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Résumé de la décision X fut employé en qualité de « Customer Services Agent-Inflight » par Y, une société ayant son siège à Dublin (IE). X effectua ses taches principales à bord des avions. Les feuilles du vol lui furent communiquées d'abord à la base de Londres (UK), puis, à sa demande, à la base de Charleroi (BE). Ayant été licencié à l’issue de sa période d’essai contractuelle, X assigna donc Y devant le Tribunal du travail de Charleroi (BE). Ce dernier condamna la société défenderesse au paiement d'une certaine somme. Y interjeta appel. Elle contesta la compétence du juge belge et affirma la nécessité de poser une question préjudicielle à la CJCE concernant l'interprétation de l'art. 19 no. 2 du Règlement « Bruxelles I » lorsque le travailleur est engagé comme membre du personnel navigant d'une compagnie aérienne.
La Cour d'appel de Mons (BE) infirme le jugement. Elle rejette d'abord la demande de renvoi préjudiciel. Ce renvoi n'est en effet admis que dans le cas où la décision nationale n'est plus susceptible d'un recours de droit interne (art. 68 CE). Tel ne serait le cas en l'espèce, le recours en cassation restant ouvert. La Cour affirme ainsi qu'au sens de l'art. 19 no. 2 (a), du Règlement « Bruxelles I », l'employeur peut être assigné devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. Toutefois le travail accompli en vol, qui constituait l'essentiel de prestations de travail de X, doit être considéré comme n'étant pas accompli dans un même pays. En outre, de la circonstance que X avait été transféré à la base de Charleroi ne s'ensuivrait pas qu'il accomplissait habituellement son travail à cet aéroport. Par conséquent, l'art. 19 no. 2 (b) était applicable, selon lequel, lorsque le travailleur n'accomplit pas son travail dans un même pays, l'employeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, et donc devant les juridictions irlandaises.
Attendu que l’intimé, engagé le 19 avril 2001 et licencié le 19 avril 2002, à l’issue de sa période d’essai contractuelle, a assigné, par citation introductive d’instance notifiée le 11 décembre 2002, son ex-employeur, la société de droit irlandais R. Ltd, dont le siège social est à Dublin (Irlande), devant le tribunal du travail de Charleroi ;
Attendu que, par jugement contradictoire du 21 mars 2005, le tribunal du travail a dit la demande recevable et fondée et condamnée la société défenderesse à payer...
Attendu que l’appelante fait, à titre principal, grief au tribunal du travail de s’être déclaré compétent pour connaître de la demande et de l’avoir dite recevable alors que selon elle, seuls les tribunaux irlandais détenaient cette compétence ;
Attendu qu’en termes de conclusions additionnelles, l’intimé réitère la demande formulée devant le premier juge visant à saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle ainsi libellée :
1. En vue de l’application de l’article 19.2 du Règlement no. 44/2001 du Conseil du 20 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale, quels sont les critères pertinents qui permettent de déterminer l’Etat contractant sur le territoire duquel un travailleur accomplit habituellement son travail lorsque ce travailleur est engagé comme membre du personnel navigant d’une entreprise effectuant le transport international de passagers par voie aérienne?
2. Quel endroit doit être considéré comme lieu à partir duquel ce travailleur s’acquitte en fait de l’essentiel de ses obligations envers son employeur lorsque les obligations résultant de ce contrat de travail s’exécutent pour partie sur le sol (aéroport) d’un Etat contractant et pour partie à bord d’un avion qui a la nationalité d’un autre Etat contractant et lequel a, par ailleurs, engagé ce travailleur ?
Attendu que le règlement n° 44/2001 ayant été adopté sur le fondement de l’article 61, sous c, qui figure sous la troisième partie, titre IV, du Traité des Communautés européennes, l’article 234 de ce dernier lui est, aux termes de son article 68, paragraphe premier, applicable en sorte que seule une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peut demander à la Cour de statuer sur une question d’interprétation de ce règlement:
Attendu qu’un arrêt de la cour du travail peut être attaqué devant la Cour de cassation, dans les conditions légales, par la voie d’un pourvoi visant notamment à permettre le réexamen de l’application qui a été faite du droit communautaire, en sorte qu’il ne constitue pas, au sens de l’article 234 du Traité, une décision non susceptible de recours juridictionnel de droit interne ;
Qu’en conséquence, la demande de renvoi préjudiciel doit être rejetée, la cour de céans ayant obligation d’examiner le litige au regard du règlement invoqué;
Attendu que l’article 19 du Règlement (CE) no. 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale, entré en vigueur le 1 mars 2002, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les Etats membres conformément au Traité instituant la Communauté européenne porte que : « Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait :
1. devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou
2. dans un autre État membre :
a. devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou
b. lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur » ;
Attendu qu’il n’a pas été dérogé à ces dispositions par des conventions attributives de juridiction répondant aux conditions fixées par l’article 21 du même règlement;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des explications concordantes des parties que l’intimé a été embauché dans un contrat de travail rédigé en langue anglaise signé à Dublin, lieu du domicile de l’appelante, le 19 avril 2001 en qualité de « Customer Services Agent-Inflight », lequel prévoit que la relation de travail entre R. et lui-même est et sera régie par les lois ayant effet en République d’Irlande et, notamment, soumise à la sécurité sociale irlandaise ;
Qu’il est constant que l’essentiel des prestations correspondant aux principales tâches de l’intimé, décrites par le contrat, c’est-à-dire l’assistance, le contrôle et la sécurité des passagers, l’assistance à l’embarquement et aux services de terre, la vente de marchandises hors-taxes à bord de l’avion, le nettoyage de l’intérieur de l’avion, étaient effectuées à bord des avions, le reste du temps de travail, effectué au sol, étant réparti dans les pays où les vols qu’il assurait atterrissaient ou décollaient ;
Attendu que si l’intimé a bien été transféré à sa demande à dater du 16 novembre 2001 de la base de Londres de la société appelante à celle de Charleroi, où lui étaient communiquées les feuilles de vol établies pour l’ensemble du personnel, il ne s’ensuit pas que l’intimé accomplissait habituellement son travail à l’aéroport de Charleroi au sens de l’article 19.2 (a) du Règlement (CE) no. 44/2001 ;
Attendu que si l’on écarte comme non déterminant le rattachement territorial des avions dans lesquels l’intimé effectuait quantitativement et qualitativement la plus grande part de son travail, en l’espèce le pavillon irlandais résultant du lieu d’immatriculation desdits avions, il faut relever en fait que le travail accompli en vol dans l’[espace] aérien de plusieurs pays, Belgique comprise, peut être considéré comme n’étant pas accompli habituellement dans un même pays au sens de l’article 19.2 (b) du Règlement (CE) no. 44/2001 en sorte que c’est de toute manière devant le tribunal du lieu où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur que l’employeur peut être attrait ;
Attendu qu’en l’espèce, l’établissement qui a embauché le travailleur correspond au siège de l’appelante à Dublin où le contrat a été signé, élément matériel qui n’est pas contesté ;
Qu’il s’ensuit qu’en tout état de cause, l’appelante ne pouvait être attraite, en sa qualité d’employeur de l’intimé, que devant la juridiction compétente de l’Etat irlandais ;
Qu’aucun autre argument invoqué ne justifie en fait et en droit une attribution de compétence aux juridictions de l’Etat belge au regard des dispositions communautaires applicables au litige,
Dispositif conforme aux motifs.