préjudice à l'exercice du droit d'hébergement de l'autre parent.
Dès lors, le départ au Portugal constitue manifestement un acte commis en violation de la législation belge relative à l'exercice de l'autorité parentale.
Madame X. ne peut évidemment pas se fonder sur l'arrêt du 5 mars 2007, qui l'autorisait à emmener sa fille à l'étranger pendant les vacances, pour se considérer autorisée à établir l'hébergement principal de l'enfant en dehors du territoire de la Belgique.
Cette voie de fait se double du non-respect du jugement du 19 novembre 2008, déclaré exécutoire nonobstant tout recours, par lequel le tribunal a décidé de ne pas autoriser madame X. à séjourner à Lisbonne avec l'enfant.
2. Le 28 juillet 2008, madame X. a certes reçu une offre d'emploi à ... établie à Lisbonne. Il s'agit d'un contrat d'emploi pour une durée renouvelable de trois ans et une rémunération mensuelle d'environ 1.850 EUR, qu'elle a aussitôt accepté.
Elle présente son départ au Portugal comme une opportunité professionnelle « tombée du ciel » (p. 7 de ses conclusions), qui lui était « extrêmement favorable » (p. 10) et qu'elle ne pouvait pas refuser, compte tenu de l'incertitude de sa situation professionnelle en Belgique puisque son contrat d'emploi à la Commission européenne, avec une rémunération similaire, était établi pour une durée déterminée expirant le 31 octobre 2008.
Eu égard à l'ensemble des éléments du dossier, cette affirmation apparaît particulièrement peu convaincante, les éléments d'information soumis à la cour indiquant plutôt que l'offre d'emploi de ... a constitué une opportunité professionnelle qui permettait à madame X. de faire obstacle au rétablissement de la relation entre E. et son père.
3. Ainsi, notamment :
– il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le contrat d'emploi à la Commission européenne n'allait pas être reconduit ;
– l'offre d'emploi suppose une démarche antérieure de madame X. pour postuler cet emploi ; or, elle n'explique ni quand ni pourquoi elle a postulé cet emploi au Portugal, pays avec lequel elle n'avait aucun lien et dont elle ne connaissait pas la langue ;
– si elle est partie au Portugal avec Emie, son compagnon Jonathan S. travaille et réside encore actuellement en Belgique, ce qui contredit d'ailleurs l'affirmation selon laquelle elle n'a plus de logement en Belgique.
4. En outre, madame X. a caché son projet de départ pendant plusieurs semaines, et plus particulièrement jusqu'à son départ effectif, empêchant ainsi le déclenchement de procédures d'urgence pouvant y faire obstacle.
En effet, le rapport établi le 21 octobre 2008 par madame Liliane Debaye, déléguée du SPJ (Service de Protection Judiciaire), indique : « J'ai vu la maman et E. pour la dernière fois le 10 septembre 2008 lors d'une visite à domicile. A aucun moment, la maman n'a mentionné la possibilité d'une expatriation au Portugal pour son travail. Il était même prévu que je reprenne contact pour m'entretenir seul à seul avec monsieur S. John, son compagnon. » (p. 6). Or, E. a été inscrite le 8 septembre 2008 au Lycée Français de Lisbonne et madame X. y a signé le 11 septembre 2008 un contrat de location d'un appartement.
Par ailleurs, alors que l'offre d'emploi ...date du 28 juillet 2008, ce n'est que par lettre du 26 septembre 2008 que, par le truchement de son conseil, madame X. a informé le juge de la jeunesse qu'elle était partie s'installer à Lisbonne avec l'enfant.
5. Enfin, le départ de madame X. au Portugal correspond au début de l'intervention protectionnelle du tribunal de la jeunesse, dans le cadre de laquelle le juge venait de mettre en place un suivi par le SPJ et un travail thérapeutique par l'équipe SOS Enfants-Famille de l'hôpital Saint-Luc, en vue de la reconstruction de la relation père-fille et du rétablissement de leurs contacts, comme préconisé par le docteur Naulaerts.
Or, la déléguée Debaye note dans son rapport du 21 octobre 2008 : « Madame ne semble pas du tout prête à une quelconque concession en ce qui concerne son ancien compagnon et, pour elle, il n'y a rien à mettre en place ou des aspects à travailler car il est coupable. (...) Pour elle, il semble hors de question que le père revoie un jour sa fille même avec un service encadrant car elle ne le supporterait pas » (p. 5).
6.Eu égard à ces éléments, la bonne foi dont se réclame madame X. est improbable. Son départ au Portugal apparaît au contraire comme une fuite permettant de faire obstacle à la reprise de contacts entre E. et son père, et ce bien qu'il soit incontestable qu'elle a reçu une offre d'emploi en juillet 2008.
Quant au rapport d'expertise du docteur Naulaerts
1. La cour peut effectivement, si elle ne trouve pas les éclaircissements suffisants dans le rapport d'expertise du 15 décembre 2007, ordonner soit la réalisation d'une expertise complémentaire par l'expert Naulaerts, soit la réalisation d'une nouvelle expertise par un autre expert.
2. Il est exact que l'expert aurait pu prendre contact avec certains tiers, et notamment avec l'équipe SOS Enfants-Famille de l'UCL (qui a reçu E. et ses parents en juillet et août 2006) et le docteur ...du centre Le Grès (qui a reçu E. et sa mère les 29 novembre et 7 décembre 2006). Il a expliqué qu'il n'a pas estimé utile de le faire, dès lors que la première a pu démentir des inquiétudes de la mère (jugement du 8 novembre 2006) et que le second n'évoque pas l'éventualité d'attouchements sexuels (attestation du 13 décembre 2006).
Malgré le nombre impressionnant des observations et rectifications faites suite à la communication de ses préliminaires, l'expert n'a pas été informé du fait que madame X. a consulté deux équipes SOS différentes, celle de l'UCL et celle de l'ULB, et que madame Mintiens ne faisait pas partie de l'équipe SOS qu'elle avait consultée en juillet et août 2006 et qui « avait pu démentir ses inquiétudes ».
Un contact téléphonique a bien eu lieu, le 23 mars 2007, entre le docteur Naulaerts et madame Sempoux, mais les experts ont décidé de ne pas échanger d'informations concernant la situation, en vue de préserver la neutralité des deux expertises (rapport de madame Sempoux, p. 4).
Il est exact que l'arrêt du 5 mars 2007 avait dit que « l'expert pourra, dans le cadre de sa mission, organiser en sa présence une ou plusieurs rencontres entre E. et son père » et que l'expert n'a pas organisé de telles rencontres. L'appelante est cependant malvenue de le lui reprocher puisqu'elle ne l'a pas invité à procéder à cette mise en présence, explicitement facultative.
3. Pour le surplus, la longue liste des devoirs complémentaires que madame X. a sollicités de l'expert Naulaerts, en lui demandant « de repartir à zéro » dans l'examen de cette situation, apparaît déraisonnable, tant au regard de la mission de l'expert que de la provision qui lui a été versée.
Plusieurs parmi ces devoirs sortent complètement de la mission de l'expert et relèvent peut-être d'une confusion entre une expertise civile et une instruction pénale : les testings de personnalité concernant les parents, la vérification des conditions de vie du père, l'audition de l'institutrice et la puéricultrice d'Emie, l'audition de la soeur de madame X., ...
L'expert a pris connaissance des dossiers produits par les parties, et notamment des attestations des personnes précitées. Il n'y avait aucun intérêt pour lui d'entendre ces personnes pour qu'elles confirment ce dont elles avaient témoigné dans les écrits versés au dossier.
L'expert a expliqué pourquoi il ne voyait pas l'utilité de donner suite aux demandes de l'appelante. Il a rappelé à juste titre :
– que, dans le cadre d'une mission ordonnée par une juridiction de la jeunesse, il ne lui appartient pas de procéder à un examen psychiatrique et/ou psychologique des parents ;
– que le rapport d'expertise en matière civile n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si E. a été abusée sexuellement par son père, question qui fait l'objet d'une instruction pénale ;
– que l'audition vidéo-filmée d'E. fait partie du dossier pénal, auquel il n'a pas accès dans le cadre de la procédure civile ;
– qu'il n'est pas dans les habitudes des psychiatres de soumettre les enfants à des tests psychologiques, ce qui au demeurant avait déjà été fait par madame Sempoux.
Il a également rappelé les effets des phénomènes de contamination.
4. En réalité, la cour trouve les éclaircissements suffisants dans le rapport d'expertise du docteur Naulaerts et ne peut adhérer à l'affirmation selon laquelle l'expert a « bâclé son travail et laissé les parties et le tribunal dans l'incertitude la plus complète » (p. 15).
5. L'expert a décrit la dynamique familiale décelée à l'origine des difficultés qui se posent au niveau des contacts entre E. et son père. Il peut notamment en être retenu que :
– E. est née dans un climat conjugal très problématique, madame X. pointant le manque d'intérêt du père pour sa grossesse puis pour l'enfant ;
– depuis la séparation de ses parents, survenue quatre mois après sa naissance, E. a été éduquée exclusivement par sa mère, une mère traumatisée par sa relation avec le père et fortement blessée par son attitude ;
– si monsieur Y. a pu, dans un premier temps, rencontrer sa fille lorsqu'il le souhaitait, les relations se sont fortement dégradées fin 2005, lorsque madame X. a rencontré son compagnon actuel ;
– l'incident du 25 décembre 2005 a sûrement été traumatisant pour l'enfant ;
– les démarches entreprises par monsieur Y. pour revendiquer un hébergement égalitaire de l'enfant, qui n'avait pas encore deux ans et n'avait encore jamais passé la nuit chez lui, peuvent être considérées comme liées à la perte de son emprise sur son ex-compagne, en raison de l'arrivée d'un autre homme dans sa vie ;
– à cette époque, madame X. a observé un changement dans le comportement d'E. ; ses inquiétudes ont pris de l'ampleur et elle a estimé que sa fille n'était pas en sécurité chez le père ; si elle s'est opposée à l'hébergement alterné et même à un hébergement plus limité avec nuitées, elle n'a, cependant, évoqué à cette époque aucune suspicion quant à des attouchements sexuels.
L'expert a analysé comment la dynamique familiale à abouti à la forte perturbation de l'enfant le premier week-end qu'elle a passé chez son père, perturbation qui a accentué l'angoisse d'une mère déjà anxieuse :
– « Ce week-end du 24 au 27 novembre 2006, E. a présenté un important trouble d'anxiété (qu'on peut qualifier d'état de stress post-traumatique), réaction qui s'explique par une angoisse de séparation chez une enfant de deux ans et demi qui, dans un contexte de forte méfiance entre ses parents et avec une mère fortement inquiète, passe un premier – et pour elle trop long – week-end seule chez son père » (elle a été séparée de sa mère du vendredi matin, lors de son arrivée à la crèche, jusqu'au lundi après-midi à la sortie de la crèche).
– « Ici on est allé vraiment trop vite sans respecter le rythme de l'enfant. C'est alors à juste titre que le docteur B., après avoir examiné la jeune E. le 29 novembre et le 7 décembre 2006, évoque le diagnostic d'un comportement qu'on peut observer chez un enfant en bas âge, confronté pour la première fois à une brusque et longue séparation d'avec sa figure d'attachement principale ».
L'expert a largement détaillé les vecteurs qui depuis lors ont mené à une accentuation de l'angoisse chez la mère et chez l'enfant, processus de projections réciproques qui a complètement détérioré la situation, puisque tous les contacts entre E. et son père ont été rompus, qu'E. est restée avec une image fortement négative de son père (« il est méchant »), que madame X. a confirmé cette image négative, qu'elle s'est convaincue qu'E. a subi des attouchements sexuels chez son père et est en grave danger chez lui, tandis que monsieur Y. estime E. en danger chez la mère.
L'expert conclut :
« Tout cela a mené, chez Emie, à une cristallisation de son angoisse dans une image du père fort négative et menaçante, angoisse qu'elle arrive maintenant à contrôler par une défense phobique, en évitant totalement son père.
Déjà le 8 novembre 2006 madame le juge conclut qu'il n'y ait aucun élément objectif empêchant la mise en place de nuitées chez le père,... de sorte qu'elle décide d'accorder au père un hébergement secondaire un week-end sur deux. Nous n'avons pas trouvé d'éléments nécessitant une remise en question de cette décision, si ce n'est le jeune âge de l'enfant et l'angoisse de sa mère. (En effet, la séparation mère-fille du vendredi matin au lundi après-midi s'est avérée trop longue tant pour la mère que pour l'enfant).
Il y aurait ainsi lieu de rétablir le contact entre E. et son père, mais (...) la situation n'est plus celle du mois de novembre 2006 et il y a maintenant d'abord un important travail de reconstruction à faire. En effet, où l'idéal est de restaurer le plus rapidement possible le contact entre E. et son père, il faut tenir compte de la réalité de cette nouvelle situation (en effet, mère, père et fille sortent gravement traumatisés par cette histoire).
Cette situation demande une prise en charge thérapeutique par un centre spécialisé dans le domaine familial, où (des) thérapies individuelles des parents s'associeront à une thérapie individuelle de l'enfant.
Une fois ce travail de reconstruction en cours, les contacts entre E. et son père pourront reprendre à partir du cadre d'un centre espace-rencontre. »
Quant à l'accusation d'abus sexuel
1. L'accusation d'abus sexuel à l'égard d'E. repose sur le comportement perturbé de l'enfant et sur ses paroles, entendues directement ou rapportées par des tiers.
L'accusation est intervenue juste après le week-end du 24 au 27 novembre 2006, dans un contexte de conflit aigu entre ses parents, dans le cadre duquel sa mère refusait depuis 11 mois que son père entretienne des relations avec elle sans être encadré par des tiers, et plus particulièrement par un service espace-rencontre.
Dans les semaines qui ont suivi ce week-end, madame X. a effectué plusieurs démarches au commissariat de police – le 27 novembre (P.V. no. 32774/06), le 10 décembre (P.V. no. 34218/06) et le 15 décembre 2006 (P.V. no. 34040/06) – pour y faire part de ses soupçons d'attouchements sexuels de l'enfant par son père à l'occasion de l'exercice de son droit d'hébergement.
Le 27 novembre 2006, la directrice et une puéricultrice de la crèche Sainte-Anne certifient qu'E. a dit, en rentrant du week-end passé chez son père, avoir « dormi dans le lit de son papa ». Le 19 mars 2007, une autre puéricultrice déclare qu'E. lui a dit la phrase suivante, après un passage aux toilettes : « Mon papa met ses doigts sur mon pepet et me dit que je ne peux plus aller chez maman ». Encore une autre déclare, dans une attestation non datée, qu'E. est souvent venue s'adresser à elle afin de lui expliquer les comportements de son père envers elle.
2. La chronologie des dénonciations telles qu'elles apparaissent dans les procès-verbaux est interpellante.
Dans sa plainte initiale, déposée le 27 novembre 2006, madame X. déclare :
« Depuis le mois de décembre 2005, E. tient des propos qui ne sont pas de son âge et me pose des questions étranges.
Un jour alors que je me préparais dans la salle de bain, elle m'a dit 'tourne pour que je vois comme tu as un beau pepet'. J'ai été surprise et je lui ai demandé un peu en rigolant pourquoi elle me disait ça. Elle m'a répété la même chose. Je lui ai demandé qui disait ça. Elle m'a répondu qu'elle disait comme papa.
Un jour, comme je me trouvais dans mon salon en compagnie de mon compagnon, j'ai vu E. jouer avec sa poupée et la secouer. Elle m'a dit 'faire pipi dans la bouche de la poupée comme papa Omar'. J'ai été choquée.
Lorsque nous étions partis en vacances, je ne lui ai pas mis de pampers car il faisait chaud. Elle était couchée sur le dos et elle a commencé a toucher son sexe avec ses doigts. Je lui ai demandé pourquoi elle faisait ça. Elle m'a répondu 'je fais comme papa Omar'.
E. est perturbée et elle fait beaucoup de cauchemars. Elle a cassé un barreau de son lit. Lorsque je lui demande pourquoi elle a peur elle me répond 'parce que papa il met le masque'. (...)
Aujourd'hui, je me trouvais en compagnie de ma fille chez le médecin. Nous étions dans la salle d'attente. Nous parlions de tout et de rien. E. m'a dit 'j'ai dormi dans le lit à papa Omar et j'ai fait le pepet avec papa Omar. Pourquoi je dois faire le pepet avec papa Omar il est méchant ?' »
Il ressort de cette première déclaration que madame X. y fournit très peu d'informations postérieures au week-end du 24 au 27 novembre 2006, en comparaison avec les informations antérieures à ce week-end.
Son compagnon Jonathan S., entendu le 20 décembre 2006 (P.V. no. 35269/06), a remis aux verbalisants une lettre écrite le 1er décembre 2006, dans laquelle lui aussi fait abondamment état de comportements inquiétants d'E. depuis décembre 2005.
Lors de ses entretiens avec madame Sempoux (mars 2007) et avec le docteur Naulaerts (avril et mai 2007), madame X. a également évoqué des signes d'abus sexuel apparus entre octobre-novembre 2005 et novembre 2006.
Or, il ressort des pièces versées au dossier qu'avant le week-end du 24 au 27 novembre 2006 madame X. n'a jamais informé le tribunal de la jeunesse de ses craintes ou soupçons quant à des attouchements sexuels commis par monsieur Y. sur E. :
– l'étude sociale du 13 juillet 2006 ne contient aucune allusion à des soupçons quant à des faits de mœurs ;
– de même, les conclusions de madame X. du 22 février, du 29 septembre et du 11 octobre 2006, ainsi que les 14 attestations provenant de ses proches n'y font aucune allusion, alors qu'elles multiplient les objections à l'octroi d'un droit d'hébergement chez le père.
Par ailleurs, l'expert Naulaerts a relevé une évolution dans les dénonciations au cours de sa mission, entre les entretiens menés en avril et mai 2007 et le courrier adressé en septembre 2007 : « On ne peut que constater comment de nouveaux éléments sont ajoutés aux déclarations originales de l'enfant : 'Ensuite, elle m'a dit qu'il le lui a mis par derrière' (il s'agit d'une histoire qui se construit, qui se développe) » (p. 18).
Si l'expert Naulaerts ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si E. a été abusée sexuellement par son père, il a néanmoins fourni une hypothèse qui explique la dynamique des troubles comportementaux observés chez l'enfant.
3. De son côté, madame Fanny Sempoux, psychologue mandatée par le procureur du Roi de Bruxelles suite à la plainte déposée par madame X., a assisté à l'audition vidéo-filmée d'E. et a déposé deux rapports, le 23 février et le 13 avril 2007.
Bien que l'audition de l'enfant ait été peu concluante dans le récit offert des faits, les éléments recueillis au cours de sa mission n'ont pas permis à la psychologue de se positionner quant à la crédibilité du discours tenu par l'enfant.
Son examen psychologique a permis de mettre en exergue une détresse importante ainsi qu'un sentiment de culpabilité chez la mère qui, par conséquent, éprouve des difficultés à mettre des limites sa fille.
Madame Sempoux a davantage été confrontée aux attitudes d'opposition de l'enfant qu'aux signes anxieux de celle-ci. Elle a souligné l'importance pour la mère d'être accompagnée psychologiquement pour qu'elle puisse à son tour sécuriser sa fille, tout en lui donnant des repères et en lui imposant des limites indispensables à son développement.
Elle a considéré qu'une rencontre entre l'enfant et son père ne devrait pas s'envisager sans la présence d'un professionnel jouant la fonction de tiers, la mère devant pouvoir être rassurée sur le fait qu'aucun tort ne sera fait à son enfant, et ce d'autant plus qu'elle-même n'a pas pu assurer son propre sentiment de sécurité lorsqu'elle vivait avec monsieur Y.
4. La cour ne comprend pas à quoi l'appelante fait allusion lorsqu'elle fait état de « son étonnement du peu d'empressement qu'ont témoigné les autorités pénales en charge de ce dossier suite aux plaintes pour faits graves dénoncés par la concluante et par les docteurs B. et M. qui ont spontanément dénoncé les faits aux autorités judiciaires et de police suite aux constatations effectuées personnellement » (p. 15 de ces conclusions du 27 février 2009).
Le dossier ne contient aucune trace d'un signalement par le docteur B ou madame M et, contrairement à ce que l'appelante soutient, il ne ressort ni des pièces produites ni des explications du ministère public que madame M de l'équipe SOS-enfants de l'ULB aurait « dénoncé » une situation d'abus sexuel au parquet de Bruxelles. Le simple fait d'établir un contact téléphonique avec le parquet ou le tribunal suite à des accusations de la mère n'implique aucune prise de position à ce sujet. Au demeurant, ces contacts sont forcément postérieurs à la plainte déposée le 27 novembre 2006 madame X., puisque celle-ci déclare elle-même ne s'être rendue que le 15 décembre 2006 à l'hôpital Saint-Pierre.
5. Madame X. n'explique pas où et quant monsieur Y. a pu commettre, avant le week-end du 24 au 27 novembre 2006, les abus sexuels qu'elle dénonce, sachant que :
– de la séparation en juin 2004 au 25 décembre 2005, il « se bornait à quelques visites au domicile de madame X. ou de sa sœur » (p. 4 des conclusions de l'appelante du 27 février 2009) et il « n'a jamais souhaité garder l'enfant plus de deux ou trois heures » (p. 3 de ses conclusions du 22 février 2006) ;
– du 25 décembre 2005 au 26 avril 2006, il n'a pas vu sa fille ;
– du 26 avril au 2 septembre 2006, les contacts se sont déroulés à La Maison de la Famille.
6.Au stade actuel des informations dont la cour dispose, c'est-à-dire sous réserve des éléments complémentaires que pourrait apporter l'instruction pénale, les faits de moeurs dénoncées par madame X. n'ont pas pu être objectivés et n'apparaissent pas suffisamment probables pour justifier la suspension de tout contact entre E. et son père.
Madame X. ne l'accepte pas mais force est de constater qu'elle reste enfermée dans un discours qui diabolise monsieur Y. et dans une dynamique dans laquelle elle dénigre ou ignore tous les avis qui n'abondent pas dans son sens.
Les réactions aux préliminaires du rapport d'expertise sont éclairantes à cet égard. Même si – forcément – les observations formulées ne sont pas toutes dénuées de pertinence, l'ensemble de ces observations est révélateur d'une tendance à contester systématiquement tous les avis contraires à ses demandes et prises de position.
Avant cela, madame X. avait déjà abondamment critiqué le rapport d'étude sociale du 13 juillet 2006 de l'assistante de justice, le bilan d'évolution du 2 octobre 2006 de La Maison de la Famille et le rapport d'examen psychologique du 13 avril 2007 de madame Sempoux.
La fait même qu'elle se soit rendue en décembre 2006 chez le docteur Bdu centre Le Grès puis chez madame M. de l'équipe SOS-enfants de l'ULB, alors qu'elle avait déjà consulté l'équipe SOS Enfants-Famille de l'UCL au cours de l'été 2006 (ce qu'elle a peut-être même omis de signaler à ces deux intervenants), montre qu'elle ne faisait pas confiance à l'équipe de l'UCL ou n'était pas rassurée par son intervention. Ce fait constitue une indication supplémentaire de sa tendance à consulter tous azimuts, à la recherche du service où elle pourrait se sentir « entendue ».
7. On peut comprendre que madame X. aurait aimé recevoir un rapport d'expertise qui fournirait « une preuve scientifiquement irréfutable » quant au fondement ou au non-fondement de ses accusations d'abus sexuel.
Compte tenu des éléments dont la cour dispose, il semble d'ores et déjà manifeste que cette vérité scientifiquement irréfutable ne sera jamais fournie et qu'il faudra se contenter d'une vérité judiciaire.
Dans ces conditions il est à craindre que, dans l'hypothèse où l'instruction pénale n'aboutissait pas à la condamnation de monsieur Y., la décision judiciaire ne parviendrait pas à rassurer madame X., ni à ébranler ses convictions.
8. Les éléments relevés ci-dessus ne signifient pas que les inquiétudes de madame X. ne seraient pas sincères.
Les intervenants ont observé une réelle détresse chez cette mère qui, fragilisée par son expérience de vie commune avec le père, a manifesté très tôt beaucoup d'angoisse face à la perspective que monsieur Y. puisse sortir du centre espace-rencontre avec Emie.
Plusieurs éléments du dossier confirment que la vie de couple des parties a été peu heureuse et permettent de considérer que monsieur Y. a adopté, tant pendant qu'après la vie commune, des comportements dominateurs, violents et peu respectueux à l'égard de madame X.
Quant à la demande d'autoriser la mère à établir la résidence principale de l'enfant au Portugal
1. Le fait que madame X. exerce l'hébergement principal d'E. n'est pas remis en question par monsieur Y.
Le litige porte sur la question de savoir si madame X. peut exercer cet hébergement principal à Lisbonne ou si elle doit l'exercer à Bruxelles.
2. Il n'est ni contestable ni contesté que, nonobstant le déménagement de madame X. au Portugal, le tribunal de la jeunesse de Bruxelles et, aujourd'hui, la cour d'appel sont restés compétents pour organiser les modalités d'hébergement d'Emie.
L'art. 10 du Règlement Bruxelles IIbis dispose en effet qu'en cas de déplacement illicite d'un enfant « les juridictions de l'État membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu'au moment où l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre ».
Le Règlement garantit ainsi, lorsqu'un enfant est enlevé d'un Etat membre vers un autre Etat membre, que les juridictions de l'Etat membre d'origine conservent leur compétence nonobstant l'enlèvement pour statuer sur la question de « la garde ».
Toutefois, cette disposition ne confère de compétence à l'Etat membre d'origine que pour statuer sur la question de « la garde » et non pour statuer sur le retour de l'enfant en cas de déplacement illicite.
Cette dernière question est traitée par l'art. 11 du Règlement qui renvoie sur ce point à la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 tout en la complétant.
L'art. 12 de la Convention de La Haye prévoit que la demande de retour de l'enfant doit être faite « devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat contractant où se trouve l'enfant ».
Ce n'est que si cet Etat membre rend une décision de non-retour que la juridiction de l'Etat membre d'origine rendra une « décision finale sur l'enlèvement » conformément aux dispositions de l'art. 11.8 du Règlement européen.
En l'espèce, une juridiction portugaise a été saisie d'une demande de retour d'Emie. Il semble préférable que la cour de céans n'empiète pas sur les compétences de cette juridiction en décidant s'il y a eu déplacement illicite de l'enfant au sens de la Convention de La Haye et, dans cette hypothèse, s'il faut ordonner son retour en Belgique.
Quant à la demande de suspendre tout hébergement de l'enfant par son père
1. Si la suspension des contacts entre E. et son père était justifiée en mars 2007, parce que la plus grande prudence s'imposait à ce moment-là suite aux dénonciations faites trois mois plus tôt et à l'absence totale d'information sur le fondement de ces dénonciations, la situation n'était plus du tout la même après le dépôt des rapports de madame Sempoux et du docteur Naulaerts.
Dans son arrêt du 5 mars 2007, la cour a d'ailleurs explicitement indiqué que c'était « dans l'attente des résultats de l'expertise » qu'il convenait de suspendre les contacts entre E. et son père.
La demande de l'appelante de suspendre tout hébergement de l'enfant par son père « dans l'attente de l'issue qui sera donnée par le juge pénal à la plainte avec constitution de partie civile qu'elle déposée en mai 2008 entre les mains du juge d'instruction Quintin » est dénuée de fondement.
Au contraire, monsieur Y. n'a plus vu sa fille depuis novembre 2006 et le temps qui passe ne fait que renforcer le blocage. Beaucoup de temps a été perdu et la cour regrette de ne pas avoir limité dans le temps la décision de suspension qu'elle a prise le 5 mars 2007, puisque cette suspension non limitée dans le temps a finalement conduit, de remise en remise, à ce que la décision de première instance rendue après l'expertise du docteur Naulaerts n'intervienne que 11 mois après le dépôt de son rapport.
2. La cour se rallie à ce rapport d'expertise en ce qu'il conclut à la nécessité d'une reprise de contact entre E. et son père dans un centre espace-rencontre, après une préparation adéquate dans le cadre d'un travail de reconstruction.
La décision du premier juge de restaurer les contacts entre l'enfant et son père avec l'encadrement d'un service espace-rencontre sera donc confirmée, mais l'encadrement sera dorénavant assuré par le centre espace-rencontre le Patio, ce qui permettra un nouveau départ, avec de nouveaux intervenants.
3. Le jugement attaqué est critiqué par l'appelante en ce qu'il ne prévoit pas de phase préparatoire. La cour observe à cet égard que le travail de reconstruction préconisé par l'expert Naulaerts a été initié par le juge de la jeunesse dans le cadre de son intervention protectionnelle, et que madame X. n'y a guère collaboré.
Le rétablissement d'un contact entre E. et son père nécessite une préparation adéquate, de nature à reconstruire une image paternelle positive. L'enfant doit se sentir autorisée à aimer son père sans se sentir menacée dans sa relation avec sa mère. D'une part, il est évident que la plus grande partie de ce travail incombe à madame X. – qui déclare avoir déjà entamé avec sa fille un suivi thérapeutique à Lisbonne – et qu'elle doit y accorder une priorité absolue. D'autre part, indépendamment de ce qui peut être réalisé à ce sujet dans le cadre de l'intervention protectionnelle du tribunal de la jeunesse, le Patio sera chargé de rencontrer les parties et leur fille à plusieurs reprises au cours des mois d'avril et mai 2009 pour préparer la reprise des contacts.
Deux mois devraient suffire pour cette préparation, de sorte que la reprise des contacts devrait pouvoir se faire dès le premier samedi de juin 2009.
4. La mention « avec extension et sortie possible selon l'évolution de la situation » ne peut pas être confirmée. Il appartient au juge de fixer le rythme des rencontres et de décider si les sorties sont autorisées, et non de déléguer ces décisions au centre.
5. Enfin, si les contacts seront dans un premier temps organisés à raison d'un samedi par mois, sans autorisation de sortie, ces modalités seront évidemment réévaluées et pourront donc être modifiées, en fonction de l'intérêt de l'enfant. Le passage d'une rencontre par mois à une rencontre par quinzaine ne peut en aucun cas être exclu dans le cadre de cette réévaluation, qui sera organisée à la requête de la partie la plus diligente dans le cadre de la saisine permanente du tribunal de la jeunesse.
Quant à la demande concernant la contribution alimentaire
Il est exact que le jugement attaqué, qui confirme « pour autant que de besoin » la contribution alimentaire de 200 EUR par mois à charge du père, ne précise pas explicitement que le partage des frais extraordinaires est également confirmé.
La demande de madame X. de condamner monsieur Y. à prendre en charge la moitié de certains frais exposés pour Emie, frais qu'elle détaille aux p. 17 et 18 de ses conclusions de synthèse, est néanmoins dénuée de fondement.
Par arrêt du 5 mars 2007, la cour a en effet énuméré comme suit les frais extraordinaires partagés séparément :
– les frais médicaux qui résultent des hospitalisations, des interventions chirurgicales, des traitements de longue durée ainsi que des traitements d'orthopédie, orthodontie et ophtalmologie,
– les frais de kinésithérapie, de logopédie et de psychothérapie,
– les frais scolaires exposés pour les voyages scolaires avec nuitée.
A l'exception des frais de suivi psychologique, aucun des frais dont madame X. fait état dans ses conclusions n'est repris sur l'énumération retenue par la cour.
L'appelante ayant une conception beaucoup trop extensive des frais extraordinaires, il convient de lui rappeler que la notion de frais extraordinaires est une construction jurisprudentielle destinée à répartir équitablement certains frais importants engagés pour un enfant qui ne peuvent pas être évalués anticipativement – et donc pas forfaitisés – en raison de leur caractère exceptionnel et/ou imprévisible.
Comme indiqué à l'arrêt du 5 mars 2007, la plupart des frais scolaires (minerval, factures mensuelles, dîners scolaires,...) ne sont ni exceptionnels ni imprévisibles et peuvent donc être forfaitisés.
Par ailleurs, l'exercice conjoint de l'autorité parentale implique l'accord des deux parties sur les choix qui engendrent les frais extraordinaires, ce qui doit être démontré par celui qui sollicite le remboursement, sauf autorisation du juge quant à ces choix.
Quant à la demande d'astreinte
En vertu de l'art. 387ter para. 1er du Code civil, le juge peut prononcer une astreinte tendant à assurer le respect de la décision à intervenir lorsqu'un des parents a refusé d'exécuter une décision antérieure relative à l'hébergement de l'enfant ou au droit aux relations personnelles.
En l'espèce, il ressort de ce qui précède que madame X. n'a pas rempli ses obligations dans le cadre de l'exécution du jugement dont appel.
Il y a dès lors lieu d'assortir les dispositions du présent arrêt d'une astreinte, et ce pour assurer son effectivité.
Quant aux dépens
Vu la qualité des parties, il convient de compenser les dépens d'appel comme il sera précisé ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, chambre de la jeunesse,
Statuant contradictoirement,
Vu l'art. 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,
Entendu madame Deneulin, substitut du procureur général, en son avis,
Reçoit les appels.
Constate que l'hébergement principal d'E. Y. par sa mère, madame X., n'est pas remis en question par monsieur Y.
Constate qu'en déménageant vers Lisbonne avec Emie, madame X. a commis une voie de fait au regard de la législation belge relative à l'exercice de l'autorité parentale.
Dit qu'il appartiendra à la juridiction portugaise compétente de décider s'il y a eu déplacement illicite de l'enfant au sens de la Convention de La Haye telle que complétée par le Règlement Bruxelles IIbis et, dans cette hypothèse, s'il faut ordonner son retour en Belgique.
Dit qu'à partir du 1er juin 2009 monsieur Y. rencontrera E. le premier samedi de chaque mois sous la supervision du centre espace-rencontre Le Patio, chaussée de Waterloo, 185 à 1060 Bruxelles (tél. 02/539.29.59) :
– à charge pour madame X. de conduire l'enfant au centre aux heures indiquées,
– sans autorisation de sortie avant réévaluation de la situation par le premier juge.
Ordonne aux parties de prendre contact au plus tard le mercredi 25 mars 2009 avec ce centre qui, après entretiens préliminaires et préparation de l'enfant au cours des mois d'avril et mai 2009, fixera les modalités concrètes et notamment les heures des rencontres.
Condamne madame X., à dater du surlendemain de la signification du présent arrêt, à payer à monsieur Y. une astreinte de 100 EUR par manquement constaté par le centre le Patio, chaque fois qu'elle restera en défaut de s'y présenter ou d'y présenter Emie, aux jour et heure prévus par convocation écrite, et ce sauf justification médicale valable adressée à la direction de ce centre.
Dit que si une rencontre doit être annulée en cas de maladie ou de force majeure, le centre le Patio sera invité à la compenser par une autre rencontre sans changement de la date de la suivante.
Dit que la contribution alimentaire de monsieur Y. reste fixée comme indiqué à l'arrêt du 5 mars 2007, non seulement en ce qui concerne le montant forfaitaire de 200 EUR par mois mais également en ce qui concerne l'énumération des frais extraordinaires partagés séparément.
Met le jugement attaqué à néant en ses dispositions contraires au présent arrêt.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Délaisse à chacune des parties ses propres dépens d'appel.
Renvoie la cause devant le tribunal de la jeunesse de Bruxelles, en application de l'art. 387bis al. 4 du Code civil.