LA COUR ;
Vu l’arrêt attaqué, rendu le 12 mai 1977 par la cour d'appel de Liège ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la défenderesse et déduite de ce qu'il est tardif pour avoir été formé le 18 novembre 1977, soit plus de trois mois après la signification de l’arrêt attaqué par la transmission de l’exploit de signification par le procureur du Roi de Liège au Président de l’Amtsgericht d'Ingolstadt, en République fédérale d'Allemagne, qui l’aurait reçu au plus tard le 12 août 1977, sans que la demanderesse puisse se prévaloir de l’augmentation de délai de quinze jours prévue par les arts. 55, 1°, et 1073 du Code judiciaire, ayant, dans son acte d'appel, élu domicile en Belgique
Attendu qu'il apparaît des pièces de la procédure que la demanderesse a, dans son acte d'appel, élu domicile en Belgique et que la défenderesse a fait signifier l’arrêt rendu sur cet appel au domicile de la demanderesse en République fédérale d'Allemagne ;
Attendu qu'aux termes de l’art. 40, al. 4, du Code judiciaire la signification à l’étranger ou au procureur du Roi est non avenue si la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait le domicile ou la résidence ou le domicile élu en Belgique ou, le cas échéant, à l’étranger du signifié ;
Attendu que, par application de cette disposition, la signification de l’arrêt à l’étranger, à la requête de la défenderesse qui connaissait, par l’acte d'appel, le domicile élu de la demanderesse en Belgique, est non avenue et n'a pas fait courir contre la demanderesse le délai de pourvoi ; que celui-ci n'est pas tardif ;
Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;
Sur le premier et le deuxième moyen, pris,
le premier, de la violation des arts. 3, 6, 1133 du Code civil, ler, 2, 3, 6 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, respectivement modifiés par les arts. ler, 2, 3 et 6 de la loi du 13 avril 1971, et, pour autant que de besoin, de la violation desdits arts. ; des arts. 4 de ladite loi du 27 juillet 1961, 23 à 28, 1723 du Code judiciaire, ler, 9 (1) et 12 (2) de la Convention entre la Belgique et la Suisse sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, signée à Berne le 29 avril 1959 et approuvée par la loi du 21 mai 1962, et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi ; de l’art. 7 (1) de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères faite à New York le 10 juin 1958 et approuvée par la loi du 5 juin 1975, et, pour autant que de besoin de la violation de ladite loi ; de l’art. 9 de la Convention européenne en matière d'arbitrage faite à Strasbourg le 20 janvier 1966 et approuvée par l’art. 1 de la loi du 4 juillet 1972, et, pour autant que de besoin, de la violation dudit article et de l’art. 97 de la Constitution,
en ce que, pour rejeter le moyen par lequel la demanderesse invoquait, dans ses conclusions régulièrement prises en degré d'appel, en se fondant sur les arts. 1er et 9 (1) de la Convention belgo-suisse signée à Berne le 29 avril 1959 et approuvée par la loi du 21 mai 1962, l’autorité de chose jugée attachée aux sentences arbitrales des 30 mars 1974 et 6 décembre 1975, ainsi qu'à la décision du 1er juillet 1974 du Tribunal supérieur du canton de Zurich, et, par voie de conséquence, l’irrecevabilité de l’action mue par la défenderesse devant les tribunaux belges, l’arrêt décide : « que la Convention entre la Belgique et la Suisse sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, signée à Berne le 29 avril 1959 et approuvée par la loi du 21 mai 1962, publiée au Moniteur du 11 septembre 1962 et entrée en vigueur le 15 octobre 1962, prévoit que «les sentences arbitrales prononcées dans l’un des deux Etats seront reconnues dans l’autre et y seront rendues exécutoires » à condition que « la reconnaissance de la décision ne soit pas incompatible avec l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée » (arts. 9 [1] et 1er [1], a), mais n'exclut pas l’application d'autres, conventions ou accords auxquels les deux Etats sont ou seront parties et qui règlent ou régleront la « reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires ou des sentences arbitrales (art. 12 [2]) »,
alors que, première branche, l’arrêt laisse ainsi incertain s'il a refusé de reconnaître l’autorité de la chose jugée des sentences arbitrales susdites parce qu'il a estimé que l’une des conditions requises à cet effet par la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959, à savoir la compatibilité de la reconnaissance de la sentence avec l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée, n'était pas remplie en l’espèce ou s'il a considéré que la reconnaissance des sentences arbitrales ne pouvait être accordée parce que le litige n'était pas susceptible d'arbitrage ; d'où il suit que l’arrêt est fondé sur des motifs dont l’imprécision ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de son dispositif et que, partant, il n'est pas régulièrement motivé (violation des dispositions visées au moyen et spécialement de l’art. 97 de la Constitution) ;
deuxième branche, l’arrêt ne répond pas au soutènement par lequel la demanderesse démontrait, de manière circonstanciée, dans ses conclusions additionnelles régulièrement prises en degré d'appel, que les sentences arbitrales précitées n'étaient incompatibles ni avec l’ordre public international belge ni avec l’ordre public interne belge, étant celui de l’Etat où elles étaient invoquées ; d'où il suit que, si l’arrêt devait être interprété comme ayant refusé la reconnaissance desdites décisions arbitrales en raison de leur incompatibilité avec l’ordre public belge, interne ou international, l’arrêt ne serait pas régulièrement motivé : 1° à défaut d'avoir répondu auxdites conclusions (violation de l’art. 97 de la Constitution), 2° en ce qu'il laisse à tout le moins incertain en quoi aurait consisté cette incompatibilité avec l’ordre public belge ou international (violation de l’art. 97 de la Constitution) ;
troisième branche, les dispositions de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 13 avril 1971, ne revêtent pas un caractère d'ordre public international ni même d'ordre public interne, mais constituent uniquement des dispositions impératives ; que la Convention belgo-suisse ne vise, en ses arts. 9 (1) et 1er (1), a, que le cas où la reconnaissance de la sentence arbitrale serait contraire à l’ordre public et même à l’ordre public international ; que, si l’arrêt doit être interprété comme ayant refusé la reconnaissance des sentences arbitrales litigieuses sur la base de la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959, au motif que cette reconnaissance serait contraire à l’ordre public interne ou international, il méconnaît le caractère simplement impératif de la loi du 27 juillet 1961 (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des arts. 3, 6, 1133 du Code civil, 1er, 2, 3, 4 et 6 de la loi du 27 juillet 1961) ;
quatrième branche, dût-on même admettre, quod non, que la loi du 27 juillet 1961, telle qu'elle a été modifiée par celle du 13 avril 1971, aurait un caractère d'ordre public, encore ne s'agirait-il que de dispositions d'ordre public interne belge, et non d'ordre public international ; la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959 à laquelle se réfère l’arrêt n'exclut la reconnaissance que des sentences arbitrales incompatibles avec l’ordre public international du pays où elles sont invoquées ; que, dès lors, s'il devait être interprété comme ayant refusé la reconnaissance des décisions arbitrales susdites en raison de leur incompatibilité avec l’ordre public international belge, l’arrêt aurait, à tout le moins, conféré à tort aux dispositions de la loi du 27 juillet 1961 visées au moyen le caractère de dispositions d'ordre public international (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des arts. 3, 6, 1133 du Code civil, l’In, 2, 3, 4 et 6 de la loi du 27 juillet 1961) ;
cinquième branche, l’arbitrabilité du litige ne figure pas parmi les conditions auxquelles la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959 subordonne la reconnaissance des sentences arbitrales rendues dans l’un des Etats contractants ; que l’art. 12 (2) de cette convention visé par l’arrêt n'a pas pour effet d'en restreindre la portée et de permettre aux tribunaux des Etats contractants de refuser la reconnaissance d'une sentence arbitrale rendue sur le territoire de l’un de ceux-ci en invoquant des conditions qui seraient posées par d'autres conventions internationales auxquelles ils seraient parties, et qui ne figureraient pas dans ladite Convention belgo-suisse ; que, l’art. 12 (2) dût-il même être interprété en ce sens, quod non, encore faut-il constater que les autres conventions internationales en matière de reconnaissance de sentences arbitrales auxquelles la Belgique et la Suisse sont parties, à savoir la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères et la Convention européenne portant loi uniforme en matière d'arbitrage faite à Strasbourg le 20 janvier 1966, prévoient respectivement en leurs arts. 7 (1) et 9 qu'elles ne portent pas atteinte à l’application des conventions bilatérales ou multilatérales conclues ou qui viendraient à être conclues entre parties contractantes et que, par conséquent, elles ne portent notamment pas atteinte à la Convention belgo-suisse ; d'où il suit que, s'il fallait l’interpréter comme I ayant refusé la reconnaissance des sentences arbitrales précitées au motif que le litige n'était pas susceptible d'arbitrage, l’arrêt aurait ajouté à la Convention belgo-suisse une condition qu'elle ne prévoit pas et, partant, ne serait pas légalement justifié (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des arts. 1 , 9 [1], 12 [2] de la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959,7 [ 1 ] de la Convention de New York du 10 juin 1958,9 de la Convention de Strasbourg du 20 janvier 1966 et 1723 du Code judiciaire) :
le deuxième, de la violation des arts. 1134 du Code civil, 1676, spécialement al. 1er, 1703 du Code judiciaire, 1 (1) de la Convention belgo-suisse sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, signée à Berne le 29 avril 1959 et approuvée par la loi du 21 mai 1962, et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi, 5, spécialement (2), de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères faite à New York le 10 juin 1958 et approuvée par la loi du 5 juin 1975 et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi, VI, spécialement 2, de la Convention européenne sur l’arbitrage commercial international faite à Genève le 21 avril 1961 et approuvée par la loi du 19 juillet 1975 et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi, 24 de la loi uniforme annexée à la Convention européenne en matière d'arbitrage faite à Strasbourg le 20 janvier 1966 et approuvée par la loi du 4 juillet 1972 et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi, ler, 2, 3 et 6 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, respectivement modifiés par les arts. 1er, 2, 3 et 6 de la loi du 13 avril 1971, et, pour autant que de besoin, de la violation desdits articles, et des arts. 4 de ladite loi du 27 juillet 1961 et 97 de la Constitution,
en ce que l’arrêt décide que „ la loi du 27 juillet 1961, en son art. 6, prive d'effets toutes conventions que le concessionnaire aurait conclues avant la fin du contrat au sujet de ses droits quant à la nature de concession à durée indéterminée comme au préavis et aux diverses indemnités résultant de la résiliation unilatérale de la concession ; qu'en l’espèce la clause compromissoire stipulée avant la fin du contrat et supposant la possibilité d'une transaction était une disposition prohibée ; que le litige, portant à titre principal sur la nature du contrat et sur les conséquences de sa résiliation unilatérale par le concédant, comme les demandes qui lui sont accessoires et, partant, nécessairement connexes, n'était, dès lors, pas susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage ; que la loi de police du 27 juillet 1961 fait donc obstacle à ce que soient reconnues et acquièrent autorité de chose jugée en Belgique tant la sentence arbitrale et la décision du Tribunal supérieur de Zurich sur la compétence que la sentence arbitrale sur le fond », considérant ainsi que les litiges en matière de concessions exclusives de vente à durée indéterminée ne sont pas susceptibles d'arbitrage et écartant pour ce motif le déclinatoire de juridiction soulevé par la demanderesse dans ses conclusions d'appel principales et additionnelles ainsi que l’exception de chose jugée qu'elle invoquait également dans les mêmes conclusions, à tout le moins, en ce qui concerne cette seconde exception, si l’arrêt doit être interprété comme l’ayant rejetée en raison du caractère non arbitrable du litige,
alors qu'aucune disposition de la loi du 27 juillet 1961, telle qu'elle a été modifiée par celle du 13 avril 1971, n'interdit aux parties de prévoir une clause compromissoire dans leur contrat de concession de vente exclusive à durée indéterminée et que le recours à l’arbitrage n'est par conséquent pas incompatible avec les dispositions de cette loi et en particulier avec son art. 6 visé par l’arrêt ; qu'il en est ainsi, même si la clause compromissoire prévoit l’application au litige d'une loi autre que la loi belge ; que les conventions internationales existantes en matière d'arbitrage, et en particulier la Convention belgo-suisse du 29 avril 1959, la Convention de New York du 10 juin 1958, la Convention européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage commercial international et la Convention européenne de Strasbourg du 20 janvier 1966 portant loi uniforme en matière d'arbitrage, ne restreignent pas la validité ou la reconnaissance des clauses compromissoires et des sentences rendues sur la base de celles-ci en fonction de la loi déclarée applicable au litige ; que la Convention de Genève du 21 avril 1961 prévoit au contraire en son art. VII que les parties sont libres de déterminer le droit que les arbitres devront appliquer au fond du litige ; d'où il suit qu'en décidant que le litige n'était, en l’espèce, pas susceptible d'arbitrage l’arrêt viole toutes les dispositions visées au moyen :
Quant à la première branche du premier moyen :
Attendu que, se fondant sur l’analyse de la Convention entre la Belgique et la Suisse sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales et de différentes autres conventions internationales en matière d'arbitrage auxquelles la Belgique est partie, l’arrêt énonce « qu'ainsi il apparaît que les conventions internationales et, en termes explicites, la Convention européenne portant loi uniforme du 20 janvier 1966 autorisent expressément le juge du pays où la sentence arbitrale est invoquée à rejeter celle qui règle un différend dont la solution est, en vertu de son propre droit, soustraite à l’arbitrage ; qu'en tout cas la sentence arbitrale ne doit être reconnue que si elle n'est pas contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée, notamment aux lois de police et de sûreté, en l’espèce la loi du 27 juillet 1961 » ; que, dans le dispositif de l’arrêt, la cour d'appel dit n'y avoir lieu à la reconnaissance des sentences arbitrales visées au moyen, ces décisions ayant été rendues à la suite d'un compromis ou d'une clause compromissoire non valables d'après la loi belge qui leur est applicable et l’objet desdites sentences n'étant pas susceptible d'être réglé par la voie de l’arbitrage selon la même loi, et au surplus la reconnaissance de ces décisions étant contraire à l’ordre public international belge en vertu de la loi de police et de sûreté du 27 juillet 1961 ;
Attendu qu'il ressort des considérations et du dispositif de l’arrêt que celui-ci fonde sa décision, sans ambiguïté, sur deux motifs distincts ;
Qu'en cette branche le moyen manque en fait ;
Quant à la cinquième branche du premier moyen et quant au deuxième moyen :,
Attendu qu'en sa cinquième branche le premier moyen soutient que, en fondant sa décision sur le motif que le litige n'était pas susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage, l’arrêt viole les conventions internationales en matière d'arbitrage qu'il cite et en particulier la Convention conclue entre la Belgique et la Suisse ;
Attendu que la reconnaissance des sentences arbitrales étrangères par le juge belge est, en principe, soumise à la condition qu'au regard de la loi belge le litige soit susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage et puisse donc être soustrait à la juridiction des tribunaux ;
Attendu que la Convention entre la Belgique et la Suisse sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, signée à Berne le 29 avril 1959 et approuvée par la loi du 21 mai 1962, ne déroge pas à cette règle qui est d'application même si elle n'est pas expressément formulée par les conventions internationales ;
Que cette règle est confirmée par la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, faite à New York le 10 juin 1958 et approuvée par la loi du 5 juin 1975, qui dispose en son art. 5.2, a, que la reconnaissance et l’exécution d'une sentence pourront être refusées si l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont requises constate que, d'après la loi de ce pays, l’objet du différend n'est pas susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage ; que cette convention a été ratifiée par la Suisse ;
Qu'en cette branche le moyen manque en droit ;
Attendu que le deuxième moyen soutient que, en décidant que le litige n'était pas, en l’espèce, susceptible d'arbitrage, l’arrêt viole toutes les dispositions visées au moyen ;
Attendu que la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, modifiée par la loi du 13 avril 1971, dispose en son art. 4 que le concessionnaire lésé, lors d'une résiliation d'une concession de vente produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge, peut en tout cas assigner le concédant en Belgique, soit devant le juge de son propre domicile, soit devant le juge du domicile ou du siège du concédant, et que, dans le cas où le litige est porté devant un tribunal belge, celui-ci appliquera exclusivement la loi belge ;
Qu'en vertu de l’art. 6 de la même loi les dispositions de celle-ci sont applicables nonobstant toutes conventions contraires conclues avant la fin du contrat accordant la concession ;
Attendu que ces dispositions impératives ont pour but d'assurer, dans tous les cas, au concessionnaire le droit d'invoquer la protection de la loi belge, sauf s'il y a renoncé par une convention conclue après la fin du contrat accordant la concession ;
Attendu qu'un litige relatif à la résiliation par le concédant d'un contrat de concession de vente exclusive produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge n'est, dès lors, pas susceptible d'être réglé par la voie d'un arbitrage convenu avant la fin du contrat et qui a pour but et pour effet d'entraîner l’application d'une loi étrangère ;
Attendu qu'en l’espèce l’arrêt constate que le contrat de concession de vente exclusive liant les parties contient en son art. 16 une clause compromissoire donnant compétence à un collège arbitral siégeant à Zürich et que l’art. 15 du contrat prévoit l’application du droit de la République fédérale d'Allemagne ;
Que l’arrêt relève, en outre, que le même art. 15 du contrat stipule que le lieu d'exécution de l’obligation est au siège social de la demanderesse, en Allemagne ; que l’arrêt considère, à cet égard, que cette clause est en opposition avec la nature des choses, la concession devant s'exécuter sur le territoire belge, qu'elle n'est qu'un artifice inspiré par la volonté d'échapper à l’application de la loi belge, ainsi qu'il résulte notamment des termes d'une lettre de la demanderesse, et décide, en conséquence, que ladite clause ne peut être interprétée que comme constitutive de fraude à la loi ;
Attendu qu'il résulte des considérations qui précèdent qu'en refusant la reconnaissance des sentences arbitrales visées au moyen et en leur déniant l’autorité de la chose jugée pour le motif que le litige n'était pas susceptible en l’espèce, au regard de la loi belge, d'être réglé par la voie de l’arbitrage, l’arrêt justifie légalement sa décision ;
Que le deuxième moyen ne peut être accueilli ;
Quant aux deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen :
Attendu que, l’arrêt ayant légalement, ainsi qu'il ressort des considérations qui précèdent, refusé l’autorité de la chose jugée aux sentences arbitrales invoquées, le premier moyen, fût-il fondé en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ne pourrait entraîner la cassation de la décision attaquée ;
Qu'en ces branches il est irrecevable à défaut d'intérêt ;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des art. s 6, 1133, 1134, 1167, 1321, 1382, 1383 du Code civil, 2 et 5, spécialement 1°, de la Convention entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 et approuvée par la loi du 13 janvier 1971, et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi et de l’art. 97 de la Constitution,
en ce que, pour rejeter le déclinatoire de compétence opposé par la demanderesse dans ses conclusions d'appel, l’arrêt décide que les tribunaux belges sont compétents sur la base de l’art. 5, 1 °, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, le lieu d'exécution de l’obligation litigieuse étant la Belgique, et écarte ainsi l’art. 1er (lire 15) du contrat de concession de vente exclusive du 24 août 1961 (lire 1971) prévoyant que le lieu d'exécution dudit contrat était Neckarsulm, au motif que „ le choix d'une ville allemande comme lieu d'exécution d'une convention de concession de vente sur un territoire étranger à la République Fédérale d'Allemagne (provinces belges et Grand-Duché de Luxembourg) est en opposition avec la nature des choses et n'est qu'un artifice inspiré par la volonté d'échapper à l’application de la loi belge sur la concession à durée indéterminée et ne peut être interprété que comme constitutif de fraude qui, à elle seule, entraîne la nullité de l’art. 15 du contrat », et décide en conséquence „ que le lieu d'exécution des obligations de l’appelante vis-à-vis de l’intimée était en Belgique », et non en Allemagne comme le prévoyait le contrat de concession et qu' „ en vertu de l’art. 5, 1 °, de la Convention CEE, tel qu'il est interprété par la Cour de Justice, le premier juge était territorialement compétent » ; que l’arrêt écarte et annule ainsi l’art. 15 du contrat de concession au motif que celui-ci constituerait une fraude à la loi belge,
alors que les conventions légalement formées ont force obligatoire ; que la théorie de la fraude à la loi n'est pas admise en droit interne hors le cas, étranger à l’espèce, de la fraude aux droits des tiers ; d'où il suit que l’arrêt, en refusant de donner effet à l’art. 15 du contrat de concession, en a méconnu la force obligatoire (violation de l’art. 1134 du Code civil) et n'a en tout cas pas légalement justifié ce refus (violation de toutes les dispositions visées au moyen)
Attendu qu'il ressort des motifs de l’arrêt reproduits dans la réponse au deuxième moyen que la cour d'appel a considéré que la clause contenue dans l’art. 15 du contrat de concession de vente exclusive et déterminant le lieu d'exécution de l’obligation avait pour objet de simuler un élément d'extranéité contraire à la réalité des choses et que la demanderesse avait ainsi eu pour but d'écarter par un artifice la loi belge normalement applicable, au profit d'une loi étrangère ;
Que l’arrêt décide que cette clause, constitutive de fraude à la loi, est nulle ;
Qu'ainsi l’arrêt justifie légalement sa décision ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen, pris de la violation des arts. 1247, spécialement al. 2, du Code civil, 2, 5, 1° et 5°, de la Convention entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 et approuvée par la loi du 13 janvier 1971, et, pour autant que de besoin, de la violation de ladite loi, et des arts. 1, 2, 3 et 6 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, respectivement modifiés par les arts. 1er, 2, 3 et 6 de la loi du 13 avril 1971, et, pour autant que de besoin, de la violation desdits articles et des arts. 4 de ladite loi du 27 juillet 1961 et 97 de la Constitution,
en ce que l’arrêt décide qu' » en vain l’appelante (ici demanderesse) invoque le caractère alternatif de son obligation – préavis ou indemnité – alors que le payement de cette dernière constitue l’exécution par équivalent de l’obligation non exécutée, ou mal exécutée, de donner un préavis raisonnable qui doit s'exécuter en Belgique et ne peut lui même par conséquent être exécuté ailleurs qu'en Belgique ; que le principe de la quérabilité de la dette est inapplicable aux obligations qui, spécifiques de la concession exclusive, s'exécutent nécessairement au lieu où s'exploite la concession », que par conséquent le lieu d'exécution de l’obligation litigieuse, à savoir le payement de l’indemnité prévue par l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961, est la Belgique et que les tribunaux belges sont compétents pour connaître du litige, et écarte pour ce motif le déclinatoire de compétence soulevé par la demanderesse,
alors que, première branche, comme le soutenait la demanderesse dans ses conclusions d'appel, l’obligation de payer l’indemnité prévue par l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961, tel qu'il a été modifié par celle du 13 avril 1971, constitue une obligation autonome de celle de donner un préavis raisonnable prévue par le même art. et ne revêt pas le caractère compensatoire que lui attribue l’arrêt ; que par conséquent c'est le lieu d'exécution de l’obligation de payer cette indemnité qui détermine la compétence des tribunaux sur la base de l’art. 5, 1 °, de la Convention de Bruxelles ; d'où il suit qu'en décidant que l’obligation de payer l’indemnité due en vertu de l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961 est compensatoire par rapport à celle qui est prévue par le même art. , de donner un préavis raisonnable et en prenant pour ce motif en considération cette dernière obligation pour fonder la compétence des tribunaux belges, l’arrêt viole les dispositions visées au moyen et spécialement les art. s 5, 1°, de la Convention de
Bruxelles du 27 septembre 1968 et 2 de la loi du 27 juillet 1961 ;
seconde branche, comme le soutenait également la demanderesse dans ses conclusions d'appel, l’obligation de payer une indemnité constitue un payement qui, en vertu de l’art. 1247, al. 2, du Code civil, doit être fait au domicile du débiteur ; qu'en effet ledit art. 1247, al. 2, est applicable à toutes les obligations de payement, en ce compris celles qui naissent dans le cadre de la rupture d'un contrat de concession de vente exclusive à durée indéterminée ; qu'aucune disposition de la loi du 27 juillet 1961, telle qu'elle a été modifiée par celle du 13 avril 1971, ne déroge audit art. 1247 en ce qui concerne les payements d'indemnités dues en vertu de cette loi ; que, dès lors, en l’espèce, l’obligation autonome de payer l’indemnité doit s'exécuter au siège social de la demanderesse, à savoir en Allemagne, et que seuls les tribunaux allemands étaient en conséquence compétents comme le soutenait la demanderesse ; d'où il suit qu'en rejetant le déclinatoire de compétence opposé par la demanderesse, dans ses conclusions d'appel, au motif que l’obligation de payer l’indemnité prévue par l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961 doit s'exécuter au lieu où la concession était exploitée, à savoir en Belgique, l’arrêt viole les dispositions visées au moyen et spécialement les arts. 1247 du Code civil et 2 de la loi du 27 juillet 1961 :
Attendu que la demanderesse, qui ne critique pas, en ce moyen, la décision de l’arrêt suivant laquelle la loi belge est applicable, soutient que, l’obligation de payer l’indemnité prévue par l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée devant, en vertu des dispositions de cette loi et de l’art. 1247 du Code civil, s'exécuter au siège social de la demanderesse en Allemagne, seuls les tribunaux allemands et non les tribunaux belges sont compétents, au regard de l’art. 5, 1°, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 entre les Etats membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, approuvée par la loi du 13 janvier 1971, pour connaître de l’action en payement de cette indemnité ;
Attendu que l’art. 5, 1°, de la Convention de Bruxelles dispose que „ le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant : 1° en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation a été ou doit être exécutée» ;
Attendu que, ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes l’a décidé par son arrêt no. 14/76 du 6 octobre 1976, dans un litige opposant le bénéficiaire d'une concession exclusive de vente à son concédant à qui il reprochait d'avoir violé la concession exclusive, le terme „ obligation » qui se trouve inscrit audit art. 5, 1°, se réfère à l’obligation contractuelle servant de base à l’action judiciaire, c'est-à-dire à l’obligation du concédant correspondant au droit contractuel qui est invoqué pour justifier la demande du concessionnaire ;
Que, dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession de vente exclusive, telles que le payement de dommages-intérêts ou la résolution du contrat, l’obligation à laquelle il faut se référer aux fins de l’application de l’art. 5, 1°, de la Convention est celle qui découle du contrat à charge du concédant et dont l’inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages-intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire ;
Attendu que, dans le système de la loi du 27 juillet 1961, ainsi que cela est confirmé par les travaux préparatoires de cette loi et par ceux de la loi du 13 avril 1971, lorsqu'il est mis fin par une des parties à une concession de vente exclusive à durée indéterminée, l’octroi d'un préavis raisonnable constitue la règle et ce n'est qu'à défaut de préavis qu'une indemnité compensant les avantages d'un préavis et calculée en fonction de ces avantages doit être accordée ;
Que l’obligation de payer l’indemnité de résiliation prévue par l’art. 2 de la loi n'est donc pas une obligation contractuelle autonome, mais une obligation remplaçant l’obligation contractuelle inexécutée de donner un préavis raisonnable ;
Que cette dernière obligation s'analyse pour le concédant en la continuation, pendant la durée du préavis, de l’exécution de son obligation principale, celle de respecter l’exclusivité du concessionnaire sur le territoire concédé, et doit, dès lors, s'exécuter en l’espèce en Belgique, comme l’obligation principale de la demanderesse ;
Que l’arrêt décide, sans violer les dispositions invoquées au moyen, que l’obligation de payer l’indemnité prévue par l’art. 2 de la loi du 27 juillet 1961 doit s'exécuter en Belgique ;
Que le moyen manque en droit ;
Par ces motifs,
rejette le pourvoi ;