1. Objet des actions
1. Attendu que l'action principale tend, après jonction des causes : à entendre prononcer la résolution aux torts des défenderesses de la vente intervenue le 1er septembre 1986 entre les parties à propos de la caméra/E.R. 56 vendue par Sodimag à son client Cible et « pour autant que de besoin » en faire de même en ce qui concerne les ventes des 3 décembre 1987 et 10 mars 1987 à propos des caméras vendues par Sodimag à ses clients Colorys et Quadra.
Qu'elle tend à entendre condamner les défenderesses solidairement, ou in solidum, au paiement de 19.656.092 F majorés des intérêts moratoires et judiciaires depuis le 12 février 1988 jusqu'à parfait paiement, et des dépens.
Qu'elle tend subsidiairement en cas d'expertise ou de vérification de dommage, à la condamnation des défenderesses à payer dans les mêmes conditions un montant provisionnel de 1.300.000 FB, majoré des intérêts moratoires et judiciaires depuis le 12 février 1988 et à la condamnation des défenderesses à avancer les frais d'expertise.
2. Attendu que les défenderesses concluent à
– l'irrecevabilité de l'action principale subsidiairement
– au non fondement de l'action en application du droit allemand. plus subsidiairement
– à la demande de renseignements concernant le droit allemand au Ministère Fédéral de Justice Allemand.
plus subsidiairement
– au non fondement de l'action en application du droit belge.
plus subsidiairement
– à la réduction de l'indemnité à l'équivalent de 10.000 DM
ou en ordre plus subsidiaire
– à la valeur des dommages causés par les ventes résolues et dûment prouvés par la demanderesse.
3. Attendu que les défenderesses sollicitent reconventionnellement la condamnation de la demanderesse originaire Sodimag au paiement de la contre valeur en francs belges de 101.705,37 DM augmenté des intérêts judiciaires.
4. Attendu que la société Sodimag estime la demande reconventionnelle très partiellement fondée à la contre-valeur en francs belges de 18.579,88 DM et sollicite la compensation des créances.
Attendu que le litige opposant les parties s'inscrit dans le cadre de ventes intervenues entre les parties en 1986-1987, les défenderesses, sociétés de droit allemand, fabriquant et distribuant à la demanderesse originaire, société de droit belge, du matériel utilisé dans l'industrie des arts graphiques, notamment des caméras que celle-ci revendait à ses clients en Belgique ;
Qu'avant d'aborder le fond du litige il convient d'examiner les différents moyens d'irrecevabilité soulevés ;
Que les deux causes ayant le même objet, il y a lieu d'en ordonner la jonction.
II. Recevabilité
Compétence
1. Attendu que les défenderesses se prévalent de leurs conditions générales qui prévoient la compétence des Tribunaux de Frankfort pour régler les différends contractuels.
Qu'elles invoquent l'article 17 de la Convention C.E.E. du 27 septembre 1968 qui permet de déroger à l'article 5, 1°, de la même Convention pour estimer le Tribunal de céans incompétent ratione loci ;
2. Attendu que le Tribunal de commerce de Bruxelles est compétent pour connaître du litige en cause en application de l'article 5, 1° précité disposant qu'en matière contractuelle, le défendeur domicilié dans un Etat de la Communauté peut être attrait dans un autre Etat en faisant partie, devant le Tribunal du lieu où l'obligation en litige a été ou doit être exécutée ;
Que l'obligation des défenderesses de fournir un matériel non vicieux et d'en assurer le bon fonctionnement devait être exécutée en Belgique ;
Que ce point n'est pas contesté ;
3. Attendu que les défenderesses ne justifient pas se trouver dans les conditions d'application de l'article 17 de la Convention de Bruxelles ;
Que les conditions générales en cause se trouvaient uniquement dans un prospectus technique de la société Propress relatif au matériel dont on ne sait quand il a été remis à Sodimag.
Qu'il s'agissait d'une documentation technique propre à la défenderesse explicitant son matériel, rédigée en allemand ;
Attendu que pour être conforme à l'article 17, une clause attributive de compétence doit être conclue soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite soit, dans le commerce international, en une forme admise par les usages en ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ;
Qu'il n'est pas établi que les circonstances de la cause correspondent à l'une de ces hypothèses ; (voir sur la question, Born, H. et Fallon, M.. « Droit Judiciaire International – Chronique », J.T.. 1987, nos 56 à 58, p. 478).
Attendu que l'absence de contestation de conditions figurant sur de la documentation technique, communiquée dans des circonstances et à une époque imprécises, n'emporte pas qu'il y ait eu acceptation qu'elles fassent la loi des parties, et ce tant en ce qui concerne la clause attributive de compétence que les autres clauses ; (voir Van Ommeslaghe, P., « Chronique », R.C.J.B., 1986, nos 57-58, p. 140 ; Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial, t. III, 2éme éd., nos 16-17, p. 21) ;
Que le rapport du 11 juin 1987 de Sodimag ne vise pas spécialement une garantie conventionnelle, telle qu'elle aurait été stipulée dans les conditions générales litigieuses ;
Qu'elles ne sont pas opposables à Sodimag ni pour la compétence ni pour le fond ;
Nullité ou défaut d'exploit introductif valable
1. Attendu que le premier exploit de citation est nul pour non respect du délai de citation de 23 jours qui est prescrit à peine de nullité absolue (art. 707 et 862 C. jud.) ;
Que la citation fut signifiée, en application de l'Accord bilatéral du 25 avril 1959 entre l'Allemagne et la Belgique, par le Procureur du Roi qui transmit la citation au Président du tribunal de première instance du ressort du destinataire ;
Que la signification est réputée accomplie au moment de la réception de l'acte transmis, par cette autorité en R.F.A. (Fettweis, Manuel de Procédure civile, 1987, p. 201 et réf. citées ; Comm. Liège, 31 mars 1983, J.L., 1983, p. 246 et références jurisprudentielles et doctrinales, p. 249 ; Anvers, 20 novembre 1984, R.D.C., 1986,787 ; Born et Fallon, o.c., J.T., 1987, p. 462-463);
Qu'entre ce moment, soit le 9 mai 1988 et l'audience d'introduction le 26 mai, il y avait moins de 23 jours ;
2 Attendu que les défenderesses, comparurent volontairement « sous réserves » et déposèrent leurs premières conclusions le 28 février 1989 en invoquant notamment la nullité du premier exploit de citation qui leur avait été remis par l'autorité allemande mais qu'elles avaient refusé de réceptionner.
Que suite à cela, Sodimag fit signifier un second exploit, similaire au premier ;
Que l'autorité allemande le reçut, dans les délais requis, l'examina et estima cette fois ne pouvoir le remettre aux défenderesses au motif que le nom de la personne qui devait recevoir la notification pour les personnes morales manquait.
Qu'elle déclara sans autre précision que cette indication était nécessaire en application des Conventions de La Haye des 15 novembre 1965 et 1er mars 1954 et de l'Accord bilatéral belgo-allemand du 25 avril 1959, et renvoya les actes en Belgique ;
Attendu que les défenderesses prétendent à tort qu'il y a inexistence de l'acte introductif dès lors qu'il ne leur a pas été présenté par l'autorité allemande ;
Attendu que ce raisonnement ne peut être suivi ;
Que le défaut de remise de l'acte critiqué n'affecte pas l'existence de cet acte ;
Que l'exploit de citation a été signifié ;
Que la signification a été accomplie dès lors que la citation a été reçue par l'autorité allemande compétente (voir références citées ci-avant) ;
Attendu que les défenderesses soulignant la volonté de la demanderesse exprimée dans l'exploit de voir l'acte signifié selon les formes prescrites par la législation de l'Etat Allemand requis, exposent que le droit allemand exige que la personne physique qui recevra la notification d'un acte destiné à une personne morale soit spécifiée et en déduisent que l'Autorité Allemande a, à bon droit, renvoyé la citation à défaut d'indication de cette personne physique.
Qu'elles soutiennent que les conditions de validité de la signification sont celles du droit allemand et que ces conditions n'ayant pas été respectées, la signification n'est pas valable ;
Attendu que le contenu d'un acte judiciaire et ses formalités substantielles sont régis par la loi de l'Etat dont le Tribunal est saisi (lex fori) et par les conventions internationales qui lient cet Etat ;
Que si depuis la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, l'application des formes prescrites par la loi du pays requis (en l'occurrence l'Allemagne), pour la signification des actes à l'intérieur de celui-ci est devenu le principe, sauf acceptation volontaire du destinataire sur simple remise (art. 5), les Conventions de La Haye et l'Accord bilatéral Belgo-Allemand ne contiennent pas de règles substantielles relatives à la signification des actes judiciaires entre parties résident dans ces différents Etats ;
Qu'elles se limitent seulement à réglementer des modes de communication de ces actes (Born et Fallon, chronique citée, J.T., 1983, p. 186, n° 23 ; Rigaux, Fr., « La signification des actes judiciaires à l'étranger », Rev. crit. dr. intern. privé, 1963, p. 464) ;
Attendu qu'en l'espèce, l'exploit de citation est conforme au code judiciaire belge et aux conventions internationales précitées dont aucune n'impose au demandeur agissant devant les tribunaux belges de spécifier dans l'acte la personne physique qui le recevra pour la personne morale citée, et ce qu'il y ait eu ou non une demande de respecter les formalités de signification allemandes, qui est de principe ;
Que si un tel élément était requis en Allemagne par la loi interne sous peine de nullité absolue ou d'inexistence de l'acte devant être signifié par l'autorité de ce pays, il serait irrelevant à l'égard de la demanderesse qui n'a pas d'obligation légale propre à cet égard ;
Attendu par ailleurs qu'il fait souligner avec la demanderesse que, contrairement à la jurisprudence qu'elles citent, les défenderesses n'ont subi aucun dommage du fait de l'omission critiquée dès lors qu'elles ont comparu à l'audience d'introduction et ont pu pendant de nombreux mois préparer et présenter leur défense dans le respect du principe de la libre contradiction ;
Attendu que le second exploit de citation est partant valable;
III. Au fond – loi applicable
1. Attendu que les défenderesses estiment que la loi allemande est d'application en se basant sur leurs conditions générales et subsidiairement sur l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels qui désignerait en l'espèce la loi du vendeur ;
Attendu que Sodimag se prévaut de l'application de la loi belge en invoquant les dispositions du Code civil ;
2. Attendu qu'il est constant que les ventes litigieuses constituent des ventes internationales d'objets mobiliers corporels tombant sous l'application de la Convention de La Haye de 1955;
Que la loi applicable selon cette Convention est soit la loi allemande (art. 3) soit éventuellement la loi belge si l'on estime que l'article 4 s'applique en l'espèce ;
Qu'en toute hypothèse, tant la Belgique que l'Allemagne ayant ratifié la Convention de La Haye du 1" juillet 1964 qui fait partie intégrante de leur droit, ce sont les dispositions de cette loi uniforme qui sont d'application (Van Ryn et Heenen, Principe de droit commercial, t. III, p. 639 et s., spéc. n° 807 ; Watté, N., note « La vente internationale d'objets mobiliers corporels », sous Comm. Bruxelles, 1er juin 1981, R.D.C., 1982, V, p. 265 ; Bruxelles, 9 février 1989, R.D.C., 1990. 164) ;
Que les parties n'ayant pas examiné l'application de cette loi qu'elles n'ont par ailleurs pas exclue, il convient de les inviter à conclure sur ce point ;
Par ces motifs,
Le Tribunal,
(... )
Constate la nullité du premier exploit de citation signifié en mai 1988 ;
Déclare l'action recevable sur base du second exploit de citation ;
Rouvre les débats afin de permettre aux parties de mettre la cause en état au fond ;