1. ANTECEDENTS – OBJET DES APPELS PRINCIPAL ET INCIDENT
Madame X., de nationalité grecque, et Monsieur Z., de nationalité allemande, se sont mariés à Thessalonique (Grèce), le ../../1996.
Deux enfants sont issus de leur union : A, né à Thessalonique le ../../1996 et B, née à Thessalonique le ../../1998.
Les parties travaillent toutes deux pour la Commission Européenne à Bruxelles, et ont acquis un appartement situé Square M..., où était établie la résidence conjugale.
Leurs enfants sont scolarisés à Bruxelles, à l’Ecole européenne.
Profitant d'un des nombreux congés qu'elle passe avec les enfants auprès de ses parents à Thessalonique, Madame X. a introduit par acte du 15 juillet 2003 une demande en divorce pour faute devant le tribunal de première instance de Thessalonique (n°25695/2003).
Par acte daté du 4 août 2003, déposé le 6 août 2003 (n°28606/2003) elle a également introduit devant le tribunal de première instance de Thessalonique une demande de mesures provisoires, tendant à lui entendre attribuer la garde des enfants A et B (pour autant que l’on puisse se fier aux traductions libres des actes rédigés en grec que Madame X. produit à son dossier et qui toutes, sont rédigées dans un français plus qu'approximatif ne permettant pas toujours de cerner l’objet précis des demandes ou des décisions).
Selon les informations fournies par Madame X. en ses dernières conclusions déposées le 20 septembre 2004, cette affaire aurait été plaidée le 2 juin 2004, et la cause serait toujours en délibéré (encore à l’heure actuelle, aucune pièce n'est fournie à cet égard par Madame X.).
A noter que dans cet acte du 4 août 2003, Madame X. faisait valoir que les parties étaient séparées depuis un an, soit depuis le mois d'août 2002.
Cette affirmation est manifestement inexacte et mensongère, puisqu'en effet :
– dans son acte de divorce déposé le 15 juillet 2003 devant le tribunal de première instance de Thessalonique, Madame X. faisait état du fait que Monsieur Z. l’aurait abandonnée sans raison dans un parc à Pâques 2003 ;
– Madame X. a déposé plainte auprès de la Police de Bruxelles le 7 septembre 2003, parce qu'à son retour de vacances de Grèce, Monsieur Z. l’aurait empêchée de rentrer à la résidence conjugale à Bruxelles, ayant fait changer les serrures ;
– en conclusions de synthèse déposées le 15 mars 2004, Madame X. justifie la compétence du juge des référés belge (qu'elle a saisi par citation du 16 septembre 2003) en soutenant notamment « que la demande originaire de la concluante fondée sur l’art. 584 du Code judiciaire visait essentiellement à autoriser les résidences séparées, vu que les parties vivaient toujours sous le même toit (souligné par la cour), avec maintien de la concluante dans la résidence conjugale ».
La séparation de fait des parties n'a donc pris cours qu'au mois de septembre 2003, même si la mésentente entre parties existait depuis bien plus longtemps et que Madame X. passait de longues périodes de congés auprès de ses parents en Grèce.
Monsieur Z. a quant à lui introduit une demande en divorce pour cause déterminée devant le tribunal de première instance de Bruxelles, ainsi qu'une demande de mesures provisoires durant l’instance en divorce devant le Président de ce tribunal (art. 1280 du Code judiciaire), par une citation unique du 21 août 2003.
Ces deux procédures ont été suspendues, dans l’attente d'une décision définitive des juridictions grecques quant à leur compétence internationale.
Par décision du 5 février 2004, prononcée contradictoirement, le tribunal de première instance de Thessalonique (chambre composée de 3 juges) s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en divorce de Madame X., et ce en application du règlement 1347/2000 du Conseil de l’Union européenne du 29 mai 2000, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit règlement Bruxelles II).
Le tribunal de première instance de Thessalonique considère notamment à l’appui de cette décision :
– que les parties se sont rencontrées à Bruxelles, où elles travaillaient et ont eu leur résidence habituelle pendant toute leur vie commune ;
– que durant les 6 mois précédant l’introduction de sa demande en divorce par acte du 15 juillet 2003, Madame X. avait sa résidence habituelle à Bruxelles et non à Thessalonique comme elle l’affirmait, même si elle a fait divers séjours à Thessalonique notamment dans le cadre d'un congrès organisé par la Commission européenne en collaboration avec l’université de Thessalonique ;
– que le centre d'intérêts de Madame X. se trouve à Bruxelles, puisqu'elle y travaille depuis dix ans, et qu'elle est enregistrée aux registres de la population de Bruxelles depuis le 4 avril 2000 ;
– que les enfants des parties sont inscrits à l’Ecole européenne de Bruxelles (école primaire et école maternelle).
Madame X. déclare avoir interjeté appel de cette décision ; la procédure serait toujours pendante à l’heure actuelle.
Madame X. a encore introduit une troisième action, par requête déposée devant le tribunal de première instance de Thessalonique le 4 septembre 2003 (n° 30903/2003), tendant, selon ce qu'elle expose en conclusions du 15 mars 2004, à entendre statuer 'provisoirement' en attendant la décision définitive.
Dans le cadre de cette procédure, le tribunal de première instance de Thessalonique (chambre composée d'un juge) a prononcé le 27 octobre 2003, par défaut à l’égard de Monsieur Z. qui n'a pas comparu, un jugement confiant provisoirement la garde des enfants A et B, exclusivement à Madame X., et condamnant Monsieur Z. à payer à Madame X. une contribution alimentaire provisoire de 2.500 EUR par mois pour ces deux enfants.
Monsieur Z. a demandé la révocation de cette décision (selon les termes utilisés dans la traduction produite).
Cette demande a été déclarée irrecevable par décision du 15 avril 2004.
Pour autant que l’on puisse se fier à la traduction qui est rédigée dans un français parfois incompréhensible, la question de la compétence internationale de la juridiction concernée n'a pas été examinée, le tribunal considérant apparemment que les seuls motifs de révocation possibles seraient soit le fait de n'avoir pas été cité régulièrement à comparaître, soit la survenance de circonstances nouvelles depuis la décision attaquée, ce qui n'était pas le cas en l’espèce.
Monsieur Z. déclare avoir interjeté appel de cette décision ; la procédure serait toujours pendante à l’heure actuelle.
Enfin, par citation du 16 septembre 2003, fondée l’art. 584 du Code judiciaire, Madame X. a saisi le Président du tribunal de première instance de Bruxelles d'une demande tendant :
– à se voir autorisée à « se maintenir seule dans la résidence conjugale située à 1000 Bruxelles, Square M... boîte 83 », et à entendre ordonner à Monsieur Z. de quitter celle-ci ;
– à entendre maintenir l’exercice conjoint de l’autorité parentale à l’égard des deux enfants communs ;
– à entendre fixer chez elle l’hébergement principal des enfants ;
– à entendre réserver à statuer sur les questions alimentaires.
Dans cette citation, Madame X. justifiait la compétence internationale des juridictions belges sur la base de l’art. 12 du règlement Bruxelles II (compétence pour prendre des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents dans l’Etat du for, erg cas d'urgence), tout en soutenant « que ce sont les tribunaux grecs, premiers saisis du litige, qui sont compétents pour connaître de la demande en divorce et pour statuer sur les mesures provisoires durant l’instance au fond ».
L'ordonnance entreprise du 26 septembre 2003, statuant sur la demande principale de Madame X. et la demande reconventionnelle introduite par Monsieur Z., et ce à titre précaire, en attendant que le tribunal ait pu statuer sur le fond du litige qui oppose les parties :
– autorise Madame X. à se maintenir seule dans la résidence conjugale sise à 1000 Bruxelles, Square M...
boîte 83, et ordonne à Monsieur Z. de quitter celle-ci dans les huit jours du prononcé de l’ordonnance ;
– dit que les parties exerceront conjointement l’autorité parentale à l’égard de leurs enfants mineurs ;
– dit que les enfants seront hébergés principalement par leur mère ;
– réserve à statuer quant à l’hébergement secondaire et quant au régime linguistique scolaire des enfants ;
– déboute les parties du surplus.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions du 20 juillet 2004, Monsieur Z. demande :
– de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne l’exercice conjoint de l’autorité parentale ainsi que l’attribution provisoire de la résidence conjugale ;
– d'ordonner l’hébergement secondaire chez Monsieur Z. dans son appartement rue de l’O... 31 à 1040 Bruxelles, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires ;
– d'ordonner que tant Madame X. que Monsieur Z. ne puissent quitter la Belgique avec les enfants sans informer préalablement l’autre partie du jour de départ et du jour de retour des enfants ;
– de confirmer que l’enfant A continuera à suivre l’enseignement de l’école européenne et rétablir le régime linguistique initial, à savoir, le grec en guise de première langue et l’allemand en guise de seconde langue à la place du français, et ceci pour l’année scolaire à venir ;
– d'ordonner que l’enfant B suive le même régime linguistique que son frère et commence sa première année à l’école européenne avec le grec pour première langue et l’allemand pour deuxième langue.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions du 20 septembre 2004, Madame X. demande :
– à titre principal :
a) de déclarer l’appel irrecevable en application de l’art. 1046 du Code judiciaire
b) de condamner Monsieur Z. au paiement de 2.500 EUR de dommages-intérêts pour appel téméraire et vexatoire
– à titre subsidiaire :
a) de déclarer l’appel non fondé, d'en débouter Monsieur Z. ;
– à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour déciderait d'évoquer les questions de fond relatives à l’hébergement secondaire et au régime linguistique scolaire :
a) de déclarer l’appel incident formé par Madame X., tendant à l’octroi d'une contribution alimentaire de 2.500 EUR par mois pour les deux enfants depuis le 23 septembre 2003, recevable et fondé ;
b) d'ordonner la réouverture des débats pour que les parties aient l’occasion de s'expliquer plus amplement sur leur situation financière respective.
2. DISCUSSION
A. En ce qui concerne la recevabilité de l’appel
En son acte introductif de l’instance d'appel, Monsieur Z. réitérait la demande formulée à l’origine devant le premier juge, tendant, notamment, à s'entendre autoriser à résider seul à la résidence conjugale sise à 1000 Bruxelles, Square M..., et à se voir confier l’hébergement principal des enfants « jusqu'au moment où Madame X. aura trouvé un hébergement convenable », et après, par intervalles de quinze jours.
Monsieur Z. avait incontestablement intérêt et qualité pour introduire cet appel, puisque l’ordonnance entreprise accordait à Madame X. l’autorisation de résider seule à la résidence conjugale, lui octroyait l’hébergement principal des enfants et sursoyait à statuer sur l’hébergement secondaire en faveur de Monsieur Z. « tant qu'il n'aura pas trouvé un logement convenable » et lui causait donc ainsi manifestement grief.
Le fait qu'au cours de l’instance d'appel, Monsieur Z. ait modifié l’objet de ses demandes, en fonction de l’évolution de la situation (Monsieur Z., qui s'est vu contraint de déménager, a renoncé à demander de se maintenir en la résidence conjugale, et a accepté que Madame X. assume l’hébergement principal des enfants), n'a pas pour effet de rendre l’appel irrecevable, la recevabilité devant s'apprécier au moment de l’introduction de l’appel.
D'autre part, le juge d'appel étant saisi de l’ensemble du litige en raison de l’effet dévolutif de l’appel, rien n'obligeait Monsieur Z. à réitérer sa demande d'hébergement secondaire, à propos de laquelle le premier juge avait sursis à statuer, devant le premier juge.
Enfin, surabondamment, la décision du premier juge de surseoir d'office à statuer sur l’hébergement secondaire de Monsieur Z. « tant qu'il n'aura pas trouvé un logement convenable » est, contrairement à ce que soutient Madame X., de nature à causer un grief à Monsieur Z., dès lors que le premier juge aurait très bien pu lui accorder un droit d'hébergement secondaire, fût-ce à titre précaire ou de manière limitée en attendant que ses conditions matérielles de logement soient précisées.
Au surplus, l’appel a été introduit en forme régulière et dans le délai légal.
L'appel est donc, contrairement à ce que soutient Madame X., recevable.
La demande de paiement de 2.500 EUR à titre de dommages-intérêts pour appel téméraire et vexatoire est manifestement non fondée.
B. En ce qui concerne la compétence internationale du juge des référés belge fondée sur l’urgence
En vertu de l’art. 2.1 du règlement européen du 29 mai 2000, « sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’Etat membre :
a) sur le territoire duquel se trouve :
– la résidence habituelle des époux
ou
– la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d'eux y réside encore
ou
– la résidence habituelle de défendeur
ou
– en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux
ou
– la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande
ou
– la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l’Etat membre en question, soit...
b) de la nationalité des deux époux... »
En vertu de l’art. 3 du règlement précité, « les juridictions de l’Etat membre où la compétence est exercée en vertu de l’art. 2 pour statuer sur une demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation de mariage des époux sont compétentes pour toute question relative à la responsabilité parentale à l’égard d'un enfant commun des époux, lorsque l’enfant a sa résidence habituelle dans cet Etat membre ».
En l’espèce, dès lors que la résidence habituelle des époux était incontestablement établie à Bruxelles, où les deux parties travaillent pour la Commission européenne et où leurs enfants sont scolarisés, Madame X. a apparemment invoqué, afin de justifier la compétence des juridictions grecques pour connaître de sa demande en divorce et en conséquence, pour connaître également des mesures relatives à la responsabilité parentale le fait qu'elle aurait eu sa résidence habituelle en Grèce depuis au moins six mois avant l’introduction de son action, ce que Monsieur Z. conteste.
Cette question est actuellement soumise en degré d'appel, à la requête de Madame X., aux juridictions grecques, et il n'appartient évidemment pas au juge belge d'interférer dans la décision de ces juridictions.
En vertu de l’art. 11 du règlement du 29 mai 2000, relatif à la litispendance, les juridictions belges, saisies en l’espèce après les juridictions grecques, par Monsieur Z., d'une demande en divorce et mesures provisoires, sont tenues de surseoir d'office à statuer jusqu'à ce que les juridictions grecques, premières saisies, aient établi leur compétence.
C'est donc manifestement à tort que Madame X. semble reprocher à Monsieur Z. de ne pas diligenter la procédure en divorce ou la procédure en mesures provisoires (sur la base de l’art. 1280 du Code judiciaire) devant les juridictions belges.
Ceci étant, après avoir saisi les juridictions grecques de demandes relatives notamment à la 'garde' des enfants et au paiement d'une contribution alimentaire, Madame X. a saisi, par citation du 16 septembre 2003, le juge des référés belges, d'une demande tendant notamment, sous le bénéfice de l’urgence, à se voir autoriser à résider seule à la résidence conjugale et à se voir confier l’hébergement principal des enfants.
Madame X. fondait la compétence des juridictions belges, cette fois, sur l’art. 12 du règlement du 29 mai 2000, en vertu duquel « en cas d'urgence, les dispositions du présent règlement n'empêchent pas les juridictions d'un Etat membre de prendre des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents dans cet Etat, prévues par la loi de cet Etat membre, même si, en vertu du présent règlement, une juridiction d'un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond ».
Il est effectivement manifeste que les enfants des parties se trouvent sur le territoire belge, puisqu'ils suivent à Bruxelles l’enseignement de l’Ecole européenne.
L'urgence invoquée par Madame X. à l’appui de sa demande originaire et admise par le premier juge, n'est à l’heure actuelle plus contestée par Monsieur Z., qui déclare d'ailleurs également ne plus contester, dans l’intérêt des enfants, la décision du premier juge d'attribuer provisoirement l’occupation de la résidence conjugale à Madame X., ainsi que l’hébergement principal des enfants.
Au contraire, c'est Madame X. qui estime à l’heure actuelle qu'il n'y aurait pas urgence à statuer sur les demandes de Monsieur Z. relatives à l’hébergement secondaire des enfants, au régime linguistique scolaire, et à l’obligation d'informer l’autre parent des voyages entrepris avec les enfants.
Selon Madame X., il n'y aurait pas urgence au motif que Monsieur Z. aurait eu l’occasion d'introduire ces demandes au fond devant les juridictions grecques et belges.
Cette argumentation ne peut être suivie : d'une part Monsieur Z. conteste la compétence des juridictions grecques pour connaître tant de la demande en divorce que des demandes relatives à la responsabilité parentale, et il est donc cohérent dans cette optique de ne pas introduire, fût-ce à titre subsidiaire, de demandes relatives à des mesures concernant les enfants devant les juridictions grecques ; d'autre part, ainsi qu'il l’a été exposé plus haut, en vertu de l’art. 11 du règlement du 29 mai 2000, Monsieur Z. ne peut activer la demande en mesures provisoires fondée sur l’art. 1280 du Code judiciaire tant que les juridictions grecques premières saisies ne se sont pas prononcées définitivement sur leur compétence.
L'urgence qui a été admise par le premier juge pour statuer sur la demande d'hébergement principal des enfants formulée par Madame X. doit également être admise pour statuer sur la demande d'hébergement secondaire formulée par Monsieur Z., d'autant que celui-ci fait valoir que depuis la séparation des parties en septembre 2003, il n'a pu voir son fils A que 5 fois, et sa fille B une seule fois, et ce dans un lieu public (restaurant Quick ou Pizza Hut) sous la surveillance de Madame X..
L'urgence doit également être admise en ce qui concerne la demande de Monsieur Z., de faire obligation au parent qui part en vacances avec les enfants, de communiquer préalablement les dates de ces séjours à l’autre parent ; même si Madame X. ne remet pas en cause le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, il semble qu'elle organise les congés des enfants en fonction de ses seules convenances, sans en référer à Monsieur Z..
Par contre, en ce qui concerne le choix de la seconde langue à suivre par les enfants communs à l’Ecole européenne (l’allemand, langue nationale de Monsieur Z., ou le français), l’urgence ne peut être acceptée, dans la mesure où en toute hypothèse, il ne peut être envisagé de changer les enfants de section en plein milieu de l’année scolaire, et que l’on peut encore espérer à l’heure actuelle qu'une décision définitive des juridictions grecques concernant leur compétence intervienne sous peu, de sorte que les juridictions de fond compétentes pourront encore examiner ce problème qui comme l’a fait observer à bon droit le premier juge, nécessite des investigations plus approfondies en temps utile avant la rentrée scolaire de septembre 2005.
L'urgence peut donc être admise en ce qui concerne la demande d'hébergement secondaire et la demande d'information concernant les séjours des enfants à l’étranger, tant pour fonder la compétence internationale du juge des référés belge en vertu de l’art. 12 du règlement du 29 mai 2000, que pour fonder sa compétence interne en vertu de l’art. 584 du Code judiciaire.
C. En ce qui concerne le bien-fondé des demandes relatives à l’hébergement secondaire des enfants et à l’obligation d'information quant aux séjours des enfants à l’étranger.
Monsieur Z. soutient que Madame X. tente de l’écarter complètement de la vie des enfants, qu'il n'a pu voir, depuis la séparation des parties fin septembre 2003, qu'en de rares occasions, dans des lieux publics, sous surveillance de Madame X. ; Monsieur Z. aurait ainsi rencontré A 5 fois, et B, une seule fois ; selon Monsieur Z., les enfants passent toutes leurs vacances scolaires en Grèce auprès de leurs grands-parents maternels, et sa demande de pouvoir emmener ses enfants chez son père en Allemagne pendant une semaine à Pâques 2004, se serait heurtée à un refus.
Madame X. conteste faire obstacle aux relations entre Monsieur Z. et ses enfants, mais admet cependant qu'elle n'a consenti à des rencontres avec les enfants que « dans un lieu public, compte tenu de l’état psychologique de Monsieur Z. toujours aussi désastreux ».
Aucun élément objectif ne permet de considérer que Monsieur Z. se trouverait dans un état psychique présentant un quelconque danger pour les enfants ou le rendant incapable de s'en occuper convenablement dans le cadre d'un hébergement secondaire.
Monsieur Z. produit une attestation du Dr L., psychiatre, datée du 25 novembre 2003, qui certifie l’avoir examiné à deux reprises, et n'avoir noté chez lui aucun signe de trouble psychopathologique, et n'avoir en particulier constaté aucun problème psychiatrique qui puisse remettre en cause sa capacité à s'occuper des enfants ; il produit également une attestation de son médecin traitant, le Docteur P., datée du 26 avril 2004, de laquelle il ressort qu'il ne suit pas d'autre traitement qu'un traitement pour hypolipémie.
Si Madame X. produit des attestations émanant notamment de son père, de son frère, et du concierge de l’immeuble où est située la résidence conjugale, destinées à démontrer que Monsieur Z. serait agressif et se désintéresserait de ses enfants, Monsieur Z. produit pour sa part des attestations de collègues (A G. et Stefan T.) destinées à démontrer que Madame X. a toujours favorisé la vie auprès de ses parents en Grèce, au détriment de la vie conjugale et familiale, et que lorsque les enfants étaient en Belgique, Monsieur Z. se montrait affectueux et attentif à leur égard, les accompagnant à l’école ou travaillant à la maison pour les garder quand ils étaient malades.
Il est clair que ces attestations émanant de proches parents ou de connaissances ne peuvent être considérées comme objectives, dans un sens ou dans l’autre, et doivent être examinées avec circonspection, en particulier lorsqu'elles imputent des comportements négatifs à l’autre époux.
En conclusion, aucun élément objectifs ne permet de considérer que Monsieur Z. ne serait pas à même de prendre soin de ses enfants dans le cadre d'un hébergement secondaire.
Au demeurant, la persévérance de Monsieur Z. à vouloir obtenir un droit d'hébergement secondaire 'normal’à l’égard de ses enfants, malgré tous les obstacles judiciaires élevés à cet égard par Madame X. qui a multiplié les procédures en Grèce en Belgique, suffit à démontrer son intérêt pour ceux-ci, contrairement à ce que soutient Madame X..
L'on peut également comprendre que Monsieur Z. ait refusé, à un certain moment, d'encore se soumettre aux conditions abusives imposées unilatéralement par Madame X., qui n'acceptait de lui faire rencontrer les enfants que dans des lieux publics et sous sa surveillance.
Il est primordial pour le développement équilibré des enfants de pouvoir entretenir des contacts réguliers avec chacun de leurs parents.
Le fait que Monsieur Z. ne dispose, depuis le 23 septembre 2003, que d'un appartement avec une chambre à coucher, ne fait pas obstacle à l’exercice d'un droit d'hébergement secondaire limité tel qu'il sera décrit ci-après. Les photos de l’appartement produites par Monsieur Z. prouvent qu'il est adapté à recevoir de jeunes enfants, même pour y loger quelques nuits.
Monsieur Z. déclare d'ailleurs avoir l’intention de louer un logement plus grand avec un jardin dans la mesure où il pourrait recevoir régulièrement ses enfante.
Il est donc urgent de rétablir des contacts normaux entre Monsieur Z. et ses enfants, sous peine de voir ceux-ci définitivement compromis par le comportement de Madame X..
Etant donné que depuis la séparation des parties en septembre 2003, les enfants n'ont plus eu que des contacts sporadiques avec leur père, il convient cependant de rétablir ceux-ci progressivement, et donc de prévoir qu'à partir du prononcé du présent arrêt, et jusqu'au 30 avril 2005, Monsieur Z. pourra héberger ses enfants un après-midi par semaine, soit le samedi, soit le dimanche, de 14 heures à 18 heures, et a défaut d'accord entre les parties, le samedi ; à partir du premier mai 2005, Monsieur Z. pourra héberger ses enfants un week-end sur deux, du vendredi à 18 heures au dimanche à 18 heures ; à défaut d'accord entre les parties, le premier week-end durant lequel Monsieur Z. hébergera ses enfants sera celui du vendredi 6 mai au dimanche 8 mai 2005 ; enfin, dans la mesure où aucune décision au fond des juridictions compétentes n'aurait pu intervenir avant les grandes vacances 2005, il y a également lieu de prévoir que Monsieur Z. pourra héberger ses enfants pendant 15 jours au cours de celles-ci, à défaut d'accord entre les parties, du premier au 15 juillet 2005 ; toujours dans la mesure où aucune décision au fond des juridictions compétentes n'aurait pu intervenir en temps utile, l’hébergement secondaire à raison d'un week-end sur deux reprendra le week-end du vendredi 9 au dimanche 11 septembre 2005.
La demande de Monsieur Z., d'entendre ordonner que tant lui-même que Madame X. ne puissent quitter la Belgique avec les enfants sans informer préalablement l’autre partie du jour de départ et du jour de retour des enfants n'est qu'un corollaire de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui n'est remis en cause par aucune des deux parties.
Dans la mesure où il semble que dans le passé, Madame X. se soit arrogé seule le droit de décider des congés des enfants (le rapport de l’Ecole européenne du 25 juin 2004 fait état de « nombreuses absences d'A, qui ne devront pas se répéter l’année prochaine »), la demande de Monsieur Z. apparaît tout à fait justifiée.
D. En ce qui concerne 'l’appel incident' formé à titre subsidiaire par Madame X.
Madame X. déclare former « à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la Cour déciderait d'évoquer les questions de fond relatives à l’hébergement secondaire et au régime linguistique scolaire », un appel incident tendant à l’octroi d'une contribution alimentaire de 2.500 EUR par mois pour les deux enfants depuis le 23 septembre 2003.
Il ne s'agit en réalité pas d'un appel incident, mais d'une demande nouvelle, Madame X. s'étant bornée à demander devant le premier juge qu'il soit sursis à statuer sur les questions alimentaires.
Madame X. a cependant déjà choisi de porter la demande de contribution alimentaire devant les juridictions grecques, un jugement prononcé par défaut par le tribunal de première instance de Thessalonique le 27 octobre 2003, et confirmé le 15 avril 2004, condamnant Monsieur Z. à payer à ce titre à Madame X. un montant de 2.500 EUR par mois pour les deux enfants.
L'appel dirigé par Monsieur Z. contre cette décision, contestant notamment la compétence des juridictions grecques, est encore pendant.
Madame X. ne peut solliciter des juridictions belges une décision sur le même objet.
Dans l’hypothèse où Madame X. invoquerait l’urgence (art. 12 du règlement du 29 mai 2000), celle-ci ne peut être reconnue, Madame X. bénéficiant en tant que fonctionnaire auprès de la Commission européenne de substantielles allocations en faveur des enfants (environ 1.500 EUR par mois selon Monsieur Z.), et disposant également de substantiels revenus personnels lui permettant de faire face provisoirement aux frais d'entretien et d'éducation de deux enfants actuellement âgés de 8 et 6 ans, jusqu'au moment où le juge compétent au fond aura pu trancher cette question.
La demande nouvelle de Madame X. est donc irrecevable.
PAR CES MOTIF,
LA COUR,
Statuant contradictoirement,
Vu l’art. 24 de la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire ;
Entendu Monsieur L. Nouwynck, Avocat-général, en son avis émis à l’audience publique du 10 février 2005 ;
Reçoit l’appel ; le déclare en partie fondé dans la mesure ci-après déterminée ;
Confirme l’ordonnance dont appel en ce qu'elle autorise Madame X. à se maintenir seule dans la résidence conjugale sise à 1000 Bruxelles, Square M..., boîte 83, en ce qu'elle dit que les parties exerceront conjointement l’autorité parentale et l’administration des biens à l’égard de leurs enfants A et B, et en ce qu'elle confie l’hébergement principal des deux enfants à Madame X. ;
Met à néant l’ordonnance dont appel pour le surplus, et statuant à nouveau, par voie de mesures provisoires, vu l’urgence, en attendant que le juge compétent puisse se prononcer à titre définitif :
Dit que Monsieur Z. hébergera ses enfants A et B Z. selon les modalités suivantes :
– à partir du prononcé du présent arrêt, et jusqu'au 30 avril 2005, un après-midi par semaine, soit le samedi, soit le dimanche, de 14 heures à 18 heures, et à défaut d'accord entre les parties, le samedi ;
– à partir du premier mai 2005, un week-end sur deux, du vendredi à 18 heures au dimanche à 18 heures ;
à défaut d'accord entre les parties, le premier week-end durant lequel Monsieur Z. hébergera ses enfants sera celui du vendredi 6 mai au dimanche 8 mai 2005 ;
– dans la mesure où aucune décision au fond des juridictions compétentes n'aurait pu intervenir avant les grandes vacances 2005, pendant 15 jours au cours de celles-ci, à défaut d'accord entre les parties, du premier au 15 juillet 2005 ;
– toujours dans la mesure où aucune décision au fond des juridictions compétentes n'aurait pu intervenir en temps utile, dit pour droit que l’hébergement secondaire à raison d'un week-end sur deux reprendra le week-end du vendredi 9 au dimanche 11 septembre 2005 ;
Dit pour droit que Monsieur Z. viendra chercher les enfants au domicile de Madame X. au début de chaque période d'hébergement secondaire, et que Madame X. viendra les rechercher au domicile de Monsieur Z. à la fin de chaque période d'hébergement secondaire ;
Dit pour droit que tant Madame X. que Monsieur Z. ne pourront quitter la Belgique avec les enfants sans informer préalablement l’autre partie du jour de départ et du jour de retour des enfants ;
Déboute Monsieur Z. de surplus de son appel ;
Déclare la demande nouvelle de Madame X. tendant à l’octroi d'une contribution alimentaire de 2.500 EUR pour les deux enfants, à partir du 23 septembre 2003, irrecevable ;
Déclare la demande nouvelle de Madame X. tendant à l’octroi de dommages-intérêts pour appel téméraire et vexatoire recevable mais non fondée :