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Résumé de la décision La propriétaire d’une siroperie a livré du concentré de jus de prunes à une société autrichienne. Cette dernière n’ayant pas payé les factures relatives au contrat de vente, la propriétaire de la siroperie réclama devant le Tribunal de commerce de Verviers (BE) le paiement des factures plus les intérêts de retard correspondants. La société autrichienne souleva un déclinatoire de compétence; le tribunal y fit droit. La propriétaire de la siroperie fit appel.
La Cour d’appel de Liège (BE) se déclare compétente en vertu de l’art. 5 no. 1 de la Convention de Bruxelles. L’obligation qui sert de fondement à la demande principale est une obligation de paiement d’une somme d’argent. Son lieu d’exécution doit être déterminé par la loi belge, applicable en vertu de la Convention de Rome. Selon l'art. 1247 du code civil belge, le paiement doit être fait, sauf convention contraire, au domicile du débiteur. La cour constate que certes la société autrichienne a effectué plusieurs versements sur le compte de la propriétaire de la siroperie. Toutefois, cela ne révèle pas, en l’absence de circonstances particulières révélant la volonté des parties, qu’il y ait eu accord sur le caractère portable de la dette. La dette reste donc quérable (art. 1247 al. 2) et l’obligation qui sert de base à la demande principale doit être exécutée au siège de la société autrichienne, en l’espèce en Autriche.
Vu l’appel du jugement rendu le 8 novembre 1999 par le tribunal de commerce de Verviers interjeté le 11 avril 2000 par la s.a. Siroperie Meurens ;
Attendu que l’appelante se fonde sur un contrat de production intervenu entre parties le 15 janvier 1995 et postule la condamnation de la société de droit autrichien Steirerobst au paiement de 83.855,01 EUR augmentés des intérêts de retard correspondant à des fournitures impayées de concentré de jus de prunes ;
Attendu que le déclinatoire de juridiction soulevé par la partie intimée a été retenu par le tribunal qui s’est déclaré incompétent ratione loci ;
Attendu que la recevabilité de l’appel est contestée au motif que « les arts. 1050, al. 2, et 1055 du Code judiciaire interdisent l’appel d’une décision sur la compétence avant le jugement définitif sur le fond et ne distinguent pas suivant qu’il s’agit d’un jugement statuant sur un déclinatoire de compétence ou de juridiction » (Liège, 1er févr. 1994, J.L.M.B., 1994, p. 1059 ; 23 févr. 1999, J.T., 2000, p. 47) ;
Attendu que l’interprétation faite par l’intimée des dispositions précitées qui ont pour but de « remédier aux chicanes et (...) d’éviter que le jugement de la cause soit inutilement retardé par des incidents de compétence ou de recevabilité » (Liège, 1er févr. 1994, déjà cité) ne saurait être suivie ;
Attendu que les jugements qui statuent sur la compétence internationale du juge ou sur sa compétence ratione loci dans l’ordre interne sont en règle appelables ;
que les dispositions précitées ne modifient en rien les règles de fond relatives à l’exercice du droit d’interjeter appel ; qu’elles prévoient simplement pour les raisons qui ont été indiquées une « réduction (temporaire) des possibilités d’appel en ce qui concerne les décisions relatives à la compétence » (Liège, 23 févr. 1999, op. cit.) jusqu’à l’intervention d’un jugement définitif ;
qu’elles ne privent en rien les parties du droit d’interjeter appel lorsque, comme en l’espèce, les premiers juges en se déclarant sans juridiction, ont définitivement vidé leur saisine ;
que les deux décisions précitées sur lesquelles l’intimée fonde l’exception d’irrecevabilité qu’elle soulève visent des cas dans lesquels le déclinatoire de juridiction avait été rejeté et où, par hypothèse, le premier juge n’avait pas vidé sa saisine puisqu’il s’était déclaré compétent pour connaître de la demande ;
que l’appel interjeté est donc recevable :
Attendu que les parties s’accordent, pour trancher la question de compétence, sur l’application
– de l’art. 5.1 de la Convention du 27 septembre 1968 entre les états membres de la Communauté économique européenne concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
– de la loi belge au litige conformément à l’art. 4 de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du protocole et de deux déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980 ;
qu’elles conviennent de ce que les premiers juges ont décidé à bon droit que « l’obligation qui sert au fondement de la demande principale est une obligation de paiement d’une somme d’argent » (jugement, 4e feuillet, avant-dernier paragraphe, concl. s.a. Meurens, pt 35 ; concl. Steirerobst, pt 3, p. 11) ;
qu’il s’agit donc de déterminer le lieu de l’exécution de l’obligation de paiement des marchandises fournies par l’appelante ;
Attendu que le contrat de production du 15 janvier 1995 et l’abondante correspondance échangée entre parties ne contiennent aucune indication à ce sujet ;
Attendu que dans le courant de l’année 1995, l’intimée a effectué des versements sur les comptes de l’appelante en Belgique pour un montant de 84.192.852 BEF (dossier s.a. Meurens, pièce 83) ; qu’il en a été de même durant l’année 1994 où des versements ont été effectués pour un montant de 58.834.809 BEF (dossier s.a. Meurens, pièce 90) ;
que le seul fait de procéder au paiement des marchandises par virement bancaire est banal compte tenu de l’ampleur et du nombre d’opérations intervenues ; que cela n’implique pas, en l’absence de circonstances particulières révélant la volonté des parties, qu’il y ait eu accord sur le caractère portable de la dette (dans ce sens, Mons, 7 janv. 1992, J.L.M.B., 1992, p. 881) ;
que la dette reste donc quérable conformément à l’art. 1247, al. 2, du Code civil et que l’obligation qui sert de base à la demande principale doit être exécutée au siège de l’intimée en Autriche ;
Par ces motifs :
La Cour,
Statuant contradictoirement,
Reçoit l’appel,
Confirme le jugement entrepris.