I. Faits
Les faits ont été correctement énoncés par les premiers juges à l'exposé desquels la cour se réfère. Il suffit de rappeler les éléments suivants :
- le 8 décembre 2000 l'intimée achète à la SARL S. de droit français une chaîne de traitement et de granulométrie destinée à l'arrachage et au déchiquetage de pneumatiques de tourisme pour le prix de 3.575.000 FF hors TVA.
- la réception provisoire a lieu le 8 juin 2001 et la réception définitive le 2 juillet 2001
- fors des négociations sur la vente de la machine, l'intimée obtient la conclusion par la SARL S. avec (appelante la SA X. France d'un contrat d'assurance « bris de machines » « garantie du constructeur » pour une période de 12 mois à dater de la réception provisoire ; le montant garanti correspond à la valeur à neuf de la machine soit 3.575.000 FF
- la nuit du 21 au 22 septembre 2001 un incendie se déclare dans la chaîne
- l'intimée sollicite la condamnation de la compagnie X. à lui verser l'indemnité prévue au contrat d'assurance.
II. Discussion
1. Compétence
En degré d'appel, pour la première fois, les appelantes invoquent la compétence des juridictions françaises (contrat souscrit en France par deux sociétés de personnalité juridique française). Les juridictions belges sont compétentes sur la base de l'art. 10 du Règlement Bruxelles I : « L'assureur peut, en outre, être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit s'il s'agit d'assurance de responsabilité » et de l'art. 11.2 dudit Règlement « les dispositions des arts. 8, 9 et 10 sont applicables en cas d'action directe intentée par la victime contre l'assureur lorsque l'action directe est possible ». Il s'agit en l'espèce d'une assurance de, responsabilité et la loi belge prévoit l'action directe de la victime contre l'assureur -l'art. 86 de la loi du 25 juin 1992.
Certes la convention d'assurance souscrite par la SA X. France et la SARL S. indique : « conditions particulières du contrat bris de machines » « garanties de Base Dommages aux biens » mais il s'agit de la situer dans son contexte et d'en étudier les termes afin de déterminer quelle fut l'intention des parties. L'intimée lorsqu'elle a négocié avec la SARL S. en vue de l'acquisition auprès de cette dernière d'une chaîne de traitement et de granulométrie de pneumatiques, a souhaité et obtenu des garanties spécifiques dont la garantie litigieuse destinée à couvrir le risque d'une défectuosité de la machine. Il importe de relever que la police responsabilité civile exploitation qui couvrait la responsabilité professionnelle de la SARL S., souscrite également auprès de la SA X. France, excluait de la garantie les dommages aux biens fournis par l'assuré tant avant qu'après leur livraison - p. 7-11 des conditions générales déposées par la SA X. Belgium. Il est donc compréhensible que l'intimée ait donc voulu une garantie supplémentaire portant sur les dommages au bien livré qui s'avérerait défectueux. C'est ainsi que la police litigieuse intitulée « assurance du constructeur » fut souscrite par la SARL S. par ure convention dite « spéciale » - p. 6/7 de la pièce 1 de l'intimée.
Il appert des dispositions de cette derrière que la SA X. France a accepté de couvrir une destruction ou détérioration bien précise soit celle résultant « d'une erreur de conception, d'un vice de matière, d'un défaut de construction ou de montage et ce, pour autant que ces dommages mettent en cause la garantie du constructeur de la machine assurée ». Ces termes de la police ainsi souscrite dans la continuation de la police couvrant la responsabilité professionnelle, démontrent que dans l'esprit des parties à cette convention, la SA X. France et la SARL S., il s'agit bien d'une assurance responsabilité, conclue spécialement dans le cadre du contrat intervenu entre cette dernière société et l'intimée. Les appelantes font référence aux conditions générales. Or les seules conditions générales déposées le sont par les appelantes et elles constituent des conditions générales classiques de la responsabilité.
En outre s'il fallait considérer que les parties ont voulu souscrire non pas une assurance de responsabilité destinée à garantir l'assuré la SARL S. contre toute demande en réparation fondée sur la survenance du dommage prévu au contrat soit la détérioration ou destruction de la machine appartenant à l'intimée, résultant d'une erreur de conception, d'un vice de matière, d'un défaut de construction ou de montage, mais comme le soutiennent les appelantes à la p. 4 point 111. 1 de leurs conclusions, une assurance de chose soit une assurance où le sinistre frappe une chose déterminée à laquelle l'assuré est directement intéressé, il se déduirait du contexte décrit ci-dessus et des termes de la police qui précise « POUR UN RISQUE SITUE : Société Y.-.... Belgique » que les parties X. France et la SARL S. ont souscrit une assurance pour compte. La SARL S. a dans le cadre de cette analyse souscrit un contrat d'assurance pour couvrit l'intérêt d'assurance d'une autre personne, l'intimée, elle seule directement intéressée, véritable assurée.
Dans cette analyse, les juridictions belges demeurent compétentes en vertu de l'art. 9.1.b) du Règlement Bruxelles I qui énonce que l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre en cas d'actions intentées par, notamment, l'assuré, devant le tribunal où le demandeur a son domicile. L'appelante évoque une clause du contrat faisant élection de for ; elle ne précise pas ce que contiendrait cette clause ni l'endroit ou elle figure dans le contrat ; elle ne tire de cette considération aucune consigne juridique.
2. Loi applicable et recevabilité de l'action
Conformément au prescrit de l'art. 28ter para. 2 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances, la loi applicable est la loi française. En effet selon cet article le contrat est régi par la loi de l'Etat membre où le risque est situé lorsque le contrat est relatif à des risques situés dans un Etat membre des Communautés européennes autre que la Belgique et que les parties n'ont pas choisi la loi applicable. Or l'art. 2 para. 6, 8° a) de ladite loi définit « l'Etat membre où le risque est situé » comme celui dans lequel le preneur a sa résidence habituelle ou si le preneur est une personne morale l'Etat membre où est situé l'établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte dans tous les cas qui ne sont pas explicitement visés par les litteras suivants. En l'espèce le preneur d'assurance la SARL S. a son établissement auquel le contrat se rapporte en France et son cas n'est pas visé par les litteras b, c, d de cette disposition. En sus, les parties n'ont pas choisi la loi applicable.
Cependant en vertu de l'art. 28 para. 1er si le juge belge est saisi, les dispositions de l'art. 28 ne peuvent porter atteinte à l'application des règles de la loi beige qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat. Or l'art. 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre stipule que « sauf lorsque la possibilité d'y déroger par des conventions particulières résulte de leur rédaction même, les dispositions de la présente loi sont impératives ». Tel est bien le caractère de l'art. 86 qui énonce que « L'assurance fait naître au profit de la personne lésée un droit propre contre l'assureur ». Il n'est de toute façon pas contesté que la loi française reconnaît également une action directe au tiers victime. S'agissant d'une assurance de responsabilité comme démontré ci-dessus, l'action de l'intimée est recevable.
Elle est tout autant si on analysait l'assurance litigieuse en assurance de chose, la loi française, comme la loi beige d'ailleurs, reconnaissant l'institution de l'assurance pour compte qui confère à l'intimée la qualité d'assuré. Contrairement à ce que les appelantes énoncent aux p. 6 et 7 de leurs conclusions, la police litigieuse ne s'analyse pas en une assurance de frais. Elles opèrent une distinction artificielle entre la machine en elle-même et son fonctionnement correct alors que la police garantit la destruction ou la détérioration imprévue subie par la machine, qui résulte d'une erreur de conception, d'un vice de matière, d'un défaut de construction ou de montage, distinction par ailleurs sans conséquence juridique. L'élément déterminant est la garantie apportée à la SARL S. du risque financier inhérent à la mise en œuvre de sa garantie de constructeur de la machine assurée donc de sa responsabilité.
3. Fondement de l'action
1. Dans leur requête d'appel, les appelantes énoncent que le contrat d'assurance litigieux a été souscrit par la SA X. France seule et que cette société et la SA X. Belgium ont des personnalités juridiques différentes. Lors de l'audience du 9 mai 2005, l'intimée a fait valoir qu'elle avait assigné la SA X. Belgium en sa qualité de représentante légale de la SA X. France, ce qui est conforme à la directive IV. La société X Belgium étant étrangère au contrat litigieux, il y a lieu de dire la demande non fondée à son égard.
2. L'expert conclut que la cause des avaries de la chaîne litigieuse tient à des vices de conception de la chaîne et non à une utilisation inopérante ou malencontreuse, ni qu'elles proviennent d'un élément extérieur ; qu'il s'agit en réalité d'un prototype qui présente de par sa conception des vices qui le rendent inapte à l'usage auquel il est destiné sans que des transformations très importantes de principe soient effectuées ; que la machine litigieuse demande encore de très nombreux développements et autres mises au point avant un usage industriel normal - p. 74 à 76 du rapport. Il estime que l'avarie intervenue a totalement déclassé la machine laquelle est considérée comme définitivement hors d'état de fonctionner - p. 75 du rapport. Les réparations effectuées par la SARL S. suite à l'incendie litigieux lesquelles portaient principalement sur le remplacement du séparateur n'ont pas eu pour effet de transformer la destruction de la machine assurée résultant d'une erreur de conception tel que cela résulte sans conteste du rapport d'expertise judiciaire en un simple défaut de performance non garanti.
Le séparateur fourni en remplacement était du même type que le séparateur détruit - p. 22 du rapport. Il a connu les mêmes ennuis que le premier - p. 70 du rapport. Il s'en déduit que la machine a bien été détruite ou détériorée suite à des vices de conception, que ces vices demeurent nonobstant les réparations effectuées en sorte que les conditions de la garantie sont rencontrées et que l'indemnité contractuellement prévue est due et non pas le seul préjudice lié au coût de la réparation de la machine en suite de l'incendie comme l'affirment les appelantes dans leur requête d'appel. La circonstance que l'intimée ait acheté une autre machine de conception allemande sans en référer à X. France est sans incidence.
3. Les faits ou omissions que les appelants imputent à l'intimée aux p. 11 et 12 de leurs conclusions, à les considérer comme établis et constitutifs d'une faute, quod non, ne sont pas démontrés être en relation causale nécessaire avec la survenance du sinistre justifiant l'intervention de la garantie litigieuse. L'expert est formel et conclut que la cause des avaries de la chaîne litigieuse tient à des vices de conception de la chaîne et non à une utilisation inopérante ou malencontreuse, et ce à l'exclusion de causes extérieures qui seraient venues perturber accidentellement le fonctionnement de la chaîne - p. 74 et 75 du rapport. L'incendie n'a été qu'une conséquence de la détérioration de la machine due exclusivement à une erreur de conception et non la cause de la détérioration justifiant l'intervention de la garantie litigieuse.
4. Dans leur requête d'appel, les appelantes reprochent au premier juge d'avoir considéré qu'il n'y avait pas de couverture multiple ni d'identité de risque couvert entre la couverture, accordée par la compagnie X. et celle accordée par la compagnie M., garantie souscrite par l'intimée. La cour constate qu'elles ne tirent aucune conséquence en droit de ce reproche s'il s'avérait fondé se contentant d'affirmer que X. France ne doit intervenir qu'à concurrente du prix de la réparation, affirmation inexacte comme cela est démontré ci-dessus, et que l'intimée avait déjà été indemnisée par M. à concurrence de ce montant. Néanmoins, la cour objecte qu'il ne saurait y avoir assurance multiple en l'espèce. La police litigieuse contractée par la SARL S. a pour objet de la garantir d'une dette de responsabilité due à la destruction ou la détérioration subie par la machine assurée qui résulte d'une erreur de conception, d'un vice de matière, d'un défaut de construction ou de montage mettant en cause sa garantie de constructeur de ladite machine, alors que la police souscrite par l'intimée auprès de la compagnie M. « assurance robotique » se préoccupe de la conservation de la chose assurée à savoir la machine litigieuse qu'elle avait acquise, couvrant les « bris » à savoir les dégâts énumérés à la police. S'il fallait analyser la police litigieuse en une assurance de chose, il n'y aurait davantage pas d'assurance multiple puisque la police souscrite auprès de la compagnie M. exclut de sa couverture les pertes et les dommages dont un fournisseur est responsable contractuellement ou non et si la compagnie prend néanmoins le sinistre en charge au tas où ledit fournisseur déclinerait sa responsabilité, elle exercerait le recours s'il y a lieu - art. 3.1 h) des conditions générales.
5. Il a donc lieu de condamner la SA X. France à payer l'indemnité prévue au contrat soit 548.816,46 EUR à augmenter des intérêts au taux légal soit 7 % depuis le 2 juillet 2001 date de la réception définitive comme le demande l'intimée par un appel incident formé par conclusions du 12 juillet 2004. Les appelantes invoquent que l'intimée n'a pas payé la facture émise par la SARL S., suite à la réparation effectuée après l'incendie, laquelle fa cédée à la Société Z. de banque qui a pratiqué opposition entre les mains de la SA X. France, alors que l'intimée avait reçu le montant correspondant de sa compagnie d'assurance MEA et que celle-ci a obtenu par jugement du tribunal de commerce de Liège du 24 mars 2005 la condamnation de la SA X. Belgium à lui rembourser ce montant sur la base de la police responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales qui avait été souscrite par la SARL S. Elles énoncent qu'il ne peut être accepté que la compagnie X. soit tenue de verser d'une part la somme due à M. et d'autre part la même somme à la Société Z. de banque.
La cour constate que c'est la société X Belgium qui a été condamnée vis-à-vis de la compagnie M et non la société X. France, sociétés qui ont des personnalités juridiques différentes comme font revendiqué les appelantes dans leur requête d'appel, en sorte qu'il devient difficilement soutenable qu'il faudrait déduire du montant du dans la présente cause par la SA X. France celui du par la SA X. Belgium dans une autre cause. Quoi qu'il en soit, ce qui est déterminant c'est que la facture de la réparation est tout à fait étrangère à la police d'assurance concernée par le présent litige. La SA X. Belgium a été condamnée sur la base d'une police responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrite par la SARL S. à rembourser à la compagnie M. le montant que celle-ci avait versé à son assurée l'intimée et qui portait sur la facture de la réparation effectuée après l'incendie par la SARL S. Alors que dans la présente cause la SA X. France est condamnée à verser à l'intimée l'indemnité due sur la base d'une police « assurance du constructeur » car il est établi que la destruction ou détérioration de la machine assurée résulte d'une erreur de conception.
Il appartiendra à la société Z. de banque de poursuivre efficacement sa procédure de saisie en mains d'un tiers la SA X. France. Celle-ci ne devra jamais décaisser plus que les sommes visées au présent arrêt sauf évidemment si elle engageait sa responsabilité en ne respectant pas les règles qui s'imposent au tiers saisi. Par contre si la cour suivait le raisonnement de la SA X. France et déduisait de l'indemnité due en vertu de la police garantie du constructeur le montant de la créance de la société Z. de banque, on ne voit pas sur la base de quel titre la SA X. France deviendrait débitrice à due concurrence vis-à-vis de cette société ni ce qui empêcherait cette derrière de poursuivre en cas de non désintéressement sa procédure d'opposition et saisie arrêt sur le montant qui aurait été ainsi réduit par le présent arrêt.
6. L'intimée introduit en degré d'appel ure demande dont la recevabilité n'est pas contestée, portant sur les frais de conseil. Elle invoque à l'appui de sa demande l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 septembre 2004. Cette demande n'est pas fondée. L'intimée n'invoque pas l'existence d'une faute dans le chef de la SA X. France qui aurait eu pour conséquence nécessaire l'introduction de la présente procédure. Elle invoque uniquement la faute de l'assuré. Or la SA X. France doit uniquement accorder sa garantie contractuelle laquelle n' a pas pour objet d'indemniser toutes les conséquences pécuniaires de la faute de son assuré mais uniquement les dommages au bien assuré.
Par ces motifs,
Vu l'art. 24 de la loi du 15 juin 1935,
La cour, statuant contradictoirement,
Reçoit les appels.
Réformant partiellement le jugement entrepris, dit la demande non fondée contre la SA X. Belgium.
Condamne la SA X. France à payer à la SA Y. 548.816,46 EUR à augmenter des intérêts au taux de 7 % depuis le 2 juillet 2001 jusqu'à complet payement. Dit la demande en payement des frais de conseil recevable et non fondée.