MOTIVATION DE LA DECISION
I. Demandes et procédure.
1. Par citation du 29.8.2003, la demanderesse postule le divorce pour cause d’injure grave.
Elle a demandé en même temps au juge des référés les mesures provisoires durant l’instance en divorce.
L’huissier a cité le défendeur à son domicile en Belgique, soit … :
– pour le mardi 2 septembre devant la présidente siégeant en référé quant au fond,
– pour le mardi 9 septembre devant la deuxième chambre pour les mesures provisoires, de sorte que la demande de mesures provisoires se retrouvait devant le juge du fond et la demande au fond devant le juge des référés.
2. Le défendeur a d’abord soulevé un moyen que le tribunal qualifie d’incident de répartition.
Suite au jugement du 30.10.2003, madame la Présidente du tribunal a renvoyé les mesures provisoires devant le juge des référés (décision du 22.12.2003) et suite à la décision du juge des référés du 28.5.2004, l’affaire devant la présente chambre (décision du 30.6.2004). Les parties plaident à présent uniquement les problèmes de procédure.
II. Documents examinés par le tribunal.
Le tribunal a revu le jugement du 30.10.2003 ainsi que les pièces de procédure y visées.
Il a pris connaissance des documents suivants :
– les ordonnances de madame la Présidente du tribunal des 22.12.2003 et 30.6.2004,
– les dossiers déposés pour chacune des parties.
III. Quant à la régularité de la citation.
1. Le demandeur plaide que la citation a été notifiée à un domicile périmé et doit être déclarée nulle.
2. L’extrait du registre national montre qu’à la date du 28.8.2003, le défendeur était domicilié à l’adresse de la citation.
Ceci résulte de :
– l’extrait du registre national annexé à la citation et daté du 28.8.2003 à 11h19 ;
– la composition de ménage délivrée le 28.8.2003 par l’administration communale de Liège. Ce dernier document démontre que le registre national était conforme aux données des registres de la population.
Certes, il apparaît de l’extrait du registre national du 29.9.2003 à 18h49 que le défendeur était rayé à la date du 23.5.2003 pour Niort, … et une attestation de l’officier de l’état civil de la ville de Liège du 19.9.2003 fait état de ce que le défendeur a été radié pour Niort en date du 23.5.2003.
Cette information apparaît également à l’extrait du registre national du 30.9.2003.
Tous ces documents sont postérieurs à la citation. Rien n’exclut que la régularisation ait été faite à posteriori. Au contraire, les documents datant de la veille de la citation indiquent tous le maintien du domicile du défendeur à l’adresse de la citation.
3. Le défendeur n’apporte aucun élément démontrant qu’il avait régulièrement averti les services de la population :
– Il dépose un courriel adressé à son épouse lui demandant de faxer la demande de radiation le 6.5.2,003 mais celle-ci répond qu’il doit y apporter une modification quant au Numéro de la maison avenue …
– Il dépose (pièce 5 bis) une copie de lettre adressée au services de population no. de fax … non datée et dont la preuve de l’envoi n’est pas déposée.
L’art. 7 de la loi du 16.7.1992 sur la tenue du registre de la population prévoit que la personne qui transfert sa résidence principale à l’étranger en fait la déclaration dans la commune où elle est inscrite au plus tard la veille du départ.
Le défendeur qui déclare dans le courrier (pièce 5bis) ci-dessus avoir quitté la Belgique au 1.9.2002 n’a donc pas respecté ses obligations.
4. Le tribunal ne peut qu’avoir égard aux renseignements figurant dans les registres de la population à la veille de la citation et conclure que le défendeur était toujours domicilié à l’adresse qui y est reprise.
5. L’art. 35 du code judiciaire prévoit que la signification est faite dans l’ordre suivant :
– à personne,
– sinon, à domicile,
– sinon, à résidence.
L’art. 36 du code judiciaire prévoit qu’ » Au sens du présent Code, il faut entendre : par domicile, le lieu où la personne est inscrite à titre principal sur lés registres de la population ».
Ainsi, la loi présume juris et de jure, pour l’application des règles de procédure et de compétence que celui-ci est au lieu de « l’inscription à titre principal sur les registres de la population » (voir M.F. Lampe, « Les effets personnels de la filiation » in La filiation et l’adoption, Bruxelles, éd. Jeune Barreau 1988, p. 188 – cité par A. Kohl, in Jurisprudence du code judiciaire, Editions La Charte, 36/3).
Il en résulte que la citation a été régulièrement faite à l’endroit où le défendeur avait son inscription à titre principal au registre de la population au moment de la citation.
6. L’argumentation sous-jacente que la demanderesse a agi frauduleusement en citant à une adresse où elle savait que le défendeur n’était plus n’est pas déterminante :
– le code judiciaire prévoit une hiérarchie des modes de citation,
– chacun est le premier gardien de sa sécurité juridique et le défendeur doit assumer le fait de ne pas avoir averti l’administration communale lors de son départ en septembre 2002 comme il en avait l’obligation,
– le conseil de la demanderesse a averti par fax le conseil du défendeur qui semble n’avoir pris aucune initiative pour contacter la juridiction saisie, fut-ce après que l’affaire ait été prise en délibéré.
IV. Application du règlement européen 1347/2000.
1. L’art. 10 dudit règlement prévoit que lorsque le défendeur a sa résidence habituelle dans un état autre que l’état membre où l’action a été intentée, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l’acte introductif d’instance. Le règlement fait donc référence à la notion de résidence et non plus de domicile. La sanction du défaut de notification à résidence n’est pas la nullité de la citation mais, lorsque le défendeur ne comparaît pas, l’obligation de surséance s’applique jusqu’à ce qu’il soit démontré que le défendeur a été à même de recevoir l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent afin de pourvoir à sa défense.
2. En l’espèce, et devant la présente chambre, le défendeur comparaît et a eu tout le temps d’organiser sa défense.
V. Litispendance.
1. Les tribunaux belges sont compétents en vertu du Règlement 1347/2000, art. 2, 1.a, deuxième tiret, la dernière résidence habituelle des époux étant située en Belgique et l’épouse se trouvant toujours en Belgique. Les tribunaux français sont compétents en vertu de l’art. 2, l. b, les époux ayant l’un et l’autre la nationalité française. Le défendeur a saisi le juge français par requête déposée le 29.8.2003. Il y a donc litispendance.
2. L’art. 11 prévoit que la juridiction deuxième saisie sursoit à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Selon les informations données par les parties, la juridiction française a sursis à statuer jusqu’à ce que le présent tribunal statue. L’art. 4.a prévoit que la juridiction est saisie à la date du dépôt lorsque l’acte introductif d’instance doit être déposé. La juridiction française est donc saisie le 29.8.2003.
L’art. 4.b prévoit que lorsque l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé, la juridiction est saisie à la date à laquelle il est reçu par l’autorité chargée de la notification ou de la signification, soit à la date de réception du fax du conseil de la demanderesse par l’huissier, à savoir le 27.8.2003.
Il en résulte que le tribunal de Liège, premier saisi, est compétent pour connaître de la demande.
3. C’est à tort que le défendeur fait valoir que l’article précise que la juridiction est saisie « à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre des mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit déposé auprès de la juridiction ». Les deux demandes et particulièrement la présente demande au fond ont été régulièrement inscrites au rôle de la juridiction, la question de l’attribution de la demande à l’une ou l’autre chambre n’étant qu’un incident de répartition interne.
VI. Quant à la demande en divorce.
Il y a lieu de réserver à statuer quant à ce et de renvoyer la cause au rôle.
VII. Compétence interne.
Sur le plan de la compétence interne, le tribunal de Liège est compétent en vertu de l’art. 628,1° du code judiciaire, la dernière résidence des époux étant sise en l’arrondissement de Liège.
DECISION DU TRIBUNAL
Le tribunal statue contradictoirement et décide comme suit :
Se dit valablement saisi de la demande.
Constate qu’il est compétent territorialement pour en connaître.