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Résumé de la décision Une société belge a signé une convention d’agence commerciale avec cinq sociétés danoises. Elle exerçait son activité d’agent commercial en Belgique et au Luxembourg. Suite à la résiliation de cette convention, la société belge réclama devant le tribunal de commerce de Bruxelles (BE), le paiement d’une somme d’argent au titre de diverses indemnités, ainsi que le paiement d’un arriéré de commissions et le paiement d’une somme au titre de rachat de clientèle. Les sociétés danoises s’y opposèrent en soulevant l’incompétence internationale du tribunal. Elles invoquèrent l'application d'une clause attributive de juridiction prévue au contrat d’agence commerciale, clause attribuant compétence à la cour maritime et commerciale de Copenhague (DK). La demanderesse, invoqua pour sa part, l'art. 27 de la loi belge du 13 avril 1995 prévoyant que « toute activité d'un agent commercial ayant son établissement principal en Belgique, relève de la loi belge et des tribunaux belges » (loi de police).
Le Tribunal de commerce de Bruxelles se déclare incompétent. Il estime d'une part, que la clause attributive de compétence répond aux conditions de validité de l’art. 17 de la Convention de Bruxelles. D'autre part, eu égard à la loi belge invoquée par la demanderesse, l'art. 27 de cette loi prévoit aussi qu’il peut être dérogé au prescrit impératif qu’il contient par application de conventions internationales auxquelles la Belgique est partie, ce qui est le cas de la Convention de Bruxelles.
Objet de l’action et son origine.
Attendu que l’action introduite, par exploit de citation du 17 septembre 1999, par la SPRL Decorado a pour objet, en application de la loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d’agence commerciale, d’entendre condamner, solidairement, in solidum ou l’une à défaut de l’autre, les 5 défenderesses, toutes des sociétés de droit danois, au paiement de la somme de 20.015.313 FF au titre de diverses indemnités (indemnité compensatoire de préavis, indemnité d’éviction et dommages et intérêts) à la suite de la résiliation de la convention d’agence commerciale qui unissait les parties ;
Qu’elle poursuit également le paiement d’un arriéré de commissions de 1.116.000 FF ainsi que d’une somme de 748.000 FF à titre de rachat de clientèle ;
Qu’elle postule aussi la production de différents documents ;
Attendu que les défenderesses déclinent, avant toute exception, la compétence internationale du tribunal de céans ; qu’elles invoquent en effet la clause d’attribution de juridiction contenue dans l’art. 13 du contrat d’agence conclu le 9/16 août 1998 et qui donne compétence en cas de litige à la Cour maritime et commerciale à Copenhague ;
Attendu que les faits peuvent être résumés comme suit :
les parties sont liées, depuis le 9/16 août 1996 pour les deux premières défenderesses, et juin 1998 pour les 3 dernières, par un contrat d’agence commerciale, la demanderesse exerçant son activité d’agent commercial sur le territoire de la Belgique et du Luxembourg ;
à la suite d’un différend survenu entre parties en juin/juillet 1999, la demanderesse mit fin à la convention précitée moyennant un préavis contractuel de 6 mois ;
estimant pour leur part que la demanderesse avait violé ses obligations contractuelles, les défenderesses mirent fin au contrat à dater du 25 juin 1999 ;
Discussion.
1. Attendu que les parties limitent les débats à la compétence du tribunal de céans ;
2. Attendu que pour fonder la compétence du tribunal, la demanderesse soutient que les relations contractuelles entre parties qui s’analysent comme un contrat d’agence commerciale, sont soumises à la loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d’agence commerciale laquelle prévoit en son art. 27 qui sont une loi de police, l’application du droit belge et la compétence des tribunaux belges ;
3. Attendu que les défenderesses pour leur part déclinent la compétence du tribunal de céans par application de l’art. 13 de la convention conclue entre parties, disposition qui répond aux exigences de l’art. 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et qui attribue compétence à la Cour maritime et commerciale de Copenhague ;
4. Attendu que l’art. 13 de la convention d’agence litigieuse laquelle a été conclue et signée par la demanderesse, attribue clairement compétence à la Cour maritime et commerciale de Copenhague pour connaître des différends relatifs audit contrat ;
Que cette Cour est une juridiction étatique du Royaume du Danemark sur lequel les parties défenderesses ont leur siège social respectif ;
Que cette disposition contractuelle répond aux conditions de validité de l’art. 17 de la Convention de Bruxelles ;
5. Attendu que la demanderesse objecte toutefois que ladite clause de prorogation de compétence ne peut avoir d’effet au regard de l’art. 27 de la loi belge du 13 avril 1995 qui est une loi de police et qui prévoit que « ... toute activité d’un agent commercial ayant son établissement principal en Belgique relève de la loi belge et de la compétence des tribunaux belges », l’art. 13 du contrat disposant en effet que le droit danois est applicable aux relations entre parties ;
Que donc en vertu de ladite clause, les juges danois ne seront pas tenus d’appliquer la loi belge, ce qui violerait le prescrit de l’art. 27 précité ;
6. Attendu que comme le souligne à juste titre les défenderesses, la question de la loi applicable n’est, en l’espèce, pas pertinente pour statuer sur la compétence du tribunal de céans ;
Que les décisions de jurisprudence et la doctrine auxquelles la demanderesse se réfère pour asseoir sa position, concernent le problème du caractère arbitrable de litiges en matière de concession de vente exclusive alors que, en l’occurrence, la clause litigieuse attribue compétence non à un tribunal arbitral mais à une juridiction d’état comme le prévoit l’art. 17 de la Convention de Bruxelles ;
7. Attendu d’autre part que l’art. 27 de la loi du 13 avril 1995 prévoit expressément qu’il peut être dérogé au prescrit impératif qu’il contient par application de conventions internationales auxquelles la Belgique est partie, ce qui est le cas de la Convention de Bruxelles de 1968 ;
Que partant la compétence du juge belge peut être contractuellement écartée (M. et St. Willemart, La concession de vente et l’agence commerciale, Les dossiers du Journal des Tribunaux 8, p. 87 et 89) ;
8. Attendu que le tribunal de céans n’est donc pas compétent ;
Par ces motifs, le Tribunal,
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire ;
Statuant contradictoirement,
Se déclare incompétent ;